Le Conseil Agriculture des 19 et 20 octobre 2009 à Luxembourg a consacré une grande partie de sa première journée à la crise du lait. Alors que le Conseil a été précédé de nombreuses déclarations, une grande manifestation d’agriculteurs s'est déroulée en même temps sur le plateau du Kirchberg.
Quelques heures avant le Conseil, l’European Milk Board (EMB) avait déclaré qu’il ne voulait pas de nouvelles subventions, mais une régulation flexible de la production. Dans l'hypothèse où le Conseil de l'UE n'adopterait pas de résolutions raisonnables, l'EMB s’est montré prêt à présenter "ses propres mesures lors de son rassemblement".
Romuald Schaber, le président de l'EMB avait expliqué dans ce contexte qu’"avec les suspensions des livraisons de lait mises en œuvre au cours du mois dernier, les producteurs de lait sont parvenus à réduire substantiellement la pression des volumes exercée sur le marché. Maintenant, la balle est dans le camp des milieux politiques, qui doivent maîtriser les volumes en adoptant des mesures à court terme. Concrètement, cela signifie restreindre l’enregistrement net et la compensation à l'échelle européenne et introduire immédiatement le gel des quotas volontaires de quantités partielles". Selon l’EMB, les ministres devaient en outre "poser les jalons pour une régulation des quantités flexible qui permette, à moyen et à long terme, d'adapter l'offre à la demande."
Pour l’EMB, cela ne sert d'ailleurs à rien si les ministres parlent de subventions qui n’ont "pratiquement aucun effet sur le secteur laitier". Une régulation flexible des quantités, par contre, cesserait "de coûter de l'argent aux contribuables et pourrait garantir efficacement l'instauration de prix équitables pour le lait aussi bien pour les producteurs de lait que pour les consommateurs". Pour cela, il faudrait "instituer un service de monitoring au sein duquel producteurs de lait, consommateurs, laiteries et milieux politiques assumeront en commun une responsabilité".
Avant d’être reçu par Romain Schneider, le ministre luxembourgeois de l’Agriculture, et son homologue belge, le leader du LDB, la fédération luxembourgeoise membre de l'EMB, Fredy de Martines, a souligné : "Nous sommes ici pour soutenir les ministres qui œuvrent en faveur de ces mesures. A l'occasion de notre rassemblement d'aujourd'hui, nous voulons toutefois également présenter nos propres mesures dans l'hypothèse où les résolutions prises par le conseil des ministres de l'UE de cet après-midi ne comporteraient pas de mesures raisonnables."
Le ministre luxembourgeois de l’Agriculture, Romain Schneider, et 20 autres de ses collègues, emmenés par la France et l’Allemagne, veulent en effet mettre un frein à la libéralisation du marché du lait. Le ministre français, Bruno Le Maire, a souhaité avant le Conseil que l’Europe donne "un signal politique fort" et "dise clairement qu'elle choisit la voie de la régulation du marché du lait et renonce à poursuivre la dérégulation. (...) Je viens de recevoir l'appui de la Cour des comptes européenne, qui est convaincue que la dérégulation ne peut que conduire à des productions excédentaires", a-t-il ajouté.
A partir du matin, guidés par la police, plusieurs cortèges de producteurs de lait ont convergé à partir de sept points frontière vers le Kirchberg, où se tenait le Conseil. Plus de 3000 agriculteurs étaient attendus avec leurs tracteurs et des vaches laitières par un dispositif de 800 policiers, dont 80 policiers belges, appelés en guise d’assistance selon les clauses du traité Benelux. Autour de 1 500 sont venus.Vers midi, un tracteur a essayé de forcer le barrage qui protégeait l’entrée du Conseil. Pétards, sacs en plastique remplis d’eau, des œufs, du purin et autres projectiles improvisés ont été jetés en direction de la police qui a fait usage d’un lance-eau. A un certain moment, des bottes de paille ont été allumées, et une fumée noire a rempli les alentours. Tout cela en guise d’avertissement pour ce qui pourrait se passer si les agriculteurs n’étaient pas écoutés. Vers trois heures, des agriculteurs ont bloqué les issues du Conseil. Dans certains médias, l'ont annonçait un "ministernapping". Pourtant, il n'y a pas eu de violences graves selon le porte-parole de la police grand-ducale, Vic Reuter.
Le Conseil a décidé d’adopter la proposition de la Commission de prolonger la période d’intervention sur le beurre et le lait écrémé en poudre. La Commission a également présenté une proposition de modification de règlement offrant aux États-membres de nouveaux moyens possibles de restructuration du secteur laitier et ce notamment par le biais d’une modification facultative du système de rachat des quotas.
La Commission européenne a présenté les résultats de la première réunion du groupe d’experts de haut niveau, qui a planché le 13 octobre 2009 sur les relations contractuelles entre les différents acteurs de la filière, ainsi que le rapport trimestriel sur la situation du lait qui, selon l’analyse qu’en fait la commissaire en charge de l’agriculture, Mariann Fischer Boel, s’améliore.
En réponse à la demande de 300 millions d’euros faite le lundi 12 octobre 2009 par les ministres de l’Agriculture d’une vingtaine d’Etats membres réunis à Vienne, la Commission a par ailleurs annoncé au cours du Conseil qu’elle proposerait que 280 millions d’euros supplémentaires soient alloués au secteur laitier. Une mesure qui vise, selon les mots de la Commissaire, à apaiser les producteurs laitiers. Et ce alors que "pas un euro de plus" ne sera désormais disponible pour les autres secteurs, ainsi que l’a précisé Mariann Fischer Boel. Ce qui n’a pas impressionné les syndicats paysans. Les uns ne veulent pas de subventions. Et d’autres, qui ne les refusent pas, ont dit que "c'est trop peu au regard de la détresse paysanne et c'est bien tard au regard de cette crise qui dure depuis trop longtemps". Pour le ministre luxembourgeois Romain Schneider, il s'agissait par contre "d'une bonne nouvelle".
La question budgétaire sera examinée par les ministres des finances de l'UE et le Parlement européen lors des négociations pour le budget de l’année 2010. Cet argent devrait être réparti par enveloppes nationales selon la production de lait de chaque Etat membre, dans la limite des quotas bien entendu. Chaque Etat membre aura ensuite la responsabilité de redistribuer aux producteurs de lait ce qui leur revient, en veillant à ne discriminer personne. Une aide qui, pour chacun des producteurs de lait, ne devrait pas dépasser les 1000 euros ainsi que l’a précisé la commissaire européenne pendant la conférence de presse.