Le Premier ministre a d’emblée déclaré que "la seule influence que le Luxembourg peut exercer sur l’étranger, c’est celle au sein de l’Union européenne. (..) A travers l’Europe, nous pouvons atteindre tous les rivages du globe, nous sommes une part plus grande et plus importante du monde que si nous devions nous contenter de notre seule géographie (..) et de notre seule démographie. Et pour cela nous ne pouvons pas être indifférents à l’état de l’Europe ni au chemin qu’elle prendra."
Il s’est félicité de l’affluence d’Européens au Luxembourg à l’occasion de l’année culturelle européenne 2007, de la dimension Grande Région dans sa mise en œuvre, - "plus européen on ne peut pas" - et a déclaré : "L’année culturelle a ébranlé partout en Europe les clichés qui couraient sur le Luxembourg, et cela est bien ainsi."
Si tout marchait aussi bien en Union européenne que l’année culturelle, la manche serait gagnée. "Mais", regrette Juncker, "ce n’est pas le cas, car l’Union européenne n’arrive toujours pas à trouver un accord en son sein."
Le Premier ministre attend du Conseil européen des 21 et 22 juin qu’il formule une feuille de route qui permette à l’Europe de sortir de l’immobilisme dans lequel elle est tombée avec l’arrêt du processus de ratification du traité constitutionnel.
Le "oui" des Luxembourgeois, qui fut pour Juncker avec 56 % un "oui" massif, engage son gouvernement à viser lors des négociations une préservation de la substance du traité constitutionnel dans le nouveau traité européen : "Nous avons besoin d’une Europe qui fonctionne et qui puisse prendre des décisions, d’une Europe qui élargit ses compétences là où elle n’en a pas assez et qui s’abstient d’intervenir là où ces compétences peuvent être mieux gérées par les Etats membres et leurs parlements."
En clair cela veut dire pour Jean-Claude Juncker que "la politique de l’énergie, la lutte contre la criminalité, la politique étrangère et de sécurité commune, la politique sociale et les mécanismes purement institutionnels qui permettront à l’Union d’être plus efficace sont pour le gouvernement luxembourgeois les éléments de base d’un éventuel accord." Le gouvernement luxembourgeois souhaite par ailleurs quelques avancées qui n’ont pu se réaliser lors de la négociation précédente. Il s’agit avant tout de la dimension sociale de l’Union européenne qui devrait être ancrée dans un ambitieux protocole social. Du point de vue des délais, un accord devrait être trouvé avant la fin de l’année 2007, afin que le nouveau traité puisse entrer en vigueur avant les élections européennes de 2009.
Jean-Claude Juncker pense que ce nouveau traité ne contiendra pas de nouveaux abandons de souverainetés à l’Union européenne. Il ne voit donc à priori pas de raison pour laquelle ce traité devrait de nouveau être soumis à un référendum, les Luxembourgeois ayant déjà dit "oui" aux principes d’un éventuel nouveau traité.
Le Luxembourg fait partie de la zone euro. Ce qui s’y passe le regarde donc directement. La croissance mondiale fut en 2006 de 5,2 %, elle croîtra en 2007 au mieux de 4,8 %. L’économie américaine tourne actuellement moins bien que l’économie de la zone euro, qui affiche pour 2006 une croissance de 2,7 %, sa meilleure performance depuis six ans. La Commission européenne prévoit 2,6 % pour 2007 avec une inflation en dessous de 2 %.
Le chômage, qui est au plus bas depuis les derniers 15 ans, devrait continuer à baisser, "même s’il demeure encore trop élevé."
"Contrairement à ce qui est communément affirmé", dit Juncker, "l’euro ne détruit pas d’emplois, car depuis son introduction, 8 millions de nouveaux emplois ont été créés." Et de dire que depuis les derniers huit ans, sept fois plus d’emplois ont été créés que dans les huit ans qui ont précédé l’euro. "Un chiffre dont ceux qui voient dans l’euro un symbole de la régression sociale devraient tenir compte."
Si le taux de change de l’euro par rapport au dollar ou par rapport au yen est si élevé, c’est qu’il reflète la force des fondamentaux de l’économie dont il est la monnaie. Prévenant les craintes que ce taux élevé par rapport au dollar puisse avoir un impact négatif sur la capacité d’exportation de la zone euro, Jean-Claude Juncker a mis en exergue que "les exportations des pays de la zone euro vers la zone non-euro ne représente que 18 % du PIB de la zone euro. 82 % du PIB de la zone euro est généré par les échanges à l’intérieur de la zone euro. Et dans cette zone, le phénomène de l’instabilité monétaire (..), dont nous avons tant souffert auparavant, a été éliminé." Par ailleurs, la force de l’euro a permis d’amortir l’impact de l’augmentation des prix du pétrole et du gazole.
Un autre avantage de l’euro sont pour le Premier ministre les taux d’intérêts qui restent bas malgré les hausses successives décidées par la Banque centrale européenne et qui ont permis au Luxembourg d’amortir le coût de l’inflation, ce qui n’aurait pas été le cas du temps du franc belge. "L’euro est un grand paratonnerre pour notre petit pays."
Un autre facteur positif est que la mise en œuvre du pacte de stabilité a permis aux treize pays de réduire leurs déficits publics à 1,6 % en 2006, et pour 2007, une réduction à 1 % est prévue.
Abordant la question de la libéralisation intégrale des services de poste et la fin du monopole de la poste en matière de courrier en-dessous de 50 grammes le 1er janvier 2009, le Premier ministre a déclaré que le gouvernement luxembourgeois se prononcera contre la directive et demandera à ce que les prestataires privés de services postaux couvriront les frais de la poste par leur participation à un fonds de compensation.
Pour le Premier ministre, le Luxembourg "doit garder sa position compétitive dans le peloton de tête de l’économie de l’Union européenne.(..) Mais l’économie n’est pas une fin en soi. Elle doit servir les personnes. Et d’abord celles qui n’ont pas d’emploi."
21 000 emplois ont été créés au Luxembourg entre 2005 et 2006. "Mais", dit le Premier ministre, "chacun de ces emplois n’est pas forcément un nouvel emploi dans le sens où il peut être occupé par un demandeur d’emploi d’ici." Soit parce que cet emploi est déclaré au Luxembourg mais s’exerce à l’étranger, ou bien parce qu’il est occupé par un salarié qui vient avec l’entreprise qui se délocalise vers le Luxembourg. "Le phénomène de la délocalisation vers le Luxembourg montre que nous sommes des gagnants de la globalisation dans l’espace économique européen car il a plus d’entreprises étrangères qui viennent au Luxembourg que d’entreprises qui se délocalisent vers l’étranger." Et si le chômage local monte, cela est d’abord une question d’âge, d’aptitude physique et surtout de formation des demandeurs d’emploi. "Le chômage au Luxembourg a des causes autres qu’économiques."
Jean-Claude Juncker a également expliqué comment le Luxembourg allait soutenir la politique environnementale de l’Union européenne.
Dans la mesure où le Luxembourg ne peut atteindre par lui-même l’objectif des 20 % d’énergies renouvelables d’ici 2012, il participera aux parcs éoliens maritimes belges et hollandais. Par ailleurs, le Luxembourg s’engagera pour une réduction du taux de TVA sur les produits économes en énergie et une augmentation des taxes d’importations sur des produits en provenance de pays qui ne participent pas à l’effort global contre le réchauffement climatique.
Le Luxembourg est ouvert à une discussion sur les accises qui sont à l’origine d’une partie du différentiel de prix entre les produits des carburants vendus ici et de l’autre côté des frontières. Il est prêt à condition que des temps de transition raisonnables soient aménagés pour les pays "qui auront un long chemin à faire pour s’aligner sur des nouveaux taux minima" et qui ne pourront être exposés "du jour au lendemain du point de vue financier et budgétaire à des difficultés inextricables".