Un soleil brillant, un ciel dégagé et une température presque estivale : les conditions étaient idéales pour la Fête de l’Europe, qui s’est déroulée tout au long de la journée du 9 mai 2008 sur la place Guillaume II (Knuedler) à Luxembourg-ville.
Concerts et spectacles de danse en boucle, stands d’information des différentes institutions européennes et des Etats membres, un gâteau offert par le Bureau d’Information du Parlement européen ; les organisateurs de la Fête de l’Europe n’avaient pas compté leurs peines pour offrir aux visiteurs, un programme ambitieux et varié. Le Knuedler avait été transformé en un véritable "village européen". Une grande scène avait été dressée devant la statue de Guillaume II, et de petites tentes blanches, qui abritaient les stands d’information, entouraient la place.
Les visiteurs, qui étaient venus nombreux, déambulaient entre les stands, s’arrêtaient ici ou là pour discuter avec leurs "voisins européens", s’informer sur une région touristique ou simplement pour collectionner les innombrables brochures mises à disposition. L’intérêt pour les stands d’information était grand. "Nous avons distribué presque toutes nos brochures", nous a raconté Anne-Marie, la responsable du stand de la France. "Mais les gens sont avant tout intéressés par le volet touristique. Ils veulent s’informer sur les différentes régions françaises, ou s’être inspirés pour une prochaine destination de vacances".
Le premier rendez-vous musical de la journée était assuré par la Cappella della Pietà de’ Turchini, un orchestre baroque italien qui joue de la musique napolitaine des 17e et 8e siècles. Le deuxième spectacle fut présenté par un groupe de danse roumain, Carpatii, qui, par ses costumes d’antan et des danses traditionnelles, a évoqué la culture roumaine des Carpates. Chose étonnante, puisque le groupe, loin d’être une formation roumaine "homogène", réunit des jeunes des quatre coins de l’Europe, qui se sont rencontrés à Luxembourg, où ils travaillent pour les institutions européennes. Selon Simona, une des danseuses de Carpatii, le sentiment d’appartenance européen règne dans cette formation inhabituelle.
Les enfants de la Chorale Schuman de l’Ecole européenne ont ensuite présenté en plusieurs langues des chansons à thématique européenne, tels que l’hymne européen. Quel défi pour ces petites fillettes et garçons de chanter en trois langues différentes !
Le gâteau offert par le Bureau d’information du Parlement européen et le lâcher de ballon furent certainement un des moments les plus attendus de l’après-midi. Astrid Lulling, qui découpait l’énorme gâteau-crème en compagnie des autres députés européens et du ministre Nicolas Schmit, ne manquait pas l’occasion pour rappeler que le 9 mai, "nous célébrons l’Europe, mais nous devons également nous informer sur l’Europe".
Les danseuses de Ninsianna ont su charmer le public par leurs danses orientales et par leurs délicieux costumes bariolés qui regorgeaient de paillettes. Tout comme la formation Carpatii, Ninsianna est un véritable groupe "européen". Les danseuses, toutes employées auprès d’Eurostat, viennent de toutes les parties de l’Europe : France, Allemagne, Italie Grèce, Suède, ou encore Lettonie. C’est au lieu de travail que le groupe s’est connu et formé. "Au début, nous avons répété en cachette dans les salles de conférences d’Eurostat pendant notre pause de midi", nous a raconté la fondatrice de Ninsianna en souriant malicieusement.
L’après-midi fut ponctuée par les prestations du groupe Italien "Playtoy orchestra", qui jouait exclusivement avec des instruments-jouets des chansons italiennes des années 60 et 70. Présidence du Conseil oblige, la Slovénie avait délégué le groupe de variétés Langa à Luxembourg, un groupe très connu dans son pays d’origine, qui joue avec des instruments traditionnels en langue slovène des chansons d’aujourd’hui. L’ensemble de jazz formé par le Marc Demuth 4tet et Sofia Ribeiro donna ensuite une prestation de jazz instrumental et vocal brésilien à couper le souffle de tout amateur de bossa nova, de clarinette, de contrebasse et de vocalises. Venu de Sarrebruck, le Helmut Eisel Quintet mêla Klezmer et jazz du Cotton Club d’une façon virtuose qui fascina le public qui était resté sur la place malgré un soleil de plomb. Le bis réclamé ne put être donné. Les artistes, un peu navrés, mirent les voiles parce qu’un des leurs devait encore jouer le soir au théâtre à Sarrebruck.
A la tombée de la nuit, la formation Esquina Latina a pris la relève du programme du soir. Le groupe, dont le nom signife "le coin latin", a interprété des chansons cubaines, vénézuéliennes, caribéennes. Quoi de mieux que s'asseoir sur un banc et de savourer cette musique exotique devant la coulisse d'un coucher de soleil! Malheureusement, le Knuedler était plutôt désert à l’heure de dîner. Esquina Latina, dont la performance fut par ailleurs très bonne, n'eut que quelques auditeurs.
Une petite surprise musicale était cependant réservée aux fidèles de cette Fête de l'Europe: en levée de rideau du dernier groupe, un certain Marc Durando est monté sur scène pour interpréter une chanson. Marc Durando est le directeur du "European Schoolnet". Sa chanson "skys on blue", dont nous n'avons malheureusement ni retrouvé le titre exact ni les lyrics sur Internet, se lit comme une hymne à l'Union européenne, cette Union européenne qui unit "beaucoup de lieux, beaucoup de gens". Les spectateurs, emballés par cette chanson, étaient curieux d'en entendre plus. Marc Durando n’a cependant interprété que cette chanson.
A l'arrivée sur scène de Funky P, un groupe de soul luxembourgeois, le Knuedler s'est à nouveau rempli de gens. D'emblée, le groupe a donné le rythme avec la chanson "Heaven is around the corner", une des chansons les plus connues de Funky P. Le public, qui était majoritairement un public jeune et d'humeur festive, se laissait emporter par l'énergie insolite et rafraichissante de la formation luxembourgeoise. On dansait, on papotait, on dégustait sa bière. Beaucoup passaient, certains restaient.
Le chanteur Isaac Roosevelt a su envelopper le public par son charme et sa voix résonnante. La musique de Funky P constitue un mélange entre "live club" et des textes réflexifs, et combine des éléments de soul, de R&B, de jazz et de hip-hop. Ce qui frappe le spectateur, c'est le plaisir avec lequel les 9 musiciens jouent et s'amusent sur scène. Le concert se transforme alors en une véritable fête. En fin de concert, le groupe a dû retourner sur scène pour répondre aux appels du public.
Le programme de la Fête de l’Europe fut donc varié et ambitieux, et ne laissa guère aux visiteurs une possibilité d’ennui. Mais une fête de l’Europe se veut également être un moment de réflexion et de méditation sur l’Europe. Que l’Europe reste un thème d’actualité parmi les citoyens du Luxembourg, s’est confirmé par le grand nombre de visiteurs qui se sont rendus au Knuedler.
Passants qui ont déambulé sur la place par hasard, visiteurs confirmés de la Fête de l’Europe, employés des institutions européennes, responsables des stands d’information, tous étaient convaincus que l’intégration européenne est un grand acquis qui présente de nombreux avantages, et en premier celui de pouvoir voyager.
Pour Agnès, une jeune Française, voyager peut être un facteur de création d’une identité européenne. "On se sent Européen quand on voyage", a-t-elle expliqué. Mais, selon elle, l’identité européenne se veut une identité qui se "rajoute" à l’identité nationale, et ne la remplace pas.
La question si la Fête de l’Europe permet de rapprocher l’Europe des citoyens et de renforcer le sentiment d’être des citoyens européens ne faisait cependant pas l’unanimité parmi les visiteurs. Laurita, une jeune Lituanienne de 25 ans, a estimé qu’une fête populaire permet bel et bien de renforcer ce sentiment européen des citoyens. Elle s’était déplacée exprès à Luxembourg pour la Fête de l’Europe, afin de "donner un petit coup de main aux responsables du stand lituanien".
Pour Adriana, une jeune belgo-roumaine, l’Europe fait partie de sa vie de tous les jours, car elle travaille auprès des institutions européennes. "Je me sens Européenne", a-t-elle déclaré. Les craintes que certains Européens de l’Ouest éprouvent face à l’élargissement de l’Union européenne sont pour elles certes compréhensibles, mais non fondées.
Tous n’estimaient cependant pas que la Fête de l’Europe favorise l’esprit européen des citoyens. Frank, un jeune luxembourgeois, a émis ses doutes qu’une "simple" fête puisse renforcer le sentiment d’appartenance européenne des citoyens. "Je ne vois pas comment une fête pourrait m’apporter quelque chose de plus sur l’Europe", a-t-il avancé.
Henri, un Luxembourgeois d’âge moyen, a considéré que le 9 mai, qui est une journée historique, doit être célébré de manière appropriée. C’est pourquoi, selon lui, la Fête de l’Europe est une bonne idée. Mais Henri a également estimé qu’il faut vivre dans un esprit européen toute l’année, et non pas seulement le 9 mai. "Si une personne ne s’intéresse pas à l’Europe pendant tout le reste de l’année, alors une Fête de l’Europe ne peut rien y faire non plus", a-t-il indiqué. Par ailleurs, aux yeux de ce pro-européen convaincu, ce sont des faits plus concrets de la vie quotidienne, comme l’euro ou l’ouverture des frontières, qui rappellent aux citoyens leur appartenance européenne.