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Traités et Affaires institutionnelles
Document BENELUX Mise en œuvre du traité de Lisbonne
05-10-2009


Texte intégral du document du Benelux publié le 5 octobre 2009 et présenté à Luxembourg par le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn.

Introduction

Le Traité de Lisbonne rendra l’Union européenne (UE) plus efficace, plus démocratique et plus transparente. Il dotera l’UE d’un cadre institutionnel unique qui prévoit la création d’un Président permanent du Conseil européen, d’un Haut Représentant (HR) qui préside le Conseil des affaires étrangères et sera Vice-Président de la Commission européenne, et l’instauration d’un Service européen pour l’action extérieure (SEAE).

 Dans la perspective de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il convient d’adapter les règles qui gouvernent le fonctionnement du nouveau cadre juridique en vue d’assurer son bon fonctionnement. Ainsi conviendra-t-il de les consigner entre autres dans le règlement intérieur du Conseil européen et d’adapter en conséquence le règlement intérieur du Conseil ; il conviendra également de préparer l’acte constitutif du SEAE.

 Pour les pays du BENELUX il est plus que jamais nécessaire d’assurer la nature inclusive, méthodique et transparente du processus décisionnel et de garantir la pérennité, aussi après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, de la méthode communautaire et des équilibres institutionnels qui ont fait le succès du processus d’intégration européenne. A cet effet les pays du BENELUX considèrent que la mise en œuvre des dispositions nouvelles devrait reposer sur les principes ci-dessous.

1. Le Conseil européen et son président

Le Conseil européen donne les impulsions nécessaires au développement de l’Union et définit les grandes lignes de sa politique dont la transposition est assurée par le Conseil. Nonobstant le fait que le traité de Lisbonne confère le statut d’institution au Conseil européen, le pouvoir législatif demeure attribué au Conseil et au Parlement européen (PE). Cette institutionnalisation ne doit pas davantage affecter la capacité du Conseil à prendre des décisions sur des questions non législatives.

Rôle interne

Le règlement intérieur du Conseil européen déterminera les modalités d’adoption de l’ordre du jour et des conclusions du Conseil européen.

Le Conseil européen continuera à être préparé par le Conseil des affaires générales et les Conseils spécialisés, à travers les organes préparatoires habituels, afin de garantir une préparation transparente et inclusive de la politique de l’Union. La présidence semestrielle joue dès lors un rôle de premier plan en contribuant à assurer la cohérence des politiques de l’Union.

À cet effet :

  • la présidence semestrielle informe au début de chaque réunion le Conseil européen des activités préparatoires qui ont eu lieu dans les Conseils spécialisés ;
  • le président du Conseil européen formule, après concertation avec le président de la Commission ainsi que le chef d’État/de gouvernement de la présidence tournante et le haut représentant, une proposition d’ordre du jour commenté ;
  • le président du Conseil européen élabore, après concertation avec le président de la Commission ainsi que le chef d’État/de gouvernement de la présidence tournante et le haut représentant, un premier projet de conclusions et, le cas échéant, de décisions du Conseil européen ;
  • les réunions du Conseil européen continueront à être préparées par le Conseil des affaires générales : l’ordre du jour commenté, les projets de conclusions et, le cas échéant, de décisions lui seront dès lors soumises (voir infra) ;
  • en cas d’empêchement, le président du Conseil européen est remplacé par le chef d’État ou de gouvernement de la présidence semestrielle ;
  • le président du Conseil européen est associé à l’élaboration du programme de 18 mois du Conseil par le groupe prédéterminé de trois États membres qui assurent la présidence du Conseil pendant cette période ;
  • des réunions ont lieu régulièrement entre le président du Conseil européen, le président de la Commission et le chef d’État ou de gouvernement de la présidence tournante, ou leurs représentants, de manière à assurer la préparation et le suivi du travail.

Rôle externe

Le président du Conseil européen a également un rôle dans la représentation extérieure de l’Union. Il représente l’Union à son niveau et en sa qualité, sans préjudice des prérogatives du haut représentant qui est chargé de veiller à la cohérence de l’action extérieure de l’Union dans les matières relevant de la PESC et lors des sommets bilatéraux et multilatéraux avec des pays tiers, accompagné du président de la Commission (pour les matières qui le concernent).

Dans l’exercice de cette fonction, il se fait l’expression des objectifs et orientations générales définis par le Conseil européen ainsi que des mesures les mettant en œuvre.

La personne

Le président du Conseil européen a la stature d’un chef d’État ou de gouvernement. Il a démontré son engagement européen et a développé une vision sur l’ensemble des politiques de l’Union. Il est a l’écoute des États membres et des institutions et sensible aux équilibres institutionnels qui caractérisent la méthode communautaire.

2. Le Conseil des affaires générales

L’actuel Conseil Affaires générales et Relations extérieures (CAGRE) est scindé en deux organes : le Conseil des affaires générales (CAG) et le Conseil des affaires étrangères (CAE).

La tâche du CAG est décrite par le traité : il lui appartient d’assurer la cohérence des activités des différentes formations du Conseil, il prépare les réunions du CE et en assure le suivi en liaison avec le président du Conseil européen et le président de la Commission.

À cet effet :

  • Il est chargé de la coordination et de la cohérence des politiques de l’Union, des questions institutionnelles au sens large (c’est-à-dire incluant éventuellement la subsidiarité, le "mieux légiférer", les relations avec les autres institutions, etc.) ainsi que des perspectives financières, de la politique commerciale multilatérale (par exemple OMC) et de l’élargissement (toutefois, certaines questions peuvent être traitées au sein du CAE – voir infra), comme de l’ensemble des dossiers horizontaux.
  • Il établit l’ordre du jour commenté du Conseil européen sur la base d’une proposition que lui soumet le président du Conseil européen, après concertation avec le président de la Commission ainsi que le chef d’État/de gouvernement de la présidence tournante et le haut représentant (voir supra).
  • Il examine les projets de conclusions et d’autres décisions du Conseil européen.
  • Le programme de travail de 18 mois du Conseil est soumis à son approbation.

Présence/représentation au CAG

Chaque État membre désigne son représentant au CAG. Pour le BENELUX, il s’agira d’un ministre dont les fonctions au sein de son gouvernement lui permettent de favoriser le rôle de coordination des politiques qui revient au CAG .

3. Le Conseil des affaires étrangères (CAE) et le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HR)

Le CAE élabore la politique extérieure de l’UE suivant les lignes stratégiques définies par le Conseil européen, il veille à la cohérence de l’action extérieure de l’Union. Le HR, vice-président de la Commission, préside le CAE. Il contribue par ses propositions à l’élaboration de la PESC et en assure la mise en œuvre ; il s’appuie sur le SEAE. En outre, il conduit au nom de l’Union le dialogue politique avec les tiers et exprime la position de l’Union dans les organisations internationales et au sein des conférences internationales. Pour assurer un large soutien à la PESC, il est toutefois important de garantir la responsabilité, la participation et la visibilité des ministres des Affaires étrangères.

Afin de garantir la cohérence de l’ensemble de l’action de l’Union, il revient au HR d’agir en concertation avec la présidence semestrielle de l’Union, notamment lors de l’élaboration des ordres du jour provisoires du CAE. Il est à cet égard rappelé qu’au titre de l’article 30 TUE, chaque État membre peut saisir le Conseil de toute question relevant de la PESC.

Le HR peut proposer au CAE de nommer et mandater un représentant spécial.

Ordre du jour du CAE :

  • Il est responsable de la conduite de l’ensemble de l’action externe de l’Union européenne, à savoir la PESC/PESD.
  • Les questions commerciales relatives aux pays tiers sont traitées et tranchées au sein du CAE (tandis que les questions commerciales en rapport avec l’OMC sont traitées par le CAG, voir supra).
  • Les questions à forte implication pour la politique étrangère, comme l’ouverture ou la suspension de négociations d’adhésion, peuvent être traitées par le CAE à la demande d’un État membre.
  • La coopération au développement et l’aide humanitaire.

En cas d’empêchement du HR dans le CAE, la présidence du CAE est assurée à la demande du HR par un membre du Conseil.

La personne

Outre la présidence du CAE, le HR cumule deux casquettes. Il est chargé par le Conseil de mettre en œuvre la PESC/PESD et, en qualité de vice-président de la Commission, il est chargé des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. Enfin, il dirige le SEAE. Pour s’assurer que l’Union s’exprime d’une seule voix, le HR, le président du CE et la présidence tournante se concertent régulièrement, a fortiori en situation de crise. Le HR doit par conséquent disposer non seulement d’une vaste expérience de l’action communautaire dans le cadre de la PESC/PESD et de la politique étrangère de l’Union, mais aussi de qualités fédératrices.

4. Service européen pour l’action extérieure (SEAE)

Le service européen pour l’action extérieure doit permettre au HR de mener à bien ses principales missions, à savoir mettre en œuvre la PESC/PESD, entretenir les relations extérieures, de par sa position au sein de la Commission, et veiller à la cohérence de l’action extérieure. À cet effet, certains services du secrétariat du Conseil et de la Commission doivent être transférés sous l’autorité du SEAE, et des mécanismes de coordination effectifs doivent être créés avec les services restant sous l’autorité de la Commission ou du secrétariat du Conseil.

Composition et mandat

Le SEAE doit être mis en place progressivement. Cependant, le mandat du SEAE doit dès le début être clairement défini et indiquer l’objectif final à atteindre au terme de la période de transition qui doit se terminer dans les meilleurs délais. Il faudra aussi convenir des différentes étapes et du calendrier y afférent. Il reviendra au HR de faire une proposition à cette fin. Dans ce contexte, il faudrait identifier des mesures qui favorisent d’emblée l’unité, la cohérence et l’efficacité de l’action de l’Union.

En ce qui concerne les délégations de l’Union, nous devrions commencer par quelques expériences pilotes, par exemple Kaboul, Addis-Abeba et New York, où deux délégations distinctes (Conseil et Commission) existent actuellement l’une à côté de l’autre.

La décision de création du SEAE doit en outre comporter une clause de rendez-vous pour permettre l’évaluation du fonctionnement du SEAE au terme de quelques années. Si nécessaire, le mandat doit pouvoir être adapté sur la base de cette évaluation.

La définition du mandat du SEAE doit s’appuyer sur les principes suivants :

  • Le SEAE a une couverture géographique mondiale. Tous les bureaux de pays doivent être intégrés au SEAE, qui devient ainsi un service décloisonné (pas de doublon de bureaux de pays au sein du Secrétariat et de la Commission).
  • Dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure, certains autres aspects de la politique de coopération au développement devraient aussi être intégrés au SEAE (les bureaux de pays qui dépendent actuellement de la DG Développement). Le SEAE offre en effet davantage de possibilités de mener une politique européenne plus intégrée, comme par exemple dans le cas de la politique 3D. Il convient du reste de remarquer que des objectifs propres la coopération européenne au développement (lutte contre la pauvreté) ont été repris dans le traité, qui les présente comme objectifs de l’Union.
  • Enfin, un certain nombre de responsabilités thématiques doivent être confiées au SEAE, comme les missions civiles, les droits de l’homme et la non-prolifération.
  • Il n’est pas opportun d’ajouter le dossier Élargissement (ainsi que la programmation de l’instrument de préadhésion – IPA) aux attributions du SEAE, puisque les négociations d’adhésion sont menées exclusivement par la Commission.
  • Il en va de même en matière de politique commerciale. La coopération entre le SEAE et la DG Commerce devra cependant être systématisée.

En ce qui concerne la responsabilité des fonds et des programmes communautaires, il pourrait être indiqué de recourir à un modèle mixte :

  • Le HR est responsable de la programmation du financement de la politique de voisinage, de l’instrument de stabilité, du fonds pour les droits de l’homme et du budget PESC.
  • Le commissaire au Développement (et la DG Développement) sera responsable du FED et de l’ICD en étroite collaboration avec le HR. La mise en œuvre est confiée à EuropeAid et à ECHO.
  • Le SEAE soutient le HR et le commissaire au Développement dans leurs travaux de programmation.

Statut juridique du SEAE

Le HR, et donc aussi le SEAE, étant responsable des questions de budget et de ressources humaines, il est nécessaire que le statut juridique du SEAE lui garantisse une autonomie suffisante. Il importe en outre que SEAE soit doté d’une personnalité juridique fonctionnelle l’habilitant à agir autant que nécessaire pour l’exécution des missions prévues dans son mandat. Dans l’idéal, le SEAE sera financé sur le budget de l’UE, dans les limites fixées par les perspectives financières 2007-20013, au moyen d’une ligne budgétaire spécifique permettant de souligner le caractère sui generis du SEAE vis-à-vis de la Commission et du Conseil (administration, catégorie 5). Le SEAE doit être un service sui generis, lié à la fois au secrétariat du Conseil et à la Commission, sans toutefois ressortir à l’une de ces institutions.

Ressources humaines du SEAE

Le HR doit disposer dès son entrée en fonction d’une équipe de soutien composée de fonctionnaires issus du secrétariat du Conseil et de la Commission ainsi que d’un nombre réduit de diplomates des États membres. Cette équipe veillera aussi à la mise en place du SEAE. Une personne spécialement désignée devrait être en charge des aspects organisationnels et financiers de la création du service.

Au terme de la période de création, le SEAE doit être constitué à parts équitables de fonctionnaires du secrétariat du Conseil, de la Commission et d’agents détachés des services diplomatiques nationaux.