Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, a reçu le 29 avril 2008 son homologue russe, Sergueï Lavrov.
Parmi les questions européennes qui ont été abordées lors de cette visite figuraient la sécurité en Europe, la question du Kosovo, les perspectives européennes des pays des Balkans, dont la Serbie, avec laquelle l’Union européenne a signé ce même 29 avril à Luxembourg un Accord de stabilisation et d’association (ASA), et le mandat de l’Union européenne pour négocier avec Moscou un accord de partenariat stratégique, mandat actuellement bloqué par la Lituanie.
Pour ce qui est de la sécurité en Europe, Sergueï Lavrov a souligné que la Russie fera tout pour minimiser "le risque pour la stabilité stratégique" que le parapluie anti-missile américain a introduit en Europe. Pour lui, la Russie et le Luxembourg sont d’accord que la sécurité régionale européenne et la sécurité régionale transatlantique sont indivisibles et doivent être abordées dans le respect des accords qui régissent les relations de la Russie avec l’OTAN et l’Union européenne.
Le chef de la diplomatie russe n’a pas voulu commenter la position de la Lituanie qui bloque le mandat de négociation entre l’Union européenne et son pays, dans la mesure où la rencontre avec la troïka européenne ne devait avoir lieu que plus tard dans la soirée.
Pour mémoire: La Lituanie voudrait que l’Union européenne ajoute une déclaration soulignant que Moscou devra contribuer à régler les "conflits gelés" en Géorgie comme la séparation de facto des régions d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud depuis les conflits avec l'armée géorgienne lors de l'effondrement de l'URSS. La Lituanie réclame aussi que soit affinée une déclaration appelant la Russie à coopérer avec l'Union européenne en matière d'enquêtes judiciaires. Finalement, elle voudrait que l'Union européenne s'engage à veiller à ce que la Russie élabore un programme de compensation pour les Lituaniens déportés en Sibérie par le régime stalinien de 1945 à 1953.
Jean Asselborn a de son côté tenu à commenter le blocage. "L’Union européenne", a-t-il déclaré, "est un mécanisme complexe mais transparent. Moi-même, j’ai essayé de convaincre les 26 autres Etats membres que la seule manière de débattre de nos problèmes mutuels avec la Russie, c’est d’avoir un mandat de négociation. Les relations entre l’Union européenne et la Russie ne sont pas toujours faciles. ( …) La Lituanie a par ailleurs, comme chaque Etat membre, le droit de faire connaître son opinion et de bloquer un processus. Mais je pense que les négociations sont le seul moyen de remettre en marche les relations entre la Lituanie et la Russie. Cela devrait être possible d’ici mai ou juin. Il ne faut donc pas dramatiser. Nous sommes sur la bonne voie, et au sein de l’Union européenne, la conviction est générale qu’il faut construire des relations bonnes et stables avec la Russie." Ce à quoi Sergueï Lavrov ajouta que "la Russie sera prête à négocier quand l’Union européenne le sera".
Sergueï Lavrov salua ensuite l’ASA signé entre l’Union européenne et la Serbie : "Mieux vaut tard que jamais", glissa-t-il, en se disant "convaincu que si la Serbie a une perspective réelle d’intégrer l’Union européenne, cela vaut mieux pour tous." Selon Lavrov, la région des Blakans aurait eu moins de problèmes si on avait pu signer cet accord plus tôt et pas après "la proclamation illégale et unilatérale de l’indépendance du Kosovo, qui de plus a été reconnue de manière illicite."
Pour Jean Asselborn, qui déclara avoir "une appréciation différente" de celle de Sergueï Lavrov, une perspective européenne a été offerte à tous les pays des Balkans en 2003 lors du sommet de Salonique. "La Serbie et le Kosovo sont les situations les plus difficiles à gérer. Mais de l’autre côté, il ne faut pas lier les relations avec la Serbie à la question du Kosovo.(..) Le Luxembourg et la Russie sont cependant d’accord sur le fait qu’il faut s’investir pour que la Serbie devienne membre de l’Union européenne et qu’un pas important a été franchi aujourd’hui."
Pour Jean Asselborn, les relations entre l’Union européenne et la Russie ont plus de substance que leurs différends sur les Balkans et le Kosovo. "Ceux qui sont nés après la Seconde Guerre Mondiale ne veulent plus d’une Europe divisée en deux régimes. Nous sommes condamnés à nous partager le continent et à travailler ensemble."
Thèse à laquelle Sergueï Lavrov souscrivit en déclarant que l’Europe ne doit pas être divisée en deux systèmes, mais doit devenir "une maison européenne unique au sein de laquelle l’on tient compte des intérêts de chacun, ce qui produira de la sécurité pour les Européens." Lavrov appela ensuite de ses vœux une rapide ratification et entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui fera selon lui de l’Union européenne "un partenaire fiable" pour la Russie.