Le 14 octobre 2009, le personnel des services du gaz et de l’électricité de la ville de Luxembourg sont entrés en grève d’avertissement pour s’opposer au vote du projet de loi 5846 – une conséquence indirecte de la directive européenne concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité - prévu le même jour à la Chambre des députés. La veille, les agents des services communaux avaient suivi l’appel des syndicats FGFC, Landesverband, LCGB, NVGL et OGBL, pour manifester - en vain - devant la Chambre pour que le projet de loi en question soit enlevé de l’ordre du jour de la séance parlementaire du 14 octobre 2009.
Lors de la manifestation du 13 octobre 2009 devant la Chambre, Justin Turpel du FNCTTFEL a souligné que, contrairement à ce que le député-maire de la ville de Luxembourg avait déclaré la veille, "les grèves d’avertissement sont depuis toujours légales au Luxembourg" et que "ce droit est ancré dans notre constitution". Les manifestants se sont également montrés prêts à être solidaires et à ne pas "se laisser dépourvoir de leurs droits syndicaux".
Le 8 octobre 2009, le personnel concerné avait déjà manifesté contre le projet de loi 5846, qui prévoit la mise à disposition d’agents communaux, et plus spécifiquement du personnel des réseaux d’énergie des villes de Luxembourg et d’Esch-sur-Alzette, à des sociétés privées opérant dans les domaines de l’électricité et du gaz. Ce jour-là, la Commission parlementaire des Affaires intérieures, de la Grande Région et de la Police s’était réunie pour étudier cette question.
Le 14 octobre 2009, Tom Ecker, chef de service du réseau d’électricité de la ville de Luxembourg, solidaire de la grève, a expliqué sur les ondes de RTL Radio ce qu'étaient pour lui les enjeux du projet de loi 5846 : "Les changements se feront surtout sentir chez les citoyens de la ville de Luxembourg. Actuellement, les réseaux d’électricité et de gaz appartiennent à la ville et à ses citoyens. Ces réseaux vont être vendus progressivement à un conglomérat international plus ou moins obscur, c’est-à-dire que ce qui appartient aujourd’hui aux citoyens, va être vendu sans qu’ils aient un mot à dire. Peu à peu, les citoyens vont perdre le contrôle sur les réseaux. Actuellement, un appel chez le bourgmestre suffit, et nous essayons de résoudre le problème. Par contre, si les réseaux sont aux mains d’une entreprise privée, ce ne sera plus possible".
Tom Ecker a tenu à souligner que la fourniture de gaz et d’électricité serait bien évidemment assurée et qu’une permanence resterait en place pendant toute la journée, parce que "nous ne voulons pas embêter les gens". Et d’ajouter : "D’Luuchten bleiwen also un". Cependant, si le projet de loi serait voté, a expliqué Tom Ecker, la procédure officielle de grève serait démarrée "avec toutes les conséquences que cela peut avoir".
Lors de la grève, le personnel des services de gaz et d’électricité de la ville de Luxembourg ont défilé dans les rues de la capitale avant de se rendre devant le palais grand-ducal, où les travaux de préparation étaient en cours pour la visite d’Etat de la présidente d’Irlande. Pour Justin Turpel, c’était une bonne occasion de "montrer à la présidente d’Irlande que la libéralisation de l’Union européenne ne fonctionne pas et que nous nous y opposons". Et d’ajouter qu’elle "pourrait emporter le message en Irlande pour que les mêmes bêtises n’y soient pas commises".
Dans le cadre de la libéralisation du marché de l’énergie, prévue par une directive de la Commission européenne, la ville de Luxembourg a créé la société d’énergie LEO S.A. pour l’achat et la vente de l’énergie. La gestion du réseau, par contre, est assurée par les 150 agents communaux des services du gaz et de l’électricité de la ville.
Parallèlement, Esch-sur-Alzette a créé la société Südstroum, à laquelle elle a concédé la gestion de son réseau d’électricité, l’entretien du réseau étant assuré par la ville d’Esch qui loue ce service à Südstroum.
La ville de Luxembourg, qui dispose de son propre réseau de gaz et d’électricité, a l’intention de confier à l’avenir la gestion de ses réseaux d’énergie à la société de droit privé Creos, successeur de la Compagnie Grand-Ducale d'Électricité du Luxembourg, Cegedel. Les agents communaux craignent que ce soit seulement une question de temps avant que l’achat et la vente d’énergie passent aussi aux mains de Creos.
Dans ce cadre, le projet de loi 5846 envisage que des agents communaux des villes de Luxembourg pourraient être "mis à disposition" de sociétés de droit privé, en l’occurrence Creos, ayant repris des activités dans les domaines de l’électricité et du gaz suite à la libéralisation du marché de l’énergie. Le projet de loi différencie en effet entre les communes qui ont été en mesure de créer leurs propres sociétés, à savoir les villes de Luxembourg et d’Esch-sur-Alzette, et les autres communes qui louent ou vendent leur réseau à une société privée.
Le personnel communal concerné s’oppose à de telles mesures dont il pense qu’elles remettent en question le statut du fonctionnaire communal. Parallèlement, il craint que des emplois stables du secteur communal ne soient remplacés peu à peu par des emplois du secteur privé, et que cela nuirait en fin de compte à la qualité des services fournis aux citoyens.
En outre, le personnel tient à rappeler que des expériences douloureuses de libéralisation ont été faites à l’étranger et notamment en Allemagne, où les communes sont en train de "recommunaliser" la gestion de leurs réseaux d’énergie. La conclusion des grévistes: il faut bien avoir des partenaires pour la fourniture d’énergie à un prix raisonnable. Par contre, ils disent que pour gérer un réseau, une commune n’a pas besoin de partenaires, qu’"il n’y a d’ailleurs aucune contrainte légale pour imposer la création d’une société privée pour la gestion d’un réseau communal".
En marge de la grève du personnel de ses services du gaz et de l’électricité, la ville de Luxembourg a donné une conférence de presse le 14 octobre 2009, pour exposer son point de vue. Le bourgmestre Paul Helminger, qui avait déclaré la veille qu’une grève serait illégale et que les agents communaux risqueraient des sanctions, a expliqué à cette occasion que "si la ville de Luxembourg ne se lance pas dans une société privée avec les grandes entreprises du secteur, elle sera écrasée". Pour le personnel concerné, il n’y aurait pas de changements. "Ces personnes gardent tous leurs droits - la rémunération, la carrière, le droit disciplinaire – en cas de transfert vers une société privée."
Dans d’autres mots : la ville restera leur patron. L’entreprise sera de deux tiers aux mains du secteur public. Concernant le statut des fonctionnaires communaux, Paul Helminger n’est cependant pas d’avis que le nombre de ceux-ci doit rester constant, voire augmenter.
Malgré toutes les manifestions, le projet de loi a finalement été voté avec 54 voix pour et 5 voix contre.