Afin de présenter les priorités de la Présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, l’ambassadrice de la République tchèque au Luxembourg, Katerina Lukešová, a convié le 7 janvier 2009 la presse luxembourgeoise et le corps diplomatique accrédité au Luxembourg à la Maison de l’Europe.
C’est sous la devise "Une Europe sans barrières" que la Présidence tchèque a choisi d’inscrire ses priorités et son programme de travail pour les six mois à venir. La portée de la formule est symbolique en cette année 2009 au cours de laquelle seront célébrés plusieurs anniversaires comme le 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin et les 5 ans du plus grand élargissement dans l’histoire de l’Union européenne. Mais au-delà, ce sont les quatre libertés de circulation des capitaux, des marchandises, des personnes et des services qui seront au cœur des travaux conduits par la Présidence tchèque. Son mot d’ordre exprime donc aussi sa volonté de contribuer à l’ouverture de l’Europe sur le monde. Trois thèmes majeurs, que l’actualité rend particulièrement brûlants, vont marquer cette présidence : l’économie, l’énergie et l’Europe dans le monde.
Pourtant, a dû admettre l’ambassadrice Lukešová, la République tchèque a mauvaise presse quand elle est citée dans le contexte de l’Union européenne. Alors que la Présidence française du deuxième semestre de 2008 a, selon elle, "redonné à l’Europe le goût du leadership", la Présidence tchèque sera, quant à elle, "modeste, à l’image des Tchèques, pragmatique, rationnelle et terre-à-terre". Et d’ajouter avec un brin d’autodérision: "J’espère qu’elle sera même un peu ennuyeuse." Bref, les Tchèques abordent leur Présidence "sans complexes et sans démesure".
Pourtant, "le contexte ne peut pas être pire", a remarqué Katerina Lukešová, pour qui tant de commentaires négatifs en Europe et de l’autre côté de l’Atlantique - sur l’air de "Les Tchèques sont des barbares qui n’aiment pas l’Europe et dont il faut tout craindre" - auront pour effet que "s’il y aura surprise, elle ne pourra qu’être bonne". Pour l’ambassadrice Lukešová, à la question pourquoi les Tchèques sont eurosceptiques, il existe une réponse simple : "Les Tchèques sont sceptiques tout court et ils ont des raisons de l’être. Ils s’attendent toujours au pire et sont heureux quand cela n’arrive pas. 1000 ans de royaume de Bohême ont appris aux Tchèques à gérer les catastrophes. Ils sont donc prêts pour la Présidence de l’Union européenne."
Katerina Lukešová a rappelé que, dans le contexte de la crise financière et de ses conséquences sur l’économie réelle, la Présidence tchèque a pour priorité de "coordonner l’action contre la récession économique". Le Plan Européen pour la relance économique adopté par le Conseil européen de décembre 2008 en sera le cadre de travail. Pour le gouvernement tchèque, dont l’ambassadrice a rappelé la nature "socio-libérale", la compétitivité, l’innovation, la recherche et la libération du potentiel économique et humain seront dans ce contexte de toute première importance. Le programme de la Présidence tchèque accorde par ailleurs une attention toute particulière à la réforme du système financier en vue d’un renforcement de la transparence et de la stabilité des marchés. Le sommet du G20 prévu à Londres pour le mois d’avril 2009 constituera une étape importante dans ce processus.
Il importe aussi aux Tchèques de lever les contraintes encore présentes sur le marché intérieur en éliminant en priorité les barrières – tant administratives que réglementaires - qui entravent la liberté de circulation des travailleurs, des services et des connaissances. C’est avec le même souci d’ouverture et la même volonté de "lever les barrières" que l’Union européenne doit, selon Katerina Lukešová, aborder le commerce international et l’économie globale.
Les questions énergétiques sont au cœur du paquet climat – énergie et des engagements pris par l’Union européenne à l’occasion du Conseil européen de mars 2007. La Présidence tchèque aura donc pour tâche de "faciliter le consensus" en vue de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique. Il s’agira aussi, - et, comme l’a souligné Katerina Lukešová, "les crises sont parfois salutaires" - d’innover pour faire baisser les besoins énergétiques de l’économie, de faire une part plus importante aux énergies renouvelables, et ce tout en réduisant les impacts du secteur énergétique sur l’environnement.
Par ailleurs, le conflit gazier fait de la sécurité énergétique de l’Union européenne un "sujet à haut risque", dont souffrent déjà, comme l’a rappelé l’ambassadrice, la Bulgarie et la Roumanie. Aussi, c’est "par solidarité" que la Présidence tchèque doit réagir. Pourtant, dans le cadre de ce "contentieux commercial entre deux pays-tiers", la représentante de la République tchèque estime que l’Union européenne ne dispose "ni d’instruments directs et faciles, ni du droit d’intervenir". Reste donc, selon elle, l’option d’inviter Russes et Ukrainiens "à faire le nécessaire pour résoudre ce contentieux", en prévoyant, "si nécessaire" un sommet d’urgence entre l’UE et les deux parties du conflit.
Au-delà de l’actualité et de ses urgences, la Présidence tchèque entend aussi contribuer à trouver des "solutions durables" à cet enjeu majeur. Les solutions proposées : "diversifier les sources et interconnecter le réseau européen" car, ainsi que l’a souligné Katerina Lukešová, "il n’existe à ce jour pas de marché européen de l’électricité".
Abordant la troisième priorité de la Présidence tchèque, le rôle de l’Europe dans le monde, Katerina Lukešová a évoqué avec une grande franchise "la difficulté de l’Union européenne de parler d’une seule voix". Cette difficulté, elle l’attribue au fait que "les Etats membres ont des intérêts objectivement différents", ce qui fait que "la recherche du consensus est un exercice délicat et difficile." Se tournant vers une carte de l’Europe qui couvre un mur de la salle de conférences de la Maison de l’Europe, Katerina Lukešová a expliqué qu’aucun danger ne venait de l’Ouest, et qu’au-delà de l’Atlantique se situait une puissance "qui a toujours eu des relations avec l’Europe qui ont été bénéfiques à notre continent, mais à l’Est…" Bref, l’Europe doit tout faire pour élargir l’espace des libertés et des droits de l’homme, "une tâche difficile".
C’est pourquoi la Présidence tchèque veut particulièrement miser sur "un lien transatlantique stable". Elle est également convaincue dans son programme que "la condition essentielle de la capacité d’action de l’UE dans la politique internationale est l’ancrage de sa propre sécurité dans un partenariat stratégique avec l’OTAN et dans l’édification de ses propres capacités de défense, complémentaires à l’OTAN."
D’autre part, le programme des Tchèques stipule que "suite aux actions récentes entreprises par la Russie qui ont soulevé un grand nombre de questions sérieuses, l’UE doit aborder les négociations à venir sur le nouvel accord de partenariat avec la Russie en adoptant une position unique."
Parallèlement, le programme tchèque met en exergue "l’importance grandissante de la coopération avec l’Europe de l’Est, notamment avec l’Ukraine, et l’établissement de relations avec les États de la région caucasienne qui ont accéléré la préparation du Partenariat oriental". La résidence tchèque accordera donc "une attention particulière à cette dimension orientale de la Politique européenne de voisinage."
L’ambassadrice tchèque a ensuite brièvement abordé l’actualité, avec l’action au Proche-Orient d’une "troïka inédite" composée par la Présidence tchèque, avec le ministre Karel Schwarzenberg, la Présidence sortante, la France, avec le ministre Bernard Kouchner, et la Présidence suivante, la Suède, avec le ministre Carl Bildt, pour mettre fin à l’actuelle confrontation israélo-palestinienne à Gaza. Cette action s’est déroulée parallèlement avec celle du "couple infernal Sarkozy-Moubarak", la France et l’Egypte co-présidant l’Union pour la Méditerranée. Katerina Lukešová a qualifié les résultats de ces démarches européennes au Proche Orient de "maigres", vu l’obstination des parties israélienne et palestinienne à continuer les combats.