A la veille de cette reconnaissance officielle, le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn a fait le 20 février 2008 une déclaration à la Chambre des députés, et les députés ont à cette occasion exposé leurs positions sur la naissance de ce nouvel Etat issu de l’ex-Yougoslavie.
Le 12 décembre 2007, Jean Asselborn avait brossé un tableau de la situation politique du Kosovo devant de la Chambre des députés dans lequel il avait exposé que le maintien du statu quo engendrerait des conséquences fatales pour l’ensemble de la région. "Aujourd’hui, le stade du statu quo est dépassé", s’est félicité le chef de la diplomatie luxembourgeoise en ajoutant que la déclaration d’indépendance par Pristina constitue "un pas important dans le processus de résolution de la question kosovare".
Jean Asselborn a rappelé que les ministres des Affaires Etrangères de l’UE sont parvenus le 18 février 2008 à dégager une plate-forme commune. "Contrairement à ce qu’on à écrit, l’objectif n’était pas d’adopter une position européenne commune sur l’indépendance du Kosovo", a tenu à rectifier Jean Asselborn en expliquant qu’en droit international la reconnaissance d’un Etat est un acte unilatéral par lequel un Etat atteste l’existence d’un autre Etat et qu’elle ne relève donc pas de l’Union européenne.
Pour Jean Asselborn, le Kosovo constitue un "cas sui generis", c’est-à-dire un cas exceptionnel qui ne créera pas de précédent. Dans son argumentaire, il a avancé des arguments à la fois historiques et politiques.
En retraçant les étapes historiques récentes du Kosovo - l’ascension de Slobodan Milosevic en 1987, la suppression de l’autonomie de la province du Kosovo, la serbisation systématique, l’émergence de sociétés parallèles albanaises et la fuite massive d’Albanais - Jean Asselborn a souligné que le conflit du Kosovo avait débouché en 1998-99 sur un nettoyage ethnique et des destructions massives.
Sur le plan diplomatique, les tentatives de réconciliation entre les communautés serbes et albanaises ont toutes échoué et ont conduit le secrétaire général de l’ONU, Ban–Ki Moon, à dire que le statu quo n’était plus tenable. Les exemples qui ont été cités par Jean Asselborn sont multiples : des négociations de Rambouillet en 1999, en passant par les efforts de la troïka en 2007 (Russie, UE, USA) et du négociateur Wolfgang Ischinger jusqu’au plan élaboré par Martti Athisaari l’émissaire spécial de l’ONU et la résolution 1244.
Pour Asselborn, le cas du Kosovo ne peut en aucun cas être comparé à ce qui se passe en Ossétie du sud, en Abkhazie ou en Transnistrie. Car contrairement à ce qui s’est passé au Kosovo, les revendications d’indépendance ont conduits dans ces territoires à des explosions de violence.
Autre différence fondamentale : au Kosovo, la volonté d’indépendance est née en réaction au régime répressif de Milosevic et aux atrocités qui ont été infligées à la population albanaise. A cela s’ajoute qu’aucun de ces territoires n’a été placé sous administration de l’ONU ni été l’objet d’un plan sollicité par les partenaires internationaux comme l’a été le plan Athissaari, ce plan qui a donné au Kosovo la perspective d’une indépendance et d’une redéfinition des frontières.
La période prolongée de violence, l’impossibilité de forcer un Etat de vivre dans un statu quo avec une situation de chômage élevé, la surveillance internationale de l’indépendance et la responsabilité de l’UE… Le LSAP avance quatre arguments en faveur de l’indépendance du Kosovo.
En tant que petit Etat, Ben Fayot a estimé que le Luxembourg est mal placé pour dénoncer l’accession à l’indépendance du Kosovo. Quant à l’effet d’entrainement qui pourrait être engendré par le cas du Kosovo, il a estimé que les revendications des Catalans existent depuis toujours et qu’elles n’ont pas surgi à la suite de la proclamation d’indépendance du Kosovo.
"L’indépendance du Kosovo ne résout pas de problème mais crée de nouveaux problèmes", telle est l’analyse de Ben Fayot en faisant allusion à l’opposition de la Russie et à la forte dépendance économique du nouveau petit Etat vis–à-vis de ses voisins régionaux.
Le député socialiste a estimé que la déclaration commune qui a été adopté par les ministres des Affaires étrangères européens constitue "une avancée importante de la politique étrangère commune". D’après Fayot, c’est un signe "que l’Europe commence enfin à résoudre toute seule les problèmes de son continent".
Laurent Mosar a mis en garde contre l’effet d’entrainement qui sera crée par l’indépendance du Kosovo. Il a estimé que cette modification des frontières ouvre une "boîte de Pandore" et risque de susciter de nouveaux conflits.
Il a souligné que l’accession à l’indépendance du Kosovo n'est pas conforme aux règles du droit international. Elle bafoue selon Laurent Mosar l’intégrité territoriale d’un Etat au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Laurent Mosar a estimé que le cas du Kosovo ferait jurisprudence et qu’on ne saurait refuser d’autres aspirations à la sécession. Il a dénoncé les "doubles standards" que certains Etats appliquent en "accordant au Kosovo ce qu’on refuse aux autres mouvements séparatistes".
Le parti démocrate (DP), s’est déclaré favorable à une reconnaissance de l’Etat kosovar. Charles Goerens a estimé qu’étant donné que la déclaration d’indépendance a été faite, il fallait donner une chance au nouvel Etat. "A la longue, la situation du protectorat n’est pas tenable", a-t-il avancé.
Charles Goerens a considéré que l’indépendance du Kosovo doit être vue comme un nouveau début, mais il a également précisé qu’elle ne constituait pas une garantie de réussite. Pour le député libéral, l’Union européenne joue un rôle prépondérant dans la stabilisation des Balkans occidentaux. "On peut dire beaucoup de choses à propos de l’Union européenne. Elle a déjà déçu beaucoup de personnes", a affirmé Charles Goerens, "mais elle est meilleure que tous les autres…... Elle a réussi de tirer leçon de son intervention des années 90, et à poser ses jalons en fonction de cela", a-t-il insisté.
Finalement, Charles Goerens est convaincu que le pouvoir d’attraction de l’Union européenne est trop grand pour que les pays des Balkans occidentaux se lancent à nouveau dans un conflit armé. "La guerre n’est plus une alternative pour les Balkans occidentaux", a-t-il affirmé. Il a rajouté que selon son opinion, il ne faudra pas donner l’impression aux Serbes qu’ils ont perdu leur crédit à Bruxelles.
Le parti politique "Déi Gréng" a également donné son accord à reconnaître l’indépendance du Kosovo. Selon Felix Braz, député vert, reconnaître le nouvel Etat kosovar "est la bonne décision", car cette revendication « correspond à la réalité actuelle de la région".
Felix Braz justifie sa position en affirmant que, depuis que le Kosovo a été placé sous l’autorité de l’ONU en 1999, Belgrade n’avait plus de véritable contrôle sur la région dissidente. "Un autre chemin avait déjà été engagé", a-t-il précisé.
Felix Braz a pointé qu’un certain malaise restait cependant quant au rôle que l’Union européenne joue dans la stabilisation de la région des Balkans occidentaux. Selon lui, l’Union européenne a joué un rôle secondaire durant les années 90, tout comme elle continue à rester un acteur secondaire derrière les Etats-Unis. "Ce n’est pas satisfaisait, mais c’est la réalité", a-t-il résumé, en ajoutant : "Les Européens auraient pu et dû jouer le rôle dominant ".
Pour le député vert, le dernier Conseil des Ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, malgré des affirmations contraires, n’est pas parvenu à un consensus satisfaisant."Une position commune est autre chose que ce qui a été présenté le 18 février 2008", a-t-il affirmé.
Jacques-Yves Henckes, de l’ADR, a estimé qu’il était tout à fait légitime que les Albanais du Kosovo se réjouissent de leur indépendance fraîchement acquise. Il a insisté sur le fait que "tous les problèmes ne sont pas résolus avec la seule déclaration d’indépendances."
Pour Jacques-Yves Henckes, il est évident que le nouveau pays ne pourra pas vivre dans l’état d’isolation dans lequel il se trouve, mais qu’il devra établir une étroite collaboration économique avec les pays de la région. "Mais nous sommes loin de cela", a-t-il dit. Le député a également approuvé la mission civile Eulex, une mission civile que l’Union européenne s’apprête à envoyer au Kosovo pour y établir un Etat de droit.
Jacques-Yves Henckes s’est pourtant montré sceptique quant à l’affirmation du gouvernement luxembourgeois et de l’Union européenne selon laquelle le Kosovo serait un cas sui generis, qui ne créera pas de précédent pour d’autres régions séparatistes.
Aly Jaerling (indépendant) s’est demandé si on pouvait refuser l’indépendance à un peuple qui est déterminé à prendre son destin en main. "N’est-ce pas un droit élémentaire ?", s’est-il interrogé. L’indépendance est pour lui un nouveau début, surtout pour une région qui est marquée par les crises. Selon Aly Jaerling, il est important "que la région trouve enfin la paix". Il a estimé que l’Union européenne devra faire en sorte que tous les principes de démocratie soient reconnus et que les minorités ethniques vivant au Kosovo soient respectées.
Jean Asselborn a répondu aux critiques en indiquant que l’Union européenne a bien été unie, puisque les 27 Etats membres ont donné leur d’accord la mission Eulex. "Des pays qui ne sont pas prêts à reconnaître l’indépendance, ont tout de même consenti à la mission civile", a-t-il affirmé.
A l’issue du débat, une résolution a été adoptée à l’unanimité par les députés.