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Politique régionale
Jean-Marie Halsdorf lors du débat d’orientation à la Chambre sur la Grande Région : "Le Luxembourg doit jouer, comme seul Etat souverain de la Grande Région, son rôle moteur"
20-03-2008


Marcel OberweisDepuis le 1er février  2008, le Luxembourg assume la Présidence de la Grande-Région, un espace au cœur de l’Europe qui rassemble 5 entités politiques et culturelles (Le Luxembourg, la Région lorraine, le Land de Sarre, le Land de Rhénanie Palatinat, la Région wallonne). Dans ce contexte, les députés ont esquissé le 19 mars 2008 au cours d’un débat d’orientation à la Chambre des députés les forces de la Grande Région, ses faiblesses et les défis qui restent à relever. Le débat était placé sous le signe du rapport "Le Grand-Duché de Luxembourg vit dans, avec et par la Grande Région" qui a été rédigé par le président de la Commission de l’Enseignement, de la Recherche et de la Culture, Marcel Oberweis.

Pour Marcel Oberweis la Grande Région doit évoluer vers une région polycentrique

Marcel Oberweis a d’abord rappelé que la Grande Région est aujourd’hui est un espace vaste de 64.400 km 2 qui compte 11,7 millions d’habitants, ce qui correspond à environ 2,5 % de la population de l’Union européenne à 27 Etats membres.

Après avoir retracé les principales étapes qui ont abouti en 1989 à la création de la Grande Région qui est aujourd’hui devenue " une réalité et un véritable modèle de coopération interrégionale", Marcel Oberweis a attiré l’attention sur la position particulière qui est occupée dans cet espace par le Luxembourg. Seul Etat souverain de cet espace composite, dont la croissance se situe à 40 % au-dessus de la moyenne des autres entités politiques et dont le PIB est en grande partie produit par les frontaliers, le pays suscite selon Oberweis parfois la "jalousie de ses voisins".

Marcel Oberweis a identifié cinq réalisations récentes qui, selon lui, sont des exemples qui illustrent le succès des coopérations interrégionales. C’est d’abord la signature d’une charte de coopération universitaire Luxembourg-Sarre- Lorraine qui a été signée en 1984 à Pont à Mousson et qui a institutionnalisé la coopération dans le domaine de la recherche. Ensuite, il a cité les multiples coopérations qui se sont développées, malgré la barrière des langues, entre les entreprises implantées dans la Grande Région. Autres exemples : le traité de Prüm signé en 2005 qui permet de lutter plus efficacement contre le terrorisme, la criminalité et l’immigration illégale et le lycée de Schengen qui offre un enseignement commun à 130 élèves luxembourgeois, sarrois et bientôt lorrains.

Selon les vœux de Marcel Oberweis, la Grande Région devrait évoluer vers une Grande Région polycentrique, c-à-dire composée d’un nombre important de pôles qui sont reliés entre eux. Il a estimé qu’il faut développer davantage les atouts de la Grande Région, la préparer à la mondialisation et à la concurrence accrue sur les marchés. Il s’est exprimé pour un développement de l’aménagement du territoire qui devrait se faire en concertation avec les entités politiques avoisinantes et une coopération accrue dans le domaine de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la culture en vue de renforcer le sentiment d’appartenance à la Grande-Région.

Lucien Thiel du CSV attire l’attention sur le revers de la médaille

La position particulière du Luxembourg dans la Grande Région a également été abordée par Lucien Thiel du CSV qui a surtout attiré l’attention sur le revers de la médaille des milliers de frontalier qui passent chaque jour les frontières, des embouteillages de plus en plus longs, de la pollution atmosphérique…. Lucien Thiel a critiqué le déséquilibre qui existe entre le Luxembourg et ses entités avoisinantes et a appelé à plus de réalisme pour créer un cadre qui puisse être porté par tout le monde.

L’agroalimentaire, le commerce de détail, l’artisanat et les soins médicaux, sont selon Lucien Thiel des domaines dans lesquelles le développement de coopérations ferait le plus de sens.

Fernand Etgen : plus de coordination et plus de multilatéralisme

Fernand Etgen du DP s’est penché sur la méthode d’organisation des politiques de la Grande Région. Pour le député libéral, "il s’est passé beaucoup de choses dans la Grande Région, mais de manière trop isolée". Il a estimé que celle-ci  "manque d’un concept global", en fustigeant la "politique des petits pas". 

Dans ce contexte, il a également posé la question des moyens institutionnels et financiers. "Est-ce que la Grande Région s’est donnée les moyens suffisants?", a-t-il demandé. Pour lui, il faut avoir la volonté politique pour travailler davantage au niveau de la Grande Région.

Afin d’aboutir à une politique plus coordonnée, Fernand Etgen a tout d’abord prôné la nécessité d’un budget commun."Il ne suffit pas que chaque entité essaie de libérer quelques sous dans son budget national pour la Grande Région pour financer l’une ou l’autre action, et pour le reste se reposer sur le programme Interreg", a-t-il lancé.

Plus loin, le député libéral s’est prononcé en faveur d’une coopération qui soit menée davantage sur le plan multilatéral que sur le plan bilatéral.

Roland Schreiner : de la plus-value concrète plutôt qu’une vision

Pour Roland Schreiner du LSAP, il est grand temps de mettre en œuvre des projets concrets pour "faire de la Grande Région un modèle social et économique qui soit visible pour les citoyens". Selon le député socialiste, ce qui importe beaucoup plus que "les visions que l’un ou l’autre peut avoir de la Grande Région dans 25 ans", c’est la question de la plus-value pour les citoyens qui importe.

"Le LSAP pense qu’il ne faut pas imposer coûte que coûte une identité commune aux citoyens, qui n’existe pas sous cette forme", a déclaré Roland Schreiner, en ajoutant qu’il faudrait bien plus analyser les forces et les faiblesses de la Grande Région, pour renforcer les unes et  réduire les autres. Dans ce contexte il a exigé que l’on ne donne pas la priorité à une "Grande Région institutionnalisée" et s’est prononcé contre la création de nouvelles institutions et agences.

Par ailleurs, le député socialiste a estimé que certaines coopérations peuvent être plus fructueuses au niveau bilatéral qu’au niveau multilatéral. A titre d’exemple, il a cité le projet de créer une université de la Grande Région. Pour lui, il serait plus fructueux d’analyser dans quels domaines précis une coopération entre les universités de la Grande Région apporterait une véritable plus-value.

Claude Adam: l’Année culturelle est la preuve qu’une coopération régionale peut fonctionner

Audition publique sur la Grande RégionClaude Adam, des Verts, a relevé l’importance de l’Année culturelle 2007 pour le Luxembourg et ses régions avoisinantes. "Aucun autre projet n’a eu un tel impact sur la Grande Région", a-t-il constaté, pour en conclure "qu’il faut maintenant l’étendre". 135 projets transfrontaliers ont été organisés au cours de 2007. Les artistes régionaux ont pu se rencontrer, et étendre par là les réseaux régionaux. Pour Claude Adam, la réussite de la capitale culturelle 2007 est bel et bien la preuve que la coopération transfrontalière peut fonctionner.

Cependant, l’Année culturelle présente également quelques déceptions pour le député vert. Ainsi, le projet d’un Fonds culturel commun à la Grande Région n’a pas été réalisé, ce qu’il impute aux réticences dans les différentes régions de céder des compétences. "C’est dommage, cela aurait été une grande avancée", a-t-il déploré. Un autre point négatif est pour Claude Adam le fait qu’une la structure régionale qui aurait eu comme vocation la promotion des artistes de la Grande Région n’a pu être mise en place.

Gast Gibéryen (ADR) s’oppose à toute organisation structurée de la Grande Région

Gast Gibéryen (ADR) signala d’emblée son opposition à toute organisation structurée de la Grande Région à cause des disparités institutionnelles entre les partenaires. Pour lui, la Grande Région est importante, mais mieux vaut la construire par petits pas, par des coopérations bilatérales et accepter qu’elle fonctionne à deux vitesses, et accepter que la coopération se passe mieux avec un partenaire plutôt qu’un autre. Il a cité à cet égard la Sarre, qui représente comme le Luxembourg tout juste 4 %  du territoire, ce qui permet à ces partenaires de travailler ensemble sur un pied d’égalité.

Le député ADR a posé la question pourquoi il y avait autant de délocalisations d’entreprises allemandes vers le Luxembourg. L’environnement fiscal, la sécurité sociale lui semblent être les raisons essentielles. Mais il se demande si les emplois que ces délocalisations ont créés existent réellement au Luxembourg, et si ceci n’est pas le cas, si de telles délocalisations sont intéressantes pour le Luxembourg, pays dont le système de protection présente un haut niveau de participation de l’Etat, donc de fiscalisation. Il a ensuite attaqué le gouvernement qu’il rend responsable de la progression rapide - plus de 20 % par an – des Luxembourgeois qui déménagent dans la Grande Région pour se loger à meilleur prix et qu’il estime victimes d’une mauvaise politique du logement.

Les conclusions de Jean-Marie Halsdorf  et la présentation du programme de travail de la Présidence luxembourgeoise de la Grande Région

Le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire Jean-Marie Halsdorf prit ensuite la parole au nom du Gouvernement pour présenter le programme de la Présidence luxembourgeoise de la Grande Région qui a commencé le 1er février 2008 et qui durera jusqu’en juillet 2009.

Le programme de travail luxembourgeois tourne autour de trois volets : l’espace avec le développement territorial et la planification territoriale ; le développement avec la croissance économique et l’essor universitaire et les citoyens avec le sentiment d’appartenance et un cadre de vie harmonieux.

Le tout s’inscrit dans le cadre des développements récents au niveau de l’Union européenne en matière de développement territorial. En effet, dans le nouveau traité de Lisbonne,  la cohésion territoriale constitue avec la cohésion sociale et économique les piliers d’une politique de cohésion multi-échelles, transversale et intégrée de l’Union Européenne.

C’est donc dans le cadre de la Grande Région que sera mis en œuvre le programme de coopération territoriale européenne Interreg IVA qui est doté par l’Union européenne de 106 millions d’euros, ce qui fait 212 millions d’euros si l’on y ajoute les fonds des différents partenaires. Le secrétariat de la gestion de ce fonds est à Luxembourg.

Le ministre a accepté que les problèmes du transport, du trafic croissant et du logement soulevés par certains députés, et qui sont importants d’un point de vue luxembourgeois, devraient aussi être abordés à partir de la perspective de la Grande Région. La possibilité de créer des Groupements européens de coopération territoriale (GECT) permettra selon lui d’aborder avec une structure performante les questions régionales qui se posent en matière de transports en commun. L’idée d’une Agence transfrontalière des transports publics a été lancée.

D’autres axes de coopération ont été nommés : le "clustering" des pôles d’excellence en matière de recherche et d’entreprises innovantes, la création de réseaux de compétitivité, la coopération entre universités et établissements de l’enseignement supérieur selon les critères d’excellence et s’il y a une plus-value réelle dans ce sens, plus de concertation en matière de santé et de soins pour la population âgée qui augmente rapidement, une vraie coopération dans la lutte contre la violence, des échanges policiers, des synergies et des réseaux dans le domaine culturel pour pérenniser les expériences positives de l’année culturelle 2007. Dans tous ces domaines, "le Luxembourg, qui est le seul Etat souverain parmi les acteurs de la Grande Région, a un rôle particulier et positif à jouer, celui de moteur de la Grande Région, pour le plus grand bien de tous ses citoyens", conclut le ministre Halsdorf.