Les producteurs de lait luxembourgeois sont mécontents du relèvement par la Commission européenne de 2 % des quotas laitiers pour faire baisser les prix du lait, mécontents aussi de la proposition faite par la commissaire européenne en charge de l’agriculture, Mariann Fischer-Boel, (dont le site n'est accessible qu'en version anglaise) d’augmenter les quotas laitiers de 1% par an de 2009 à 2013, et de son autre proposition de stocker 1 % du lait de 2010 à 2015. Ces stocks qui iront augmentant conduiront selon les producteurs à une baisse des prix qu’ils jugent inacceptable. C’est pour marquer leur désaccord avec la politique de la Commission européenne et pour sensibiliser les consommateurs et citoyens à leur exigence d’un prix équitable pour leur produit que les producteurs de lait grand-ducaux regroupés dans le Luxembourg Dairy Board (LDB) ont lancé une grande action d’information sur le Knuedler et au centre de la ville de Luxembourg le 30 mai 2008. Le slogan: "Fair Mëllech!"
Guy Diderrich, un des porte-parole des producteurs de lait, a expliqué que jusque là, les producteurs de lait luxembourgeois avaient moins enduré que leurs collègues d’autres pays, dans la mesure où ils avaient pu vendre 40 % de leur production à des laiteries en Allemagne qui payaient un prix supérieur à celui offert au Luxembourg. Ces temps sont bel et bien finis. Les prix en Allemagne se sont, avec la croissance de l’offre, nivelés vers le bas, la tendance à la baisse est générale.
A la baisse des prix payés par les laiteries s’ajoute l’augmentation des frais. La production laitière a besoin de beaucoup de carburant pour fonctionner. L’augmentation des prix du pétrole l’a frappée de plein fouet. Viennent ensuite les hausses des protéines sous forme de soya, des céréales fourragères et des engrais. Ces hausses dépassent pour certains produits les 30 %. Bref, les producteurs de lait se sentent pris en tenaille.
Un autre facteur qui joue est qu’ils ne sont pas perçus sur le marché laitier comme des partenaires avec lesquels on négocie un prix. Ils sont plutôt traités comme des fournisseurs qui n’ont qu’à livrer à un prix du lait fixé d’avance et d’en haut. Ils percevront les restes ce que les laiteries voudront bien leur laisser après avoir défini leurs marges. "Cela nous conduira à très courte échéance à ne plus rentrer dans nos frais et des entreprises devront fermer. A terme, l’Europe risque de se retrouver dans une situation où il n’y pas assez de lait sur le marché ou sur certain marchés. Cela s’est déjà vu en Angleterre et en France."
D’où la revendication pour vendre leur produit au prix réel, les laiteries devraient acheter le lait à un prix défini par les producteurs, c’est–à-dire défini d’en bas, un prix qui permette aux producteurs de vivre et de continuer à travailler. Cela qui impliquerait que ce soient les laiteries qui devaient redéfinir leurs marges en tenant compte à la fois du prix réel et des consommateurs. "40 cents, ce serait pour commencer un prix juste", selon Guy Diderrich et les amis du LDB.
Pourquoi la Commission prend-elle selon les producteurs de lait de telles mesures ? Pour Diderrich, cela tient à la pression des gouvernements qui craignent les répercussions de la hausse générale des prix alimentaires sur la situation sociale et sur l’inflation dans leurs pays. Par ailleurs, ils veulent selon lui que la production augmente afin que plus de lait soit exporté. Le risque que Commission et gouvernements courent : créer des impasses sur le marché laitier européen.
"En Autriche" raconte Guy Diderrich, "15 % du marché du lait frais est désormais fourni à un prix équitable par les producteurs eux-mêmes. A la fin, même les supermarchés et les grandes chaînes de distribution ont joué le jeu face à la demande des consommateurs. Ce qu’il faut maintenant, c’est aller au niveau européen vers des régulations flexibles des quantités mises sur le marché qui permettent d’éviter la fermeture des entreprises, fatales pour le ravitaillement suffisant du marché. Aujourd’hui, il n’est plus possible de miser sur la concentration des entreprises de production de lait. Le secteur est épuisé. C’est ça que nous voulons faire passer comme message."
En attendant, les producteurs de lait de 15 Etats membres vont organiser sous l’égide du European Milk Board des actions communes dans tous les pays et vont intervenir en marge des matchs du championnat européen de football pour expliquer leur point de vue aux consommateurs.