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Traités et Affaires institutionnelles
Dans une question parlementaire adressée au Premier ministre, le député Fernand Kartheiser demande si le Luxembourg aura un commissaire au sein de la Commission européenne une fois que le traité de Lisbonne sera entré en vigueur
15-09-2009


.Dans une question parlementaire adressée le 24 juillet 2009 au Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, le député Fernand Kartheiser (ADR) revient sur le rejet du traité de Lisbonne en Irlande lors du référendum populaire du 12 juin 2008. Le député aborde les garanties que l’Irlande a obtenues par la suite du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009, dont notamment celle selon laquelle "chaque pays garderait un commissaire au sein de la Commission européenne".

Les questions soulevées par Fernand Kartheiser

Dans ce contexte, Fernand Kartheiser demande à Jean-Claude Juncker s’il peut confirmer que le Luxembourg aura à l'avenir un commissaire au sein de la Commission européenne qui aura exactement les mêmes droits que les commissaires des autres Etats membres. En outre, le député demande au Premier ministre de communiquer à la Chambre des députés le texte exact de cette disposition ou décision, la date à laquelle elle a été prise, le document de référence ainsi que l'organe compétent qui en a ainsi décidé.

En parallèle, Fernand Kartheiser demande que si une telle décision n’a pas encore été inscrite dans un texte juridiquement contraignant, mais seulement dans une décision des chefs d'Etat et de gouvernement reprise dans les conclusions informelles d'un Conseil européen, quelles seront les modalités exactes et le calendrier précis de la transformation d'une telle décision politique en un texte ayant vocation à devenir juridiquement contraignant. Selon Fernand Kartheiser, "dans l'hypothèse énoncée dans le passage ci-dessus, le Luxembourg pourrait, le cas échéant, se trouver lié par un traité international qui n'aurait pas encore trouvé sa forme définitive au moment de son entrée en vigueur."

Le député pense en effet qu’"il ne semble pas exclu que le traité de Lisbonne pourrait devenir applicable à un moment où certaines de ses dispositions les plus importantes, comme par exemple celles relatives à la composition de la Commission, seraient encore sujettes à négociation ou à modification, respectivement devraient encore être dotées d'une forme juridiquement contraignante. Cette observation reste valable si de telles modifications devaient être précisées dans un protocole ou une annexe au traité de Lisbonne lui-même."

Par ailleurs, le député de l’ADR souhaite savoir si le Premier ministre peut citer d'autres traités internationaux où un tel cas de figure se serait déjà présenté et s’il n'estime pas que le respect que le gouvernement doit au législateur exige pour le moins que le gouvernement soumette le projet de texte complet et définitif d'un traité international à la Chambre des députés afin de permettre à celle-ci d'avoir une vue d'ensemble sur ce traité avant de se prononcer sur une éventuelle ratification.

Fernand Kartheiser invite le Premier Ministre également à préciser s’il estime que la Chambre des députés doit avoir le droit de se prononcer sur l'ensemble du traité de Lisbonne, une fois qu’il aura trouvé sa teneur définitive.

Enfin, le député se demande si le Premier ministre aura l’intention de soumettre des dispositions faisant partie du traité de Lisbonne, y compris sous forme d'un protocole, d'une annexe, d'une déclaration ou sous toute autre forme, à la Chambre des députés conjointement ou en concordance temporelle avec un traité portant sur l'adhésion d'un nouvel Etat membre.

La réponse de Jean-Claude Juncker

Dans sa réponse, Jean-Claude Juncker explique que les chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil européen les 11 et 12 décembre 2008, ont pris, pour donner suite aux préoccupations du peuple irlandais (…) d'ici la fin du mandat de l'actuelle Commission, l'engagement suivant: "En ce qui concerne la composition de la Commission, le Conseil européen rappelle que les traités en vigueur exigent la réduction du nombre des membres de la Commission en 2009. Le Conseil européen convient que, à condition que le traité de Lisbonne entre en vigueur, une décision sera prise, conformément aux procédures juridiques nécessaires, pour que la Commission puisse continuer de comprendre un national de chaque État membre".

D’après la réponse du Premier ministre, cet engagement a été réitéré à l'identique lors du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 : "Ayant pris bonne note des préoccupations du peuple irlandais telles qu'exposées par le Premier ministre irlandais, le Conseil européen, réuni les 11 et 12 décembre 2008, est convenu que, à condition que le traité de Lisbonne entre en vigueur, une décision serait prise, conformément aux procédures juridiques nécessaires, pour que la Commission puisse continuer de comprendre un national de chaque Etat membre".

Pour Jean-Claude Juncker, la situation juridique est donc très claire : il n'y a pas d'engagement juridiquement contraignant. "La décision prévue à l'article 17 paragraphe 5 du traité sur l'Union européenne sera prise suite à et à la condition de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Les chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres de l'Union européenne ont dès lors pris un engagement solennel et qui ne souffre d'aucune ambiguïté: il est conditionnel - sans entrée en vigueur du traité de Lisbonne les chefs d'Etat et de gouvernement seraient d'ailleurs dans l'impossibilité de mettre en œuvre leur engagement étant donné qu'ils ne disposeraient pas de la base légale pour le faire - et ne saurait faire l'objet d'interprétations divergentes. Il aura pour effet que la Commission sera composée d'un national de chaque Etat membre", explique le Premier ministre.

Jean-Claude Juncker d’ajouter que "le gouvernement luxembourgeois a soumis le texte complet et définitif du traité de Lisbonne au législateur. La Chambre des députés a ratifié ce traité en date du 29 mai 2008. L'article sur base duquel le Conseil européen s'est engagé à prendre une décision ayant pour effet que la Commission européenne continuera à être composée d'un national de chaque Etat membre s'y trouve et n'a pas subi - et ne saurait subir - la moindre modification. J'ajoute que ce même article se trouvait dans le traité constitutionnel (article 1-26 paragraphe 6) soumis par référendum au peuple luxembourgeois en date du 10 juillet 2005".

Selon le Premier ministre, il faut donc en conclure que le législateur a accepté l'idée qu'il pourrait y avoir une décision à prendre sur base de l'article 17(5) TUE sur le nombre de membres de la Commission après 2014. "Nous savons aujourd'hui qu'une telle décision sera prise si le traité entre en vigueur. Cela ne modifie en rien le droit primaire communautaire", précise-t-il.

Jean-Claude Juncker tient d’ailleurs à répéter et  à souligner que le traité de Lisbonne n'a subi aucun amendement - et ne saurait en subir hors ratification parlementaire.

Le Premier ministre explique : "Lors de sa réunion des 18 et 19 juin 2009, le Conseil européen a marqué son accord sur une série d'arrangements afin de rassurer le peuple irlandais et de répondre à ses préoccupations. Ces arrangements sont pleinement compatibles avec le traité de Lisbonne et ne requièrent dès lors aucune nouvelle ratification dudit traité. Ces arrangements prennent la forme suivante : a) décision des chefs d'État ou de gouvernement des 27 États membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil européen, relative aux préoccupations du peuple irlandais concernant le traité de Lisbonne ; b) déclaration solennelle sur les droits des travailleurs, la politique sociale et d'autres questions".

En guise de conclusion, Jean-Claude Juncker déclare : "La décision précitée prendra effet le jour de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Je rappelle par ailleurs que les chefs d'Etat ou de gouvernement de tous les Etats membres de l'Union européenne se sont engagés, lors de la conclusion du prochain traité d'adhésion, à énoncer les dispositions de la décision précitée dans un protocole qui sera annexé, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne".

Le Premier ministre peut donc confirmer à Fernand Kartheiser qu'en cas d'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et lorsque la décision aura été prise d'accepter l'adhésion à l'Union européenne d'un nouvel Etat, le gouvernement luxembourgeois soumettra à la Chambre des députés, ensemble avec le projet de loi visant à approuver ladite adhésion, un projet de loi ayant pour effet de transformer la décision des chefs d'Etat ou de gouvernement des 27 Etats membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil européen, relative aux préoccupations du peuple irlandais concernant le traité de Lisbonne, en protocole à annexer au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.