En amont de la réunion des ministres des Finances du G20 des 4 et 5 septembre 2009 à Londres, les ministres des Finances des membres européens du G20 (Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas), le président en exercice du Conseil "Affaires économiques et financières", Anders Borg, et le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, ont publié le 4 septembre dans les colonnes du Financial Times et dans plusieurs autres journaux européens une tribune sur la question des rémunérations variables (bonus) dans le secteur financier. Ils plaident pour "un encadrement strict des rémunérations" et prônent l’interdiction de bonus garantis supérieurs à un an. "Le versement des bonus doit être étalé sur plusieurs années et les bonus versés doivent correspondre aux performances réelles des individus concernés et aux activités de la banque sur cette période", écrivent les ministres. Des banques, ils exigent « une transparence totale (...) sur leur politique de rémunération" et de chacun des pays du G20 qu’ils s’assurent que leurs banques respectent ces règles.
Il y a bientôt un an, la chute de Lehman Brothers plongeait le monde dans une crise financière sans précédent. Du jour au lendemain, les certitudes que nous pouvions avoir sur la solidité de nos institutions financières et sur le fonctionnement d’un système financier toujours plus innovant étaient remises en cause. Très vite, des pans entiers de nos économies nationales en ont subi les effets brutaux.
Les raisons de cette crise ne sont aujourd'hui que trop connues. Si celle-ci s’est déclenchée dans le secteur immobilier américain, elle s’est rapidement propagée au monde de la finance tout entier par le biais de la titrisation pratiquée à grande échelle. Cette crise est le résultat de la sophistication excessive des instruments financiers, de l’absence d’évaluation des risques, de la régulation insuffisante de certains acteurs et de certains produits et de la cupidité insatiable d’autres acteurs encore, pour qui toujours plus n'était jamais assez.
Face à ce défi, les États ont su mobiliser les moyens nécessaires pour éviter l’effondrement. Nous avons apporté un soutien exceptionnel à nos secteurs financiers. Nous avons mis en place des plans de relance massifs - près de 5 000 Md$ à l’échelle mondiale selon le FMI.
Si chacun a agi à sa manière et avec ses priorités propres, la volonté de coopération internationale et d’action coordonnée a été sans précédent. C’est ce qui distingue profondément cette crise de celle que le monde a connue dans les années 30.
En avril dernier, les chefs d'Etat et de gouvernement du G20 représentant 85 % de la richesse mondiale se sont réunis à Londres et se sont engagés sur des règles visant à traiter les racines du problème. Les décisions adoptées visaient à éliminer les causes de cette crise en instaurant plus de transparence, plus de régulation et de responsabilité parmi ses acteurs. Elles répondent à une demande légitime de nos concitoyens qui exigent davantage d'encadrement et, si ce n'est des certitudes, du moins des garanties que ces dysfonctionnements ne se reproduiront plus.
En tant que représentants de ces sociétés, nous avons le devoir de les mettre pleinement en œuvre, afin de faire tout notre possible pour bannir les comportements à risques et mettre fin à l'irresponsabilité dévastatrice de certains acteurs de la finance.
Nous voyons aujourd’hui des raisons d’espérer une sortie prochaine de ce cataclysme. S’il est trop tôt pour crier victoire, les données et les indicateurs économiques les plus récents semblent indiquer que le pire de cette crise est derrière nous. Même si l'économie ne redémarre pas aussi vite que nous le souhaiterions, nous ne pouvons que nous réjouir des indices positifs qui commencent à voir le jour.
Toutefois, nous devons éviter en parallèle que des comportements nuisibles ne resurgissent chez certains acteurs de la finance. Les banques, dont certaines n'ont dû leur salut qu'à un apport massif d'argent public, profitent de bons résultats au premier semestre pour prétendre que cette crise n'était qu'un incident de parcours et que les agissements d'hier peuvent reprendre comme si rien ne s'était passé. Disons-le tout net : ces comportements sont non seulement dangereux, mais aussi indécents, cyniques et inacceptables. Ils constituent une provocation face à la montée du chômage.
Nous ne choisissons pas de déposer notre argent à la banque, nous y sommes obligés. Les banques sont un rouage essentiel de notre système économique et nous devons donc veiller à ce qu’elles obéissent à des règles et qu’elles ne puissent plus jamais mettre en péril l'ensemble de ce système. Les risques liés aux systèmes de rémunération doivent faire l’objet d’une surveillance rigoureuse. Le danger est trop grand quand les erreurs de quelques-uns sont susceptibles d’avoir des répercussions sur l'ensemble de nos populations.
C’est pourquoi nous défendrons, lors de la réunion des Ministres des Finances du G20 aujourd’hui à Londres, un encadrement strict des rémunérations. Les bonus garantis supérieurs à un an doivent être interdits. Le versement des bonus doit être étalé sur plusieurs années et les bonus versés doivent correspondre aux performances réelles des individus concernés et aux activités de la banque sur cette période.
Les banques doivent également être d’une transparence totale en rendant publiques des informations précises sur leur politique de rémunération. Enfin, chacun des pays doit s’assurer que ses banques respectent ces règles.
En outre, nos opinions publiques ont du mal à comprendre qu’une si petite minorité puisse avoir des exigences aussi élevées. Le montant de certains bonus pose de vraies questions, pas seulement d’un point de vue moral. Nous sommes conscients qu’il s’agit là d’une question difficile, mais il nous faudra bien l’aborder. D’aucuns ont proposé d’aller plus loin, par exemple en limitant les bonus, voire en les taxant ou en imposant aux banques des obligations supplémentaires.
Chacun voit bien que ces règles ne sont qu’une première partie d’un ensemble plus vaste et incontournable de mesures de régulation du secteur financier. De plus, si les banques ont pu renouer avec les bénéfices, elles le doivent en grande partie aux décisions audacieuses prises par les gouvernements et les banques centrales. Par conséquent, nous attendons d’elles des initiatives aussi audacieuses pour que ces bénéfices profitent à l’économie réelle.
Nous avons aujourd’hui une occasion unique d’être ambitieux pour la sécurité de nos citoyens et le bon fonctionnement de nos économies.
Nous avons d’ores et déjà commencé à agir et sommes déterminés à poursuivre notre action. Nous appelons nos collègues du G20 à se joindre à nous pour adopter des règles strictes. De toute évidence, elles seront d’autant plus efficaces qu’elles seront adoptées au niveau international.
Allons au bout de l’effort historique engagé le 2 avril et posons ensemble les bases d’une croissance durable fondée sur des principes de transparence et de responsabilité. Il faut mettre un terme à la culture du bonus et saisir l’occasion du sommet du G20 à Pittsburgh pour le faire.
Anders Borg
Wouter Bos
Jean-Claude Juncker
Christine Lagarde
Elena Salgado
Peer Steinbrück
Giulio Tremonti