Les 11 et 12 février 2009, une vingtaine de personnes représentant des ONG, des associations et des syndicats luxembourgeois, ont suivi l’appel de l’Institut de Formation Sociale (IFS) en assistant à une formation sur la lutte contre les discriminations au Centre de Formation et de Séminaires (CEFOS) à Remich.
Le programme avait pour objectif de clarifier les concepts du droit antidiscriminatoire pour permettre aux participants d’identifier clairement dans quels cas on peut parler de discrimination – qu’elle ait des motifs d’origine raciale ou ethnique, de genre, de religion, de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle - et quelles démarches il faut initier pour défendre les personnes concernées.
Le séminaire, financé par le programme Progress 2007-2013 de la Commission européenne, et dirigé par une équipe de juristes et de sociologues, s’est déroulé sous formes d’exposés, d’études de cas, d’ateliers et de discussions interactives. Europaforum.lu a penché son regard sur la façon dont cette formation a abordé les concepts-clés des directives européennes anti-discrimination.
François Moyse, avocat et spécialiste du droit d'asile et de l'immigration, des droits de l'Homme et du droit européen, a exposé les concepts-clés en matière de discrimination. Il a expliqué que le concept de discrimination est en opposition avec celui d’égalité, parce que "qui dit égalité, dit absence de discrimination". En abordant le principe de discrimination dans la Constitution luxembourgeoise, François Moyse a expliqué qu’"une discrimination existe quand il y a une distinction non justifiée entre des personnes."
"Le principe de non-discrimination", a précisé François Moyse, "n’est en effet pas contenu dans les traités communautaires. Le concept de discrimination, pour sa part, a été repris par les lois du 28 et 29 novembre 2006 qui transposent les directives communautaires anti-discrimination 2000/43/CE, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, et 2000/78/CE, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail .
"Les arrêts Chacón Navas, Feryn et Coleman de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) sont des exemples de jurisprudence communautaire liés à la discrimination directe", a expliqué François Moyse.
Dans l’arrêt Chacón Navas, la CJCE a jugé qu’une personne qui a été licenciée par son employeur exclusivement pour cause de maladie ne relève pas du cadre général établi en vue de lutter contre la discrimination.
Dans le cas Feryn, où un employeur a refusé publiquement de recruter des salariés ayant une certaine origine ethnique, la CJCE a rendu, selon François Moyse, un "arrêt très progressiste". Elle a jugé que le patron en question ne s’était non seulement rendu coupable d’une action mais aussi d’une omission de nature à "dissuader sérieusement certains candidats de déposer leur candidature et, partant, à faire obstacle à leur accès au marché de travail."
Dans l’affaire Coleman, la Cour de justice a considéré que "l’interdiction des discriminations directes en raison d’un handicap ne se limitent pas uniquement aux personnes handicapées, mais peuvent également s’appliquer au parent d’un enfant handicapé qui prodigue l’essentiel des soins à son enfant."
"La discrimination indirecte", a ajouté François Moyse, "se produit lorsqu’une action apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour les personnes par rapport à d’autres personnes (…)". Il a illustré ce cas à l’exemple de l’arrêt Schnorbus, qui aborde la différence de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail. "La différence de traitement fondée sur le sexe, dans le cadre de l’accomplissement du service militaire par exemple", a-t-il ajouté, "est considérée comme discrimination indirecte même si ledit service ne pouvait être effectué que par un homme".
Ingrid Aendenboom, conseillère juridique, a abordé l’exigence professionnelle qui s’avère comme une évidence dans les cas simples où l’emploi ne peut être effectué sans un certain critère. "C’est par exemple le cas pour un pilote, qui ne peut bien évidemment pas avoir des problèmes de vue", a-t-elle expliqué en ajoutant qu’"il y a quand-même beaucoup de situations problématiques". Elle a ensuite brièvement analysé les questions du glissement de la charge de la preuve, ainsi que la discrimination sur base de l’âge, et l’entreprise de tendance, dont la notion reste très complexe et peu claire. Dans ce cadre, elle a précisé que le concept de discrimination pose souvent des difficultés d’interprétation, comme on ne peut pas toujours répondre aux questions telles que "Est-ce que le look d’une personne peut jouer pour qu’elle soit embauchée ?" ou "Est-ce que le patron peut exiger une certaine loyauté de ses employés pour les causes qu’il défend ?" En guise de conclusion, Ingrid Aendenboom a souligné qu’il faut "avoir des écrits et une série d’arguments bien cimentés pour pouvoir agir en justice".