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Economie, finances et monnaie
Jean-Claude Juncker a souligné lors de sa déclaration sur la crise financière devant la Chambre le leadership de l’UE et plaidé pour une refondation du système financier qui inclurait les pays émergents et en voie de développement
14-10-2008


Le 14 octobre 2008, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a fait devant la Chambre des députés une déclaration sur la crise financière internationale.

Le Premier ministre a qualifié la crise financière actuelle de plus grave crise financière depuis la Seconde Guerre Mondiale. "Cette crise a une explication, une histoire et une origine", a-t-il déclaré, "et elle découle d’un modèle économique qui consiste à n’agir qu’à court terme. Une pensée unique avait déferlé sur l’Europe pour laquelle la protection des faibles et des salariés était perçue comme un obstacle à la croissance. Maintenant, nous nous retrouvons devant les pots cassés et nous devons les recoller."

L’origine de la crise est aux USA

Pour Juncker, l’Europe n’a rien à faire avec l’origine de cette crise par laquelle "elle a été happée comme par une voiture fantôme sur l’autoroute". L’origine de la crise, il la voit aux USA "où des banquiers ont cru pouvoir s’émanciper des règles de base de l’arithmétique". Quand leur bulle spéculative dans l’immobilier a éclaté, leurs "produits toxiques" ont empoisonné le marché américain. Ce qui s’est passé n’est pas la faute selon lui des banques luxembourgeoises ou européennes. Si la crise a touché avec autant de violence le continent européen, c’est parce que, selon Juncker, le gouvernement américain n’a pas tenté de sauver la banque systémique qu’était Lehman Brothers. La faillite de cette banque a entraîné la crise du marché interbancaire et par ricochet de nombreuses autres banques, dont des banques systémiques au Luxembourg, telles Fortis et Dexia, en faveur desquelles le gouvernement est intervenu.

A crise systémique réponse systémique

"A une telle crise systémique, il faut une réponse systémique pour restaurer la confiance", a lancé le Premier ministre. "Il ne s’agit pas de sauver les banques ni de protéger les gros actionnaires. Mais les banques jouent un rôle important dans l’économie. Elles sont censées protéger l’épargne, fournir les crédits à la consommation et alimenter l’économie en liquidités. Ne pas prendre des risques dans cette situation de crise aurait été prendre le pire des risques. Il fallait éviter le débordement de la crise des banques sur l’économie réelle."

Le leadership de l’Union européenne

Jean-Claude JunckerJean-Claude Juncker a relaté la manière dont l’Union européenne a pris, depuis la réunion le 4 octobre des quatre membres européens du G7 et du président de l’Eurogroupe, le leadership, dicté le rythme et déterminé les contenus pour une sortie globale de la crise financière, ceci après les cahotements qui avaient caractérisé aux USA l’adoption par le Congrès du plan Paulson en faveur des banques américaines. "Il était impensable que l’Union européenne puisse devenir captive de la crise américaine", a lancé le Premier ministre.

Les décisions prises par le G7 à Washington le 10 octobre d’engager une lutte globale contre la crise, mais surtout le plan d’action commun de l’Eurogroupe et du Royaume Uni adopté le 12 octobre à Paris ont été des premières décisions dramatiques. "La sortie de crise ne passe pas par des voies nationales et particulières." La détermination de la Présidence française, l’existence de la monnaie unique qu’est l’euro ont permis à la zone Euro de passer une deuxième épreuve après la première crise financière de 2001.

Le plan d’action commune

Le plan de Paris est pour Juncker une "boîte à outils" qui permettra à chaque Etat d’appliquer les mêmes règles selon ses particularités nationales. "Chaque Etat membre pourra décider sur son territoire quelle mesure est la plus appropriée."

Il prévoit qu’aucune banque systémique ne sera laissée tomber. Les banques systémiques en crise seront recapitalisées. "Mais cela n’est pas une situation normale. L’Etat se retirera et sera rémunéré pour son aide", a rappelé Juncker. "Cette aide n’est pas une assurance tous risques pour des banquiers sans scrupules."

L’intervention de l’Etat sera limitée dans le temps. Les intérêts des épargnants et de l’économie sont prioritaires. Les grands actionnaires et les banquiers fautifs devront assumer les conséquences des erreurs commises. L’Etat aura une influence sur la structure des rémunérations des cadres exécutifs des banques. Les parachutes dorés seront imposés. Chacun veillera aussi à ne pas mettre, avec ses mesures, d’autres Etats membres en difficulté.

Mesures au niveau du Luxembourg

Au niveau luxembourgeois, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a annoncé que le gouvernement luxembourgeois et la Banque centrale du Luxembourg prendront toutes les mesures nécessaires pour protéger la liquidité des Fonds du marché monétaire (money market funds) de droit luxembourgeois. Ceci peut être fait par la provision temporaire de liquidité spéciale au bénéfice de ces fonds contre la livraison d’actifs éligibles à la Banque centrale. Les Fonds du marché monétaire au Luxembourg bénéficieront ainsi de la même protection que  ceux dans d’autres pays européens.

Il a également annoncé que le plafond de garantie des avoirs des épargnants passera pour tous les instruments financiers de l’épargne de 20 000 à 50 000 euros.

Refondation du système financier

Pour Juncker, la refondation du système financier international que le président Sarkozy a défendue depuis quelques semaines ne doit pas "seulement être une affaire transatlantique, mais elle doit impliquer les pays émergents, la Chine, l’Inde, le Brésil" et également réunir autour de la table les pays en voie développement ou pauvres, dont "les soucis on disparu de nos médias depuis le début de la crise".

Le débat : la crise présente une opportunité pour l’Europe

Chambre des députésLe débat qui suivait l’intervention de Jean-Claude Juncker a montré qu’en gros, les partis politiques partagent une opinion commune : la crise financière a offert à l’Union européenne l’opportunité de se renforcer.

Aux yeux de Laurent Mosar, député du CSV, l’Union européenne et surtout l’Eurogroupe a réagi de manière exemplaire à la crise financière. Dans ce contexte, Mosar a également applaudi la décision récente de la Banque centrale européenne de baisser le taux directeur. "Mais il faut que cette décision se répercute maintenant le plus vite sur les consommateurs et les petits épargnants", a-t-il mis en garde.

Pour Claude Meisch (DP), l’intervention rapide du gouvernement luxembourgeois a eu des répercussions très positives au niveau international et européen.

Ben Fayot du LSAP a soulevé le soutien de son parti aux initiatives du gouvernement "tant au niveau national qu’international". Pour ce fervent défenseur de l’Europe, la crise financière présente également une chance, une chance surtout pour l’Europe. "C’est l’heure de l’Europe qui a sonné", a-t-il souligné. "Dans les premiers jours de la crise, chaque Etat a essayé de s’aider soi-même. Mais il s’est vite révélé quelles conséquences la crise allait avoir sur le marché intérieur de l’UE, et l’on a également vite reconnu qu’une telle crise, dans un monde globalisé, ne peut plus être résolue par des moyens nationaux". Finalement, Fayot a également insisté sur les éventuelles conséquences que pourraient avoir de nouveaux règlements européens sur la place financière du Luxembourg.

Gaston Gybérien de l’ADR a, tout comme Ben Fayot, estimé qu’une telle crise internationale ne peut être combattue qu’au niveau européen et international.

Le député vert François Bausch a tenu un propos semblable à celui de Ben Fayot. Pour lui, l’Union européenne est "un des gagnants de la crise". "Si nous n’avions pas eu l’euro et l’Eurogroupe, la crise aurait eu des conséquences bien plus désastreuses sur l’économie européenne", a-t-il insisté. La crise financière devrait devenir un des sujets centraux des prochaines élections européennes en juin 2009, a jugé le député vert. Selon Bausch, les événements des derniers jours sont "de bonne augure" pour la naissance d’une Europe politique.