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Economie, finances et monnaie
La BCL a fêté ses 10 ans sous le signe de la crise financière
13-11-2008


Logo de la Banque Centrale du LuxembourgLe 12 novembre 2008, la Banque centrale de Luxembourg  (BCL)  a fêté ses dix ans au CCR Abbaye de Neumünster. Comme l’a signalé l’un des invités d’honneur, Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne (BCE), la BCL est née avec la BCE dans le cadre de la mise en place de l’Union monétaire européenne. Et le Premier ministre Jean-Claude Juncker, qui n’a pas passé sous silence ses divergences avec les vues du président de la BCL, Yves Mersch, a exprimé sa reconnaissance à Mersch et au personnel de la banque dont il a loué le "sens d’accomplissement de leur mission".

La BCL, dont le capital est détenu par l’Etat mais dont l’indépendance est garantie par la loi et le traité de Maastricht, a dû être créée avec l’avènement de l’euro. Ses missions – l’émission de billets,  la conduite des opérations de change, la détention et la gestion des réserves officielles de changes des Etats membres, la stabilité financière, le bon fonctionnement des systèmes de paiement, l’analyse économique – s’insèrent dans le fonctionnement de l’Eurosystème. Ce système regroupe la BCE et les banques centrales nationales des États membres de l’Union européenne comme la BCL qui ont adopté l’euro. Il est l’autorité monétaire de la zone euro. L’objectif principal des membres de l’Eurosystème est de maintenir la stabilité des prix pour le bien commun.

Pierre Werner Lecture : Des banquiers centraux qui n’ont pas caché leur difficulté à répondre à toutes les questions que soulève la crise financière

Le 10e anniversaire de la BCL s’est déroulé sous le signe de la crise financière qui était omniprésente dans les interventions qui ont été prononcées lors de la soirée, notamment lors de la traditionnelle Pierre Werner Lecture, où un panel de dirigeants des banques centrales européenne, états-unienne et japonaise eut une discussion sur le thème "Croissance et productivité du secteur financier : les défis pour la politique monétaire", et qui touchait notamment à l’impact des innovations comme d’éventuelles sources de productivité dans le secteur financier sur le reste de l’économie.

Jürgen Stark, membre du Directoire de la BCE, a signalé que la crise financière soulève plus de questions que de réponses, à tel point qu’économistes et non-économistes commencent à mettre en question le modèle économique actuel. Stark a montré que la valeur ajoutée du secteur financier dans l’économie européenne est passée en 30 ans de 3,5 % à 5 ou 5,5 % en moyenne. Au Luxembourg, ce secteur représente 16 % de la valeur ajoutée. Pourtant, Stark n’a pas été en mesure de dire si le secteur financier est déconnecté ou non des autres secteurs économiques. L’innovation dans le secteur financier concerne les produits, dont les dérivés et les hedge funds qui sont des éléments centraux de la crise actuelle, les processus bancaires qui contribuent à la réduction des frais et l’engagement des TIC. Ces innovations ont conduits à de nouveaux défis. La complexité des produits dérivés a notamment brouillé les pistes pour permettre aux acteurs financiers de retracer la validité des intermédiations qui couvrent un risque. Les TIC ont conduit à une information immédiate qui peut, à force d’arbres, cacher la forêt. Comment agir ? Stark a indiqué des pistes : les taux d’intérêt, les politiques de prêt, l’évaluation des risques et l’intégration des risques dans le bilan. L’enjeu est maintenant pour la BCE, au-delà des mesures pour induire une nouvelle politique des prises de risques, de réduire les incertitudes pour que l’économie puisse récupérer. Pour cela, elle doit remplir un mandat clairement établi, dont le premier est la stabilité des prix, être reconnue comme une institution qui s’engage vraiment, être indépendante et transparente, être capable de donner des orientations à moyen terme, diffuser une analyse globale de la situation financière, mais aussi séparer ses positions de politique monétaire des opérations pour garantir la liquidité des systèmes bancaires.

Akinari Horii, Gouverneur adjoint de la Banque du Japon, mit en avant l’ineffectivité des avertissements lancés aux politiques de crédit problématiques qui ont précédé la crise financière. Il a également critiqué la méthode avec laquelle les prévisions économiques sont faites, puisqu’elles excluent volontiers l’imprévu, les marchés qui se rétractent. D’où la soudaine irruption de l’absence de confiance dans les partenaires en affaires, voire dans le système, qui a bloqué les marchés interbancaires. Pour Horii, les banques centrales doivent donc de façon plus offensive défendre l’intégrité des monnaies, qui sont d’abord des moyens d’échange et de crédit basé sur le renvoi à une valeur réelle, et combattre l’inflation.

Donald L. Kohn, Vice-président du Conseil des gouverneurs du Système fédéral de réserve des Etats-Unis d’Amérique, a longuement analysé le manque de résistance à la pression des marchés financiers des produits dérivés développés à partir de modèles mathématiques, qui pourtant dominaient ces marchés. Si la bulle financière a pu grandir autant, c’est parce que l’ensemble des acteurs a développé depuis 25 ans de « mauvaises habitudes » qui consistaient à agir comme si, sous toute condition, croissance et liquidités pouvaient être toujours disponibles. A la fin, il n’y avait plus de réserves. Certaines innovations dans le secteur financier n’ont donc pas été très heureuses pour lui car elles ont généré des risques qui ont échappé à toute maîtrise. Maintenant, les banques centrales feraient cependant bien de rester en-dehors de toutes les opérations de crédits entre privés.

Des discours de fête entre l’éloge, les divergences et l’affirmation de principes communs

Lors de la réception des hôtes de la BCL, Yves Mersch, son président a insisté sur la fonction de la BCL de garantir la stabilité des prix, et sur son indépendance, qui constituait une nouvelle approche de la notion de banque centrale.

Jean-Claude Juncker mit en avant le jeune âge de la BCL, qui est la première banque centrale luxembourgeoise, puisqu’avant, avec l’union monétaire belgo-luxembourgeoise, le Luxembourg était lié à la Banque de Belgique. En s’adressant à Yves Mersch, dont il souligna l’indépendance, il déclara sur un  ton ironique que "Yves Mersch m’inquiète souvent avec ses propos inconsidérés qu’il confond avec l’indépendance. En disant le contraire de "son Premier ministre", il était néanmoins "respecté, écouté, mais pas toujours entendu". Se tournant vers Jean-Claude Trichet, il le félicita, lui et les autres gouverneurs de la BCE, de "leur façon européenne de traiter les affaires monétaires" dans une Europe "qui est une belle invention, puisqu’elle est une autre manière de faire la paix".

Jean-Claude Trichet, qui avait tenu à être de la fête et qui rentrait juste d’une réunion du G20 à Sao Paulo au Brésil, rendit hommage au rôle que Jean-Claude Juncker avait joué dans les négociations qui ont conduit à la création de l’Eurosystème. Pour Trichet, les membres du Conseil des gouverneurs sont égaux. Pour lui, la BCE est la plus européenne des institutions de l’Union européenne. Les décisions qu’elle prend reflètent "la sagesse collégiale" de ses membres. Elle est le capitaine de l’équipe qui est formé par les banques centrales nationales qui appliquent les décisions prises au nom de l’Eurosystème. Ce mode de fonctionnement a entraîné des formes de coopération qui ont conduit à l’émergence d’une "identité partagée" entre les personnels de la BCE et des banques nationales, dont la BCL. Autre élément. La BCE recrute du personnel de tous les Etats membres, donc également de ces Etats qui ne participent pas (encore) à l’euro. Le futur d’autres "identités partagées" se prépare d’ores et déjà.