Le 6 octobre 2009, l’Institut de la Grande Région (IGR) a organisé à Metz un entretien de la Grande-Région consacré à la coopération interuniversitaire. Acteurs de terrains, élus, étudiants et citoyens intéressés par la question étaient venus nombreux pour participer à une après-midi de discussions et d’échanges sur un thème que tous se sont accordés à trouver primordial pour l’avenir de la Grande-Région.
En guise d’introduction à cet entretien de l’IGR qui, pour la première fois se tenait à Metz, Richard Lioger, premier adjoint au maire de Metz chargé de l’Urbanisme, des Affaires européennes et du Tourisme, a tenu à présenter la stratégie de la ville de Metz en matière de coopération transfrontalière au sein de la Grande Région. Un espace de vie et de développement que le professeur messin se dit impatient de voir construire même si c’est parfois difficile sur le plan politique comme en témoignent les difficultés, côté français, à parler d’une seule voix sur le dossier Belval.
La stratégie messine se base dans un premier temps sur le réseau de villes Quattropole qui, grâce à des rencontres régulières entre les maires des villes de Luxembourg, Metz, Sarrebruck et Trèves, permet d’aborder des dossiers essentiels pour la structuration de la Grande Région et ce notamment en termes de métropolisation. Un autre projet transfrontalier auquel participe la ville de Metz, Lela +, regroupe Arlon, Esch/Alzette, Longwy, Luxembourg et Thionville, un territoire qui correspond aussi à l’espace de circulation des frontaliers. Ce réseau de villes plus petites mène des opérations qui servent concrètement aux frontaliers qui témoignent de la réalité de la construction de l’espace de la Grande-Région.
Pour Richard Lioger, il va de soi que les villes et les réseaux de villes sont engagés dans la construction d’un espace de coopération transfrontalière interuniversitaire et Metz a d’ailleurs apporté sa contribution au projet Interreg IV A Université de la Grande Région. A ses yeux, la qualité de la recherche doit être le fer de lance de cette université de la Grande Région. Et cet espace est pour lui pertinent en termes de développement d’une recherche de qualité dont le travail de valorisation doit être basé sur des liens avec le monde industriel, mais aussi en termes d’attractivité. Car du fait de la baisse de la démographie étudiante en France et des difficultés rencontrées par de nombreux laboratoires de recherche à recruter des jeunes chercheurs qui leur préfèrent des métiers plus rémunérateurs, il est pour lui nécessaire d’attirer des étudiants étrangers dans la Grande-Région. Et cela passe aussi par une facilitation de la circulation au sein de cet espace, y compris par l’intermédiaire de bourses.
Vincent Meyer, vice-président des relations internationales de l’Université Paul Verlaine de Metz, s’est pour sa part réjoui du soutien actif dont faisait preuve la ville de Metz à tous les développements en faveur de la coopération au sein de la Grande Région et en particulier dans le domaine universitaire. Le projet d’université de Lorraine, qui offre une vision coordonnée d’un territoire universitaire, prend place aux côtés du projet d’université de la Grande Région (UGR), lequel est à ses yeux un des projets les plus prometteurs et les plus fédérateurs. Les objectifs de l’UGR, il les résume en trois mots clefs : fédérer, structurer et innover. Et la pertinence du projet est évidente au vu de l’effet qu’il fait quand il le présente au-delà des frontières de l’UE, en Chine par exemple. Seule ombre peut-être à l’attractivité du dispositif qui est en cours de développement, c’est finalement le nom de "Grande Région", un intitulé qu’il est difficile de comprendre et d’appréhender quand on se place à l’autre bout du monde.
Claude Gengler, vice-président de l’IGR, s’est attaché à présenter en quelques mots le projet Interreg IV A d’Université de la Grande Région qui a été lancé en avril 2009 mais dont le dossier reste selon lui nébuleux tant pour le grand public que pour une grande part des intéressés. Ce projet, il le qualifie à la fois d’aboutissement de 40 ans de coopération au sein de la Grande Région, de 25 ans de coopération interuniversitaire dans le cadre de la Charte de coopération universitaire, et de nombreuses autres initiatives développées au sein des universités de la Grande Région. Mais ce projet est aussi un point de départ, la coopération interuniversitaire étant finalement à terme un "must" dans un système globalisé où la concurrence est de plus en plus rude.
Sonja Karb, chargée de coordination à l’Université de la Sarre, et Caroline Coquelet, chargée de projet à l’Université Paul Verlaine de Metz, ont alors présenté le projet Université de la Grande Région qui est cofinancé dans le cadre du programme Interreg IV A Grande Région pour une durée de 3 ans.
Pour Sonja Karb, cet espace de l’enseignement supérieur est promis à un brillant avenir. Il rassemble 7 universités – les universités de Liège, Luxembourg, Metz, Nancy et de la Sarre étant les 5 partenaires du projet, et les universités de Trèves et Kaiserslautern y prenant part en tant que partenaires méthodologiques -, 5 entités régionales ou nationales et travaille en 3 langues. Et, comme l’explique la jeune femme, il va de soi que chacune des universités impliquées, - et elle prend naturellement l’exemple de l’Université de la Sarre, - ne peut que gagner en attractivité grâce à ce réseau de 7 universités.
Le projet ne part pas de nulle part et il n’est possible que grâce aux fruits des nombreux efforts déjà engagés de longue date, comme la Charte de coopération universitaire, le processus de Bologne ou encore l’étude "Vision d’avenir 2020". Le principe est que chacune des universités partenaires garde ses spécificités et bénéficient des complémentarités offertes par l’ensemble des autres membres de cet embryon de réseau.
Ainsi que l’explique Caroline Coquelet, ce projet répond dans un premier temps aux objectifs du processus de Bologne qui est de créer un espace commun pour l’enseignement supérieur et la recherche. Il s’agit donc de faire en sorte que la mobilité devienne le quotidien pour tous, tant étudiants, chercheurs, enseignants que personnels administratifs, mais aussi de créer des études et des diplômes transfrontaliers, de mettre en réseau les chercheurs et de faire naître enfin un sentiment d’appartenance commun en vivant les langues et les cultures des partenaires.
Approuvé en septembre 2008 par le comité de sélection du programme Interreg IV A Grande Région et lancé le 30 avril 2009 à Sarrebruck, le projet est doté d’environ 6 millions d’euros pour 3 ans. Si l’UE apporte un cofinancement à hauteur de 50 %, les 5 universités partenaires elles-mêmes et leurs régions respectives contribuent elles aussi au financement de ce projet d’envergure.
Une première phase a permis d’esquisser un plan de travail qui se structure autour de 5 modules ou axes thématiques, chacun d’entre eux étant piloté par deux universités.
Il s’agit tout de créer de la durabilité, l’objectif étant que la future université de la Région continue de vivre à l’issue du projet Interreg et se pérennise d’ici 3 ans sous la forme d’un réseau ou d’une union des établissements d’enseignement supérieur. C’est ce à quoi vont s’atteler les universités de la Sarre et de Liège.
La mobilité est le 2e module développé par l’université de Luxembourg et l’Université Paul Verlaine de Metz, l’objectif étant d’encourager la mobilité de tous, la reconnaissance mutuelle des diplômes et de créer un supplément "UGR" aux diplômes. Il s’agit aussi de faciliter les démarches administratives, en créant par exemple un formulaire d’inscription commun très utile dans le cas notamment des cursus trinationaux qui existent déjà, ou encore la vie étudiante de façon plus générale en mettant en place des cartes d’étudiant, de restauration universitaire, de bibliothèque ou encore de transport qui puissent être utilisées dans toutes les universités partenaires.
La question de la lisibilité et de la visibilité de l’offre de formation est au cœur du troisième module dans le cadre duquel il va dans un premier temps falloir opérer un recensement de l’offre de formation des universités partenaires. Il s’agira ensuite, pour les universités de Metz et de la Sarre qui pilotent cet axe de travail, de développer l’offre transfrontalière et aussi de mettre en réseau les bibliothèques universitaires.
Les universités de Nancy et de Luxembourg vont s’attacher à renforcer l’excellence scientifique des universités de la Grande Région dans le cadre d’un quatrième module consacré à la recherche. L’idée est de donner une dimension européenne à la formation doctorale au sein de l’UGR, de coordonner les investissements dans les équipements de recherche les plus lourds, mais aussi de soutenir des séminaires, universités d’été, ou encore de créer un annuaire des chercheurs afin de favoriser à terme leur mise en réseau.
Le 5e et dernier module, piloté par les universités de Liège et de Nancy, a pour mot d’ordre l’ouverture. Il s’agit là d’une part d’ouvrir l’université de la Grande Région aux nombreux autres établissements supérieurs de la Grande Région en développant avec eux des partenariats, mais aussi de veiller à rendre plus attractive l’UGR au-delà des frontières mêmes de la Grande Région. Et le travail va commencer très bientôt puisque l’UGR sera présente à Strasbourg pour le Salon européen de l’étudiant et de recrutement organisé par le Forum franco-allemand les 13 et 14 novembre 2009. Quant au projet de mettre en place des partenariats – qui peuvent prendre par exemple la forme de cotutelles de thèses ou d’échanges d’étudiants, - un premier rendez-vous est fixé à Liège à la fin du mois d’octobre 2009 où une journée de l’UGR, à laquelle sont conviés des représentants des établissements d’enseignement supérieur, permettra d’offrir une plate-forme d’échanges et l’occasion de commencer à recenser les possibilités de partenariats.
L’ensemble du projet s’articule autour de mesures structurantes et de mesures pilotes s’appuyant notamment sur les exemples de bonnes pratiques développés jusqu’ici.
Pour Caroline Coquelet, les premiers résultats sont déjà là, comme en témoigne la création de comités d’experts sur des questions telles l’offre de formation, la bibliothèque virtuelle commune, la communication ou encore la recherche. Un portail Internet, encore temporaire, permet de donner de la visibilité au projet, tandis qu’une charte graphique commune a d’ores et déjà été adoptée. Et l’UGR se montre dans les différents salons étudiants de la région.
Les questions soulevées par l’assistance étaient nombreuses, les uns tenant à mieux comprendre si cette université en serait bien une ou plutôt un réseau, les autres soulignant les difficultés liées aux différences linguistiques, quand d’autres s’inquiétaient de la place que prendraient les lettres et les sciences humaines dans cet espace de la recherche. Car il fut souvent question de valorisation de la recherche et de relations avec le monde économique et industriel, et le rôle que peuvent jouer les réseaux d’anciens étudiants, à l’exemple de celui de Liège, en termes de promotion de l’université a été souligné.
Gilbert Krausener, membre du Conseil économique et social de Lorraine, Jean-Pierre Finance, président de l’Université Henri Poincaré à Nancy et Mireille Gazin, conseillère de la Communauté urbaine du Grand Nancy, se sont attachés alors à présenter et à discuter du projet d’Université de Lorraine qui s’inscrit dans le cadre du plan Campus lancé en France avec l’objectif de créer 12 pôles universitaires d’excellence de niveau international.
Pour les trois intervenants, il va de soi que le sort de la Lorraine dépend de la sa capacité à faire émerger un espace d’enseignement supérieur et de recherche de qualité.
Le projet d’Université de Lorraine, s’il s’inscrit dans la même dynamique que le projet d’UGR, diffère de ce dernier du point de la vue de la gouvernance qui est envisagée. En effet il s’agit là, à terme, - et Jean-Pierre Finance évoque comme horizon 2012 -, de fusionner les 4 universités qui existent en Lorraine au sein d’un établissement unique.
Cette nouvelle université aurait une taille encore gérable, avec environ 155 000 étudiants, et constituerait un outil permettant de mutualiser les services et les stratégies de développement en termes de formation et de recherche. Dans un premier temps, les 4 universités vont coexister avec cette 5e université qui sera appelée à "absorber" les autres d’une certaine façon plus avant, alors que toutes vont participer à la définition du mode de gouvernance dans les prochains mois.
Cet outil permettra de procéder mieux encore au travail déjà engagé de coordination en matière d’offre de formation, de création de collèges doctoraux communs, de définition des 9 grands secteurs de recherche en partenariat avec les collectivités locales, car, comme le souligne Mireille Gazin, ces dernières participent à cette structuration qui relève aussi de l’aménagement du territoire. Logement, transports, équipements et nombreux aspects de la vie étudiante sont en effet pris en compte dans ce grand projet.
Le défi majeur qu’aura à relever l’Université de Lorraine, ce sera, pour Jean-Pierre Finance, d’être capable de tenir deux objectifs à la fois, à savoir faire d’elle un pôle d’excellence internationale tout en gardant ses fonctions d’université de proximité et en veillant donc à ce que l’accès à l’université reste démocratisé.
Hacène Lekadir, conseiller municipal de la ville de Metz délégué à la vie étudiante, a tenu à souligner l’importance de cet aspect souvent peu pris en compte au sein des universités. Il serait à ses utile de prendre exemple sur le conseil local de la vie étudiante de la ville de Metz pour créer une structure de ce type à l’échelle de la Grande Région, l’objectif étant de faire en sorte que les étudiants se sentent bien, s’approprient cette idée d’UGR et lui donnent une dimension concrète.
Etienne Mangeot, président de la section "Lorraine" de l’Union des Etudiants de la Grande Région (UDEG) et aussi responsable départemental des Jeunes Populaires de Meurthe et Moselle, la section jeunes du parti du Président Sarkozy, a présenté cette association lancée le 9 mai 2009 à l’occasion de la Journée de l’Europe. Le paysage universitaire est en pleine redéfinition en Lorraine et dans la Grande Région et cette transformation est selon lui méconnue des étudiants qui ne connaissent d’ailleurs pas mieux la Grande Région. L’association créée entend répondre à cette nécessité d’informer les étudiants et de les impliquer dans les projets en cours. Le jeune homme est convaincu qu’il faut suivre la méthode Monnet pour construire la Grande Région en créant de la solidarité pour que le reste suive. Et pour lui, le savoir et la technologie sont le charbon et l’acier d’hier : il faut donc faire la Grande Région par l’université.
L’UDEG a donc pour rôle d’une part de représenter les étudiants et d’autre part d’être un laboratoire d’idées au service de l’UGR, et 2 groupes de travail planchent d’ores et déjà sur le concept d’éco-campus et sur l’accès des étudiants à la culture. L’UDEG est organisée sur la base de trois associations actives en Lorraine, au Luxembourg et en Wallonie, l’objectif étant de couvrir à terme l’ensemble des entités de la Grande Région. Si cette association d’étudiants qui se déclarent profondément européens n’en est qu’à ses balbutiements, elle a déjà à son actif un premier guide de l’étudiant lorrain qui prend en compte la dimension régionale de la vie étudiante et accorde quelques pages au projet d’UGR.
Serge Wilmes, conseiller parlementaire et président du CSJ, la section jeunes du parti du Premier ministre Juncker, a présenté pour sa part son idée de créer un "label Grande Région" qui pourrait être un outil mettant en évidence la coopération interuniversitaire au sein de la Grande Région. L’objectif serait de certifier l’excellence universitaire et la plus-value que constitue le caractère multilingue, mais aussi la qualité en termes de formation et de vie étudiante, des universités partenaires de l’UGR grâce à un label qui aurait aussi fonction d’instrument de marketing.
Pierre Fruitier-Roth, représentant des étudiants au niveau du Conseil de gérance de l’Université de Luxembourg et membre du LUS, qui fédère les différentes organisations de représentation des étudiants de l’université de Luxembourg, a expliqué le fonctionnement du parlement étudiant de cette université. Les enjeux de la vie étudiante vont du domaine académique jusqu’aux questions de la vie étudiantes, comme le logement ou la mobilité, et le parlement étudiant a pour ambition de répondre à ces attentes par l’intermédiaire de parlements de facultés, qui réunissent l’ensemble des étudiants de ces facultés, et d’un parlement étudiant du Luxembourg qui réunit les délégués élus au sein des facultés. Une double structure qui a le mérite d’impliquer les plus grand nombre possible d’étudiants et de répartir les compétences, les questions liées à la vie des facultés étant débattue au sein des parlements de faculté tandis que le parlement étudiant de Luxembourg peut débattre des questions plus générales liées à l’enseignement supérieur, la recherche ou l’interdisciplinarité. Au menu par exemple de ce forum qui est un lieu d’expression directe de la démocratie étudiante, l’assurance qualité de l’enseignement ou encore la condition sociale des étudiants.