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Traités et Affaires institutionnelles
Ben Fayot commente largement l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande sur le traité de Lisbonne du 30 juin 2009
03-07-2009


Ben Fayot à la Chambre lors des débats du 22 avril 2009Le député socialiste Ben Fayot, qui vient d'être réélu pour un nouveau mandat, a été le premier politique luxembourgeois à s’exprimer dans un article circonstancié sur l'arrêt que la Cour constitutionnelle allemande a rendu le 30 juin 2009 sur le traité de Lisbonne. Son article publié le 3 juillet 2009 par le tageblatt porte le titre "Renforcer la dimension européenne des parlements nationaux".

Le vieux routier de la politique européenne, qui a siégé entre 1989 et 1999 au Parlement européen, n’a cessé ces dernières années, comme député à la Chambre, de veiller à ce que celle-ci s’implique plus et soit plus impliquée par le pouvoir exécutif dans l’élaboration de la politique européenne du Luxembourg et des textes législatifs européens qui sont ensuite transposés dans la législation nationale.

L’arrêt du 30 juin 2009 donne l’impression à Ben Fayot que la Cour constitutionnelle allemande a examiné le traité de manière approfondie et sans préjugé, en insistant surtout sur la relation entre l’Etat national et l’Union européenne à la lumière de la Loi fondamentale allemande. La Cour a statué que certains droits souverains ne peuvent être transférés à l’Union européenne. Ces droits souverains relèvent des domaines centraux qui touchent à l’épanouissement des personnes et au développement de la société. Il s’agit du droit pénal, des décisions fondamentales en matière fiscale, des dépenses publiques, de l’intervention structurante des mesures sociales de l’Etat sur les conditions de vie, des décisions importantes qui touchent au droit de la famille, aux systèmes scolaires et de formation et aux relations avec les communautés religieuses.

Ben Fayot souligne d’une part que ce sont là des domaines où les Etats membres ont toujours eu des difficultés à développer une approche européenne commune, mais d’autre part aussi que la Cour ne s’est pas prononcée systématiquement contre plus d’intégration européenne. Mais elle est d’avis que certaines décisions doivent continuer de relever du Bundestag. Il cite comme exemple l’engagement de troupes allemandes dans le cadre d’un système de sécurité collective, un engagement qui ne pourrait avoir lieu automatiquement selon un principe supranational, mais seulement avec l’aval du Bundestag.

Jugeant qu'un "renforcement de l’intégration pourra être contraire à la Constitution, si le niveau de légitimation démocratique ne tient pas le pas avec l’ampleur et le poids de la puissance supranationale à qui des pouvoirs sont transmis" (262), la Cour a estimé que le traité de Lisbonne ne pourra être ratifié en Allemagne que quand les droits du parlement national auront été élargis et renforcés pour ce qui touche à l’Union européenne. La Cour allemande exige ainsi que le Bundestag n’ait pas, comme c’est actuellement le cas, le droit de refuser a posteriori une décision du Conseil de l’UE dans des domaines où l’on passera de la règle de l’unanimité à la règle de la majorité qualifiée, mais qu’il soit l’instance qui donne en amont l’autorisation au gouvernement de voter d’une manière ou d’une autre. Ben Fayot ne manque pas de souligner que pour la Cour allemande, ce sont les parlements nationaux, et pas le Parlement européen, qui constituent le cœur de la légitimation démocratique, y compris pour les affaires qui touchent à l’intégration européenne.

Autre aspect que Ben Fayot met en exergue et qui aura selon lui des conséquences sur la discussion concernant les pouvoirs du Parlement européen : bien que des pouvoirs aient été transférés et soient transférés à l’Union européenne, elle n’est pas pour la Cour allemande un Etat, et le Parlement européen n’a donc pas, selon elle, comme les parlements nationaux, le même type de légitimité et des attributs analogues à ceux d’un parlement d’un Etat.

Conséquences pour le travail parlementaire au Luxembourg

Pour Ben Fayot, "la Chambre des députés luxembourgeoise ferait bien d’analyser l’arrêt allemand. La Chambre a, comme on sait, trouvé un accord avec le gouvernement (...) qui devrait rendre possible à un stade précoce un traitement effectif et politiquement signifiant des projets législatifs européens par le Parlement".

Le député socialiste jette ensuite un regard sur le projet de loi qui devrait, en conformité avec les exigences de la Cours de Karlsruhe,  renforcer les pouvoirs du Bundestag en matière européenne. Il souligne que le gouvernement fédéral devra informer le Bundestag de manière exhaustive sur tout projet d'acte législatif européen transmis, et ce au plus tard deux semaines après cette transmission, pour que le Bundestag, qui doit, comme tout parlement national, pouvoir statuer endéans huit semaines si un tel projet est conforme au principe de subsidiarité, puisse le faire en connaissance de cause. "Et qu’en est-il au Luxembourg ?", demande Ben Fayot.

Sa conclusion : "Au début d’une nouvelle législature et alors que le chemin a été pris vers une plus forte dimension  européenne de la Chambre des députés luxembourgeoise, de telles réflexions sont fondamentales. Car il nous reste beaucoup à faire au Luxembourg, pour rapprocher l’Union européenne des citoyens et pour dynamiser la démocratie européenne. Cela ne pourra se faire que dans une étroite coopération entre le gouvernement et le parlement."