Dans son introduction au contexte politique dans lequel va se dérouler entre le 10 et le 11 mars 2007 la consultation de 45 citoyens résidant au Luxembourg, le politologue Philippe Poirier a affirmé que "tous les référendums qui se sont tenus sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ont confirmé que des Européens, de plus en plus nombreux, étaient indifférents, voire sceptiques quant au futur de l’Union européenne. L’éloignement de la politique européenne -et à vrai dire son incompréhension par la majorité des citoyens- est un épiphénomène d’un mouvement beaucoup plus vaste."
Et de continuer : "La démocratie représentative est de plus en plus concurrencée et contournée notamment dès qu’il s’agit de définir la règle commune par les conventions internationales, la comitologie, les organes de conciliation type Tripartite au Luxembourg par exemple. Dans ces conditions, il est nécessaire de réfléchir à des instruments de consultation et de délibération complémentaires à la démocratie représentative au risque sinon d’affaiblir encore plus la légitimité de la décision en politique d’autant plus que le centre de gravité de celle-ci n’est plus seulement l’Etat-nation. Le projet European Citizens’ Consultation, financé par la Commission européenne, exercice de démocratie délibérative dans les 27 Etats membres de l’Union est l’un de ces instruments. Il ne saurait être considéré toutefois comme la panacée, mais il a le double mérite (..) d’être à la fois un outil pédagogique et un canal supplémentaire d’expression de l’opinion politique."
Lors de la consultation des citoyens, ce seront les citoyens qui seront les "maîtres du jeu", ou autrement dit : "L’objet de la recherche, les citoyens, est pour ainsi dire le producteur des données à étudier."
Les thématiques qui se seront discutées les 10 et 11 mars 2007 à Canach par 45 citoyens du Luxembourg (60 % de citoyens luxembourgeois, 40% d’autres citoyens européens, des citoyens qui ont voté pour et d’autres contre le traité constitutionnel) sont au nombre de 4 :
Trois de ces thématiques ont été définies par la consultation des citoyens de toute l’Union européenne à Bruxelles en octobre dernier. La dernière a été ajoutée par l’Université au regard des communautés qui composent la société grand-ducale aujourd’hui et des résultats d’une étude sur le référendum constitutionnel qui sera publiée au cours du mois de mars et qui montre notamment, selon Philippe Poirier, "que le vertige identitaire et social a été l’un des déterminants du vote."
Le chercheur Raphaël Kies a ensuite expliqué le déroulement du projet de consultation. Les consultations nationales ont selon lui pour objectif d’élaborer un certain nombre de visions concrètes par rapport aux thématiques proposées et, d’autre part, de faire des propositions sur l’éventuel rôle de l’UE pour que ces visions deviennent réalité. L’ensemble des ces propositions sera synthétisé dans un rapport national qui sera remis non seulement aux citoyens, mais également aux autorités politiques nationales.
Une consultation finale aura lieu en mai 2007 à Bruxelles. Le Luxembourg y sera représenté par deux citoyens qui présenteront leurs visions ainsi que leurs propositions d’actions pour l’UE. Deux journées de débats approfondis aboutiront à un document de synthèse qui comprendra les principales propositions qui auront été faites lors des 27 consultations.
Ce document qui prendra la forme de recommandations sera distribué aux principaux acteurs européens (commission, parlement européen, conseil européen) aux acteurs nationaux (parlement, partis politiques, société civile) ainsi qu’à la presse. L’objectif est que cette consultation citoyenne ait un réel impact sur le processus politique.
Interrogé sur la nature non contraignante de ce document final, le ministre délégué Nicolas Schmit a insisté sur le fait que "si ces sujets sont sur la place publique, les politiques ne peuvent plus les ignorer." Cela est d’autant plus impérieux que les sujets sociaux, environnementaux, énergétiques, politiques et socio-culturels retenus par les citoyens sont des sujets qui les touchent et qui ont besoin de solutions européennes qui dépassent les compétences de l’Etat national. Ce n’est que de cette manière que l’Union européenne peut devenir, 50 ans après sa création, « une affaire des citoyens, sans lesquels elle ne peut se développer. L’Union européenne doit défendre des causes auxquelles les citoyens peuvent s’identifier. C’est pourquoi il faut qu’a travers différents modes de participation, leur opinion soit demandée, exprimée et avoir un impact," a conclu le ministre.