"L’espace Schengen est LE grand acquis du projet formidable qu’est l’Union européenne." C’est la position que Nicolas Schmit, ministre délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration a défendue le 16 décembre 2008 lors d’une petite fête organisée par l’Ambassade de Pologne à Luxembourg pour célébrer le premier anniversaire de l’entrée de la Pologne dans l’espace Schengen. Lors de la réception, qui eut lieu dans l’enceinte du Relais Europe à Schengen, un film polonais qui retrace les deux faces de l’ouverture des frontières a été projeté.
La Pologne est entrée dans l’espace Schengen le 21 décembre 2007, ensemble avec huit autres pays de l’Europe de l’Est. "Célébrer un premier anniversaire d’un tel événement est très important, puisqu’un tel anniversaire est toujours lié à beaucoup d’émotions", a témoigné Nicolas Schmit.
Barbara Labuda, l’ambassadrice polonaise au Luxembourg a estimé que "Schengen est un projet extraordinaire, puisque c’est à la fois un projet pragmatique et idéaliste, comme toute l’idée de l’Union européenne". Pour elle, "le village de Schengen est et restera toujours un symbole de la liberté". Aux yeux de Barbara Labuda, le bilan de la première année d’adhésion de la Pologne à Schengen "est un bilan très positif, malgré les craintes que certains ont pu exprimer". Elle a espéré que l’élargissement de l’espace Schengen ne va pas s’arrêter là, mais que cet espace de liberté unira un jour "tous les pays de l’Europe". "Quand on abolit une frontière, on en renforce d’autres. Partageons avec d’autres cette émotion de joie et de liberté", a-t-elle exhorté.
Nicolas Schmit a également insisté sur l’importance symbolique de l’ouverture des frontières. Il a reconnu que "les jeunes Européens de l’Ouest ont du mal à comprendre ce que signifie l’ouverture des frontières dans l’espace Schengen". "Ils ont du mal à comprendre qu’il y a 16 ans encore, il était très difficile de traverser les frontières", a regretté le ministre. Il ne faut pourtant pas oublier la portée de cet événement. Comme Barbara Labuda, le ministre a insisté sur le fait que "l’UE ne doit pas se transformer en une Europe forteresse", étanche à ceux qui n’y appartiennent pas.
Nicolas Schmit et Barbara Labuda ont tous les deux ont regretté la mort de Bronislaw Geremek, qui fut encore présent à Schengen pour l’ouverture des frontières en décembre 2007. "Avec Geremek, nous avons perdu un grand historien et un témoin de l’histoire européenne", a déploré le ministre.
Après les allocutions de bienvenue, le film "Schengen - deux frontières" du réalisateur polonais Józef Herold, fut projeté. Ce documentaire d’une quinzaine de minutes, a montré les deux faces de l’ouverture des frontières entre la "vieille Europe" et la Pologne. L’auteur du film s’était d’abord rendu à Francfort/Oder et à Słubice. Les deux villes, l’une allemande, l’autre polonaise, sont reliées entre elles par un pont. Pour les habitants de Słubice, ce pont fut et reste un élément central de leur existence quotidienne, tant au niveau du vécu qu’au niveau du symbolique. L’ouverture de la frontière fut pour les habitants de Słubice un moment historique, comme le démontrent les interviews recueillis par Herold. Un habitant de Francfort, qui a des origines polonaises, en témoigne : "Le pont fait partie de ma vie. C’est pour moi un symbole de la liberté".
Mais où il y a ouverture d’une frontière, il y a aussi fermeture des frontières quelque part d’autre. La frontière entre la Pologne et l’Ukraine, pays non-membre de l’UE par exemple, qui est aujourd’hui une frontière "extérieure" de l’Union européenne, est désormais étanche aux habitants de l’Ukraine. Cela pose un grand problème à de nombreux Ukrainiens, qui travaill(ai)ent ou faisaient leurs affaires en Pologne. Le film montre une foule de personnes faisant la queue devant un poste de frontière quelque part entre la Pologne et l’Ukraine. La foule est en colère. Les interviewés ne comprennent pas pourquoi ils sont soudainement "traités comme des êtres humains inférieurs", comme le met si bien une dame ukrainienne en colère.