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Emploi et politique sociale
Conférence-débat sur le Livre vert "Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle"
15-02-2007


débat_1Le 15 février 2007, le ministre du Travail et de l’Emploi, François Biltgen avait invité à un large débat sur le Livre vert de la Commission européenne, "Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle", au Centre culturel de Neumünster. L’événement qui était ouvert au public, s’est déroulé avec la participation du Commissaire européen Vladimir Spidla responsable de l’Emploi, des Affaires sociales et de l’Egalité, ainsi que des organisations patronales et syndicales européennes et nationales.

Qu’est-ce le Livre vert ?

Le Livre vert est un document d’environ 20 pages qui reprend une panoplie d’idées avec l’objectif de lancer, à l’échelle européenne, un débat sur la manière de faire évoluer le droit du travail. La conférence a été précédée par une brève intervention du ministre Biltgen au cours de laquelle il a exposé les motivations de la conférence-débat "J’en avais assez qu’on me dise partout qu’on ne parle pas assez de l’Europe sociale" a-t-il lancé en ajoutant qu’il fallait discuter des dossiers lorsqu’ils sont en phase d’élaboration et non pas lorsqu’ils sont déjà entérinés.

Vladimir Spidla : "Pour une flexibilité qui garantit une sécurité adéquate aux travailleurs"

Dans son intervention, le commissaire Spidla, a retracé les grandes lignes du Livre vert. Le Commissaire a souligné dans son exposé "que le monde a évolué". La mondialisation, l’évolution des technologies et la concurrence accrue entre les Etats imposent de nouveaux défis qui exigent de nouvelles solutions à apporter au droit du travail. Dans ce contexte, le Commissaire préconise d’encourager la flexibilité tout en garantissant une sécurité adéquate aux travailleurs, quel que soit leur statut. Le Commissaire est conscient de l’ampleur du défi que pose la modernisation du droit du travail. D’autant plus que depuis quelques années, on voit apparaître un marché du travail à deux vitesses entre les travailleurs intégrés, les " insiders", qui exercent un emploi permanent, et les exclus, les "outsiders", qui sont des personnes exclues du marché du travail ou qui retrouvent dans des situations précaires. Le Livre vert devrait permettre à la Commission d’identifier les nouveaux défis en consultant la population et en entamant un large débat avec les parties concernées. En guise de conclusion, Vladimir Spidla a toutefois souligné que "la Commission n’a pas d’idées préconçues et que la consultation est une chance pour trouver des réponses satisfaisantes. Au lieu de murs il faut construire des ponts"

Thérèse De Liedekerke : "Les travailleurs ont besoin de sécurité et de flexibilité"

Le modèle qui vise à concilier la flexibilité accrue et la sécurité des travailleurs, est également prôné par Thérèse De Liedekerke, représentante de Businesseurope.Cependant, Thérèse De Liedekerke a attiré l’attention du public sur les performances médiocres économiques réalisées par l’Union européenne. Que ce soit en matière de croissance, d’emploi ou d’innovation, l’Europe est à la traîne par rapport aux pays émergents comme par exemple l’Inde et la Chine. D’où le besoin de prendre des mesures adéquates pour réformer notre environnement et notamment le droit du travail. Le problème de l’emploi dans l’Union européenne est pour Thérèse De Liedekerke d’autant plus préoccupant si on considère que l’Europe sera confrontée dans les années à venir à une population vieillissante et que les responsables "n’ont pas encore saisi l’ampleur de ce vieillissement et ses conséquences pour la croissance économique." Thérèse De Liedekerke a plaidé pour une analyse critique des systèmes de sécurité sociale, des travaux flexibles à condition qu’il n’y ait pas de travail non déclaré et un monde du travail basé sur l’éducation et la formation. Dans son intervention, Thérèse De Liedekerke a tenu à préciser le concept de "flexicurité". A ses yeux, "on caricature trop souvent ce concept. On présente la flexibilité et la sécurité comme des oppositions. Tandis que la flexibilité représente le plus souvent l’intérêt de l’employeur, la sécurité quant à elle, est censée représenter l’intérêt du travailleur. C’est une erreur car les travailleurs ont besoin des deux."

Catalene Passchier : "More and better jobs"

Mme Catalene Passchier, représentante de la Confédération européenne de syndicats (CES), a rappelé dan son intervention que le droit du travail était le résultat de plus de 150 ans de luttes syndicales. Pourtant, les travailleurs ressentent en Union européenne une " insécurité grandissante". Même si elle était d’avis que la volonté politique faisait défaut en Union européenne pour aller dans une autre direction et que les ambitions de la Commission étaient visiblement limitées, elle voyait quatre raisons pour que le débat soit entamé. D’abord, les réformes du marché du travail menées dans les Etats membres pour renforcer la compétitivité avaient mené à un marché du travail segmenté à deux vitesses, avec des contrats de travail standard (travail permanent à temps plein de type CDI) d’un côté, des travailleurs précarisés et des exclus de l’autre côté. Ensuite, la couverture des relations de travail par les contrats collectifs allait en diminuant à travers toutes les formes de travail externalisé et précaire. Le Livre vert miserait dans ce contexte plus sur la flexibilité que sur la sécurité, ce qui, à travers la "flexibilisation des marges", finirait par précariser toutes les catégories de salariés. Finalement, les transitions sur le marché du travail se feraient toujours, selon Mme Passchier, plus par le recours à des licenciements que par le recours à des départs et des mobilités négociées. L’objectif d’une modernisation du droit du travail doit être selon elle un plus d’emplois et de meilleurs emplois, "more and better jobs".

Jean-Claude Reding : "Dans le monde syndical, le scepticisme vis-à-vis de l’Union européenne augmente"

Le président du syndicat OGB-L, Jean-Claude Reding, a également plaidé pour une évolution du droit du travail qui conduise à plus d’emplois de qualité, alors qu’actuellement les emplois précaires et intérimaires sont en augmentation. Il a témoigné de la crainte que les situations de travail "atypiques" et par essence contraignantes inspiraient aux gens, toutes générations et statuts confondus. La forme de la relation de travail, la motivation des salariés, les conditions de travail et la participation équitable des travailleurs aux richesses produites sont selon lui les vrais problèmes. Or ceux-ci ne sont pas abordés par l’Union européenne. La clé des questions liées à l’emploi, ce sont pour le président de l’OGB-L les négociations collectives. La libéralisation n’a pas eu selon lui un impact positif sur le marché du travail. Il faudrait plutôt aller dans le cadre du débat sur la relation entre flexibilité et sécurité vers la garantie du statut de salarié à tout travailleur, vers l’abolition du statut de chômeur, et une protection de la carrière professionnelle qui empêche que lors de transitions un salarié ne doive recommencer en bas de l’échelle salariale dans une nouvelle entreprise. Reding a conclu par un plaidoyer en faveur du renforcement du droit du travail, qui prenne aussi en compte au niveau de l’Union européenne les droits syndicaux et détermine un socle de droits sociaux minimaux, y inclus le temps de travail. D’où sa mise en garde : "Tout ce qui va dans le sens contraire diminue la confiance en l’Union européenne. Et dans le monde syndical, le scepticisme vis-à-vis de l’Union européenne augmente."

Pierre Bley : "La précarité ne peut être un objectif poursuivi par le patronat qui adhère toujours au modèle social"

Pierre Bley, le représentant de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), a plaidé pour plus de flexibilité sur le marché du travail. Cela veut dire pour Pierre Bley qu’il faut faciliter les transitions et donner aux entreprises la possibilité de recruter les "bons profils" et de donner aux salariés la possibilité de travailler "là où ils sont le plus adaptés". Il y a plus d’emploi là où il y a plus de performance. Et il y a plus de performance là où les salariés sont les plus compétitifs. D’où la nécessité "d’éliminer et de compenser les mauvaises garanties" qui réduisent la flexibilité par la formation et une politique active de l’emploi. Il ne s’agit pas de mettre en cause le CDI, mais il ne faudrait pas que d’autres formes modernes de relation de travail restent marginales, alors qu’elles sont créatrices d’emplois, comme par exemple la création de "groupements d’employeurs". Pierre Bley a indiqué d’autres pistes, comme l’aménagement du temps de travail, où il est possible de trouver des "solutions intelligentes", l’assouplissement des modalités du licenciement individuel ou la diminution des indemnités de départ en cas de licenciement. Pour M. Bley, la précarité ne peut être un objectif poursuivi par un patronat qui adhère toujours au modèle social.

Robert Weber : "Le droit du travail et le filet social se sont affaiblis en Union européenne"

Robert Weber, le président du LCGB, marqua son désaccord avec l’intervention du représentant de l’UEL. Pour lui, il y a du côté du patronat de véritables tentatives pour détruire le droit du travail. Avec le temps, les syndicats, dont le but est d’augmenter la couverture des travailleurs par des conventions collectives et d’obtenir une répartition plus équitable des richesses produites, ont moins de possibilités de défendre les droits des plus faibles. Le droit du travail et le filet social se sont, selon lui, affaiblis en Union européenne. Des salaires plus bas et la prolifération des emplois précaires ne favorisent pas la croissance. Ce qu’il faut en Union européenne, ce sont des emplois à haut niveau et une Union européenne sociale renforcée, pas une destruction de la culture sociale et un libéralisme à outrance.

Vladimir Spidla : "Le même type de débat partout en Europe"

Dans sa contribution finale, le commissaire européen Vladimir Spidla déclara que le débat auquel il avait assisté montrait que la discussion sur la modernisation du droit du travail en Union européenne était pertinente. Il a insisté sur le fait que la Commission n’avait pas encore des solutions toutes prêtes pour que la flexibilisation ne conduise pas à une segmentation trop radicale du marché du travail, processus auquel il fallait réagir. Le débat au Luxembourg montrait en tout cas que "le Luxembourg fait partie de l’Union européenne, car dans tous les autres Etats membres, ce sont les mêmes questions qui reviennent. L’Europe existe comme entité qui permet de tenir le même type de débat partout". L’objectif de l’Union européenne ne peut être pour le Commissaire de diminuer la qualité de vie des travailleurs en Europe, mais au contraire progrès et qualité de vie vont de pair. "Mais le monde change, le statu quo ne peut être une option à long terme".

François Biltgen : "Le travail n’est pas seulement une notion économique, mais aussi humaine"

Le ministre du Travail, François Biltgen, conclut le débat en disant que le travail n’était pas seulement une notion économique, mais aussi humaine, et que la personne qui avait terminé sa journée de travail avait le droit de pouvoir "dormir tranquillement sans devoir s’inquiéter si elle pouvait retrouver son travail le lendemain." Il a contesté les affirmations que le droit du travail luxembourgeois était trop rigide. Au contraire, ce droit du travail n’arrivait pas empêcher l’augmentation de la précarité, alors qu’il lui incombait d’assurer l’équilibre entre flexibilité et sécurité. C’est dans cet esprit que devrait être développé un droit du travail au niveau de l’Union européenne qui fournirait un cadre assez large dans lequel les Etats membres pourraient se développer.