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Agriculture, Viticulture et Développement rural
La crise laitière : grève européenne du lait et mesures gouvernementales
15-09-2009


Le 15 septembre 2009, une centaine d’agriculteurs luxembourgeois ont suivi l’appel à "la révolte des producteurs de lait" lancé le 10 septembre par le European Milk Board (EMB).

Pour protester contre l’effondrement des prix dans leur secteur, une partie des membres du Luxembourg Dairy Board (LDB), qui compte environ 40 % des 838 producteurs de lait du Grand-Duché, ont décidé de ne plus livrer leur lait aux laiteries. Ils ont entamé leur grève en déversant 50 000 litres de lait dans un champ à Erpeldange, avant de distribuer gratuitement des bouteilles de lait devant un supermarché à Ingeldorf.

A la vue du lait déversé dans le champ, Fredy de Martines, porte-parole du LDB, avait "envie de pleurer". "C’est honteux que la politique européenne nous pousse à mener de telles actions", a-t-il déclaré sur RTL, tout en estimant que le mouvement luxembourgeois va prendre de l’ampleur de jour en jour à l’instar de la France où les grévistes représentent déjà presque 50 % du secteur. Les producteurs de lait luxembourgeois ont d’ailleurs tenu à rappeler qu’ils ne veulent pas causer de tort à la population en faisant des blocages. "Néanmoins, si nos revendications ne sont pas prises en compte, nous durcirons le ton", a souligné Fredy de Martines.

Réactions des organisations agricoles...

Tandis que plus de 40 000 producteurs de lait de 8 pays européens participent selon l’EMB à la grève européenne du lait, l’action spectaculaire menée par le LDB à Erpeldange a suscité les réactions de plusieurs organisations agricoles luxembourgeoises. La Bauerenallianz a critiqué l’action de du LDB, "ne pouvant approuver pour des raisons morales et éthiques la destruction d’un aliment de base". Cependant, l’Alliance agricole a appelé le gouvernement à soutenir financièrement les producteurs de lait au plus vite.

Le Fräie Lëtzebuerger Baureverband (FLB) s’est également distancié de l’action du LDB, qui "nuit à l’image des agriculteurs", tout en se demandant si le gouvernement "a saisi la gravité de la situation". Il s’est surtout insurgé contre le fait que "les mesures promises ne soient prises qu’à la lumière du budget 2010 alors qu’elles ont déjà été discutées". Une attente qui, selon le FLB, n’a pas été nécessaire "lorsqu’il s’agissait de sauver les banques".

Fredy de Martines s’est montré déçu de l’attitude des autres organisations agricoles. "Si certaines représentations agricoles se retournent maintenant contre les agriculteurs, nous avons un problème", a-t-il déclaré par rapport au Tageblatt.

... et de l'eurodéputée Astrid Lulling

Le Parlement européen a approuvé le 17 septembre 2009 la proposition de règlement destiné à prolonger l'aide existante en faveur des agriculteurs laitiers au moins jusqu'en février 2010. Dans une résolution supplémentaire, les eurodéputés ont également tenu à souligner que les mesures prises jusqu'à présent par la Commission européenne n'étaient pas suffisantes.

A l’issue du vote, l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling a revendiqué des mesures immédiates pour rééquilibrer à long terme le secteur du lait. Selon elle, ces mesures sont nécessaires pour garantir ravitaillement et qualité des produits, mais aussi pour aider les agriculteurs en difficultés. Et de conclure que laisser disparaître les exploitations agricoles, serait irresponsable d’un point de vue social, économique et écologique.

Les mesures prises et envisagées par le ministère de l’Agriculture

Depuis le début de la crise laitière, le gouvernement luxembourgeois n’est pas resté inactif. 

Dans une réponse à une question parlementaire du député Jean Colombera (ADR), le ministre de l’Agriculture Romain Schneider expliquait de nouveau, le 10 septembre 2009, que le gouvernement avait "fait état de sa volonté de venir en aide à l'ensemble des producteurs agricoles, tout en mettant l'accent dans son paquet de mesures sur la gravité des problèmes rencontrés par les producteurs de lait."

Un paquet de mesures, préparé en concertation étroite avec l'ensemble des syndicats professionnels agricoles, sera ainsi proposé très prochainement au Conseil de Gouvernement.

Le ministre rappelait par ailleurs les mesures qui ont déjà été prises :

  • Avancement du paiement d'une part de 70 % du montant de la prime unique ("Betriebsprim") au 16 octobre 2009 (± 22.000.000 d’euros) ; paiement du solde (30 %) en décembre 2009 (± 12.000.000 d’euros)
  • Paiement de la prime pour l'entretien du paysage et de l'espace naturel début novembre 2009 (± 8.900.000 d’euros)

  • Avancement du paiement de l'indemnité compensatoire au mois de janvier 2010 (±15.700.000 €)

  • Des pourparlers avec les banques de la place ont eu lieu pour accorder un délai de paiement aux producteurs pour le remboursement des prêts contractés

  • L'Administration des Contributions directes a été avisée pour accorder un délai de paiement aux producteurs pour le versement des impôts dus et des avances d'impôt

  • Traitement prioritaire des demandes en instance en matière d'aides aux investissements

  • Etiquetage des fromages: une lettre commune des ministres de l'Agriculture allemand, autrichien et luxembourgeois a été adressée à la Commission européenne à ce sujet.

Romain Schneider soulignait aussi dans sa réponse que la loi du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural offrait un cadre approprié aux producteurs souhaitant procéder à des investissements dans le secteur de la production laitière. "Cette loi leur permettra de se doter d'un outil de production performant garantissant leur compétitivité bien au-delà de l'échéance 2015 où l'actuel régime des quotas laitiers aura touché à sa fin" poursuivait-il en expliquant que "de tels investissements se justifient puisque les perspectives à moyen et à long terme pour le secteur laitier restent bonnes" dans la mesure où la demande mondiale en lait et en produits laitiers devrait croître à l’avenir en raison d'une augmentation constante de la population mondiale, et ce alors que la production de lait aura, par moments, du mal à suffire à cette demande.

Le ministre de l’Agriculture estimait par ailleurs "qu'il serait indiqué de lancer une campagne de prise de conscience en premier lieu auprès des jeunes producteurs afin de les sensibiliser sur la nécessité d'une formation adéquate et du recours continu à des conseils et des cours de perfectionnement offerts par des services spécialisés de sorte qu'ils disposent des connaissances supposées nécessaires pour pouvoir assurer une gestion de leur exploitation".

Enfin, Romain Schneider annonçait qu’il s’agira d’œuvrer dans les prochaines années pour que le modèle agricole européen, tel qu'il a été défini sous présidence luxembourgeoise, modèle qui préconise une agriculture moderne, multi-fonctionnelle et durable, soit conservé. Cet objectif présuppose pour le nouveau ministre "la poursuite du programme de subventionnement de l'agriculture tel qu'instauré par le régime de paiement unique comme compensation des obligations non honorées par le marché."

Lors du Conseil Agriculture du 7 septembre 2009, le Luxembourg s’était par ailleurs associé à 15 autres pays pour soumettre une déclaration conjointe au Conseil, appelant notamment à un renforcement des mesures de soutien de marché. Une réponse de Mariann Fischer Boel, membre de la Commission européenne en charge de l’Agriculture, était attendue, sous la forme d’une nouvelle proposition de la Commission, le 17 septembre 2009.