Le 5 octobre 2009, deux jours après l’issue positive du référendum irlandais, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, a présenté à Luxembourg, en même temps que ses homologues belge et néerlandais, un document du BENELUX sur la mise en œuvre du Traité de Lisbonne.
Il avait été décidé en juin 2009, lors de la réunion BENELUX à Luxembourg, d’élaborer un document commun qui devrait refléter la vision de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg sur un certain nombre d’aspects du Traité de Lisbonne qui doivent être clarifiés et précisés en vue de permettre son bon fonctionnement dès son entrée en vigueur.
La publication du document avait été annoncée début septembre 2009 lors de la visite à Luxembourg du ministre des Affaires étrangères belge, Yves Leterme. Le document, finalisé à la fin du mois de septembre, se situe dans la droite ligne des mémorandums que les trois pays ont élaborés à chaque fois que l’Europe entrait dans une nouvelle phase institutionnelle par la préparation ou la conclusion ou la mise en œuvre d’un nouveau traité. A chaque fois, ils documentaient leurs vues communes avec l’objectif d’influencer collectivement le processus d’intégration européenne. Cette fois-ci, c’est pour influencer les discussions du Conseil européen de fin octobre 2009 et les décisions de celui de décembre 2009 sur la mise en œuvre du traité de Lisbonne.
Comme l’a souligné le ministre Jean Asselborn dans la conférence de presse, les pays du BENELUX veulent, alors que le traité de Lisbonne modifie les institutions avec l’introduction d’un président du Conseil européen et celle d’un Haut représentant pour la politique étrangère, préserver et renforcer la méthode communautaire et maintenir l’équilibre institutionnel.
La méthode communautaire, cela veut dire qu’en ce qui concerne le processus législatif traditionnel, c’est la Commission qui propose, le Conseil et le Parlement qui sont les co-législateurs. L’équilibre institutionnel, cela veut dire qu’il faut tenir compte du passage avec le Traité de Lisbonne, du triangle institutionnel Commission-Conseil-Parlement européen vers un carré institutionnel Conseil européen-Commission-Conseil-PE.
Ce que le BENELUX veut, c’est que la réforme institutionnelle introduite par le nouveau traité renforce vraiment la cohérence, la continuité et la visibilité de l’UE. C’est pourquoi, les trois pays pensent que le rôle et les responsabilités du Président du Conseil européen, du Haut Représentant aux compétences élargies et du nouveau Service européen d’action extérieure (SEAE) et les interactions entre eux doivent être clairement définies.
Jean Asselborn a commencé par expliquer lors de sa conférence de presse ce que le président du Conseil européen n’est pas. "Il n’est pas le président de l’Europe. Il n’est pas une instance de recours du Conseil qui n’aurait pas eu gain de cause dans le cadre du processus législatif communautaire. Il n’a pas à agir contre le président de la Commission. Il n’est pas le Conseil qui co-légifère. Il n’est pas, dans une UE qui compte trois puissants Etats membres, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, l’instance qui portera jusqu’au bout les idées d’un directoire. L’UE est une union d’Etats solidaires et égaux en droits." Jean Asselborn, pour illustrer son propos, a cité l’exemple de Tony Blair, président en titre du Conseil lors du deuxième semestre 2005, qui lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies "a réussi à ne pas citer l’UE qu’il présidait une seule fois".
C’est pourquoi le texte du BENELUX voudrait que le futur règlement intérieur du Conseil européen prévoie une coopération étroite et structurée entre le Président du Conseil européen, la Présidence semestrielle, le Haut représentant et la Commission dans la préparation et le suivi des travaux du Conseil européen. Il s’agit d’une véritable dynamique de coopération. D’où la définition retenue par les pays du BENELUX pour le profil de la personne : "Le président du Conseil européen a la stature d’un chef d’État ou de gouvernement. Il a démontré son engagement européen et a développé une vision sur l’ensemble des politiques de l’Union. Il est a l’écoute des États membres et des institutions et sensible aux équilibres institutionnels qui caractérisent la méthode communautaire."
L’actuel Conseil "Affaires générales et Relations extérieures" (CAGRE) est appelé à être scindé en deux.
Le Conseil "Affaires générales" (CAG) devrait être appelé selon les pays du BENELUX à assurer la cohérence entre les différentes formations du Conseil. Il sera présidé par la Présidence semestrielle du Conseil et devrait être composé de ministres dont les fonctions au sein de leurs gouvernements respectifs leur permettent de favoriser le rôle de coordination des politiques européennes. Il lui reviendrait entre autres d’établir l’ordre du jour commenté du Conseil européen sur la base d’une proposition que lui soumettrait le président du Conseil européen, après concertation avec le président de la Commission ainsi que le chef d’État/de gouvernement de la présidence tournante et le haut représentant.
Le CAG sera d’autant plus important dans la nouvelle architecture institutionnelle de l’UE qu’il sera capable d’être l’instance qui assure la cohérence de l’ensemble des travaux du Conseil, par exemple en arrivant à harmoniser des positions éventuellement divergentes entre les ministres de l’économie et de l’environnement. Mais si le CAG devait demeurer faible, l’autonomie du Président du Conseil européen s’en trouverait renforcée.
Le CAE élaborera la politique extérieure de l’UE suivant les lignes stratégiques définies par le Conseil européen. Il veille à la cohérence de l’action extérieure de l’Union. Ce sera le HR, vice-président de la Commission, qui présidera le CAE. Ce ne sera donc plus la Présidence semestrielle. Le HR contribuera par ses propositions à l’élaboration de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et en assurera la mise en œuvre. Il s’appuie sur le Service européen d’action extérieure (SEAE). Bref, il coiffera selon Jean Asselborn "de multiples casquettes".
Pour Jean Asselborn, il est peu probable que la politique étrangère de l’UE change fondamentalement dans les prochaines années, c’est-à-dire pour lui tant que l’UE ne sera pas représentée en tant que telle au Conseil de sécurité de l’ONU ou au G7. Conséquence : les Etats membres continueront à mener leur politique étrangère. Pour assurer donc un large soutien à la PESC, les pays du BENELUX estiment donc qu’il est "important de garantir la responsabilité, la participation et la visibilité des ministres des Affaires étrangères". Sinon, pas de consensus au Conseil, pas de mandat pour le HR, pas de PESC qui vaille.
Le Haut Représentant sera assisté d’un service européen pour l’action extérieure qui l’aidera à mener à bien ses principales missions. Le SEAE devrait être composé, selon le BENELUX, à part équitables de fonctionnaires du secrétariat du Conseil, de la Commission et d’agents détachés des services diplomatiques nationaux. Le Conseil européen d’octobre – qui devrait en principe désigner le futur Haut Représentant – devrait aussi arriver un accord sur un cadre général pour le SEAE qui permettrait au futur HR d’élaborer sa proposition en vue de l’établissement du service.
"Le SEAE ne se substituera pas aux ambassades", a toutefois souligné Jean Asselborn. Il conduira par contre à un pooling (ou mise en commun) des services actuellement dépendants de la Commission (DG Relex) et du Secrétariat Général du Conseil (Unité politique), la Commission étant présente dans 130 pays. Dès l’entrée en vigueur du Traité, les délégations de la Commission et les délégations du Conseil deviendraient des délégations de l’Union sous l’autorité du HR.
Dans un premier temps, le SEAE devrait s’occuper principalement des aspects PESC/PESD. Toutefois, dans un souci de cohérence et en tenant compte de sa mise en place graduelle, d’autres activités pourraient lui être conférées. Le Luxembourg apprécierait ainsi qu’à terme la politique des visas et des fonctions consulaires puissent également être couverts par le SEAE.