Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE n’ont eu besoin que de deux heures pour prendre le 19 novembre 2009 à Bruxelles, lors d’un Conseil européen informel, la décision de nommer le Premier ministre belge Herman Van Rompuy président du Conseil européen et l’actuelle commissaire européenne en charge des questions commerciales, la Britannique Catherine Ashton, Haut représentant pour la politique étrangère.
Les deux personnalités ont été nommées par consensus.
Commentant la nomination d’Herman Van Rompuy, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a déclaré qu’il s’agissait là d’un bon choix et que lui et Herman Van Rompuy avaient les mêmes convictions européennes. Il est vrai qu’en octobre 2009, les deux Premiers ministres avaient endossé de concert avec leur collègue néerlandais Jan Peter Balkenende un mémorandum du Benelux dans lequel les gouvernements des trois pays exposaient en termes communs et univoques leur façon de voir les nouvelles fonctions créées par le traité de Lisbonne.
Dans son intervention prononcée lors de la conférence de presse qui a suivi sa nomination, Herman Van Rompuy a exposé sa façon de voir la fonction de président du Conseil européen, et celle-ci correspond à ce qui a été consigné dans le mémorandum Benelux. Europaforum.lu livre in extenso cette partie de son intervention, afin que l’on puisse se faire une idée des convictions d’un homme politique encore peu connu, mais qui a réussi, selon un mot de Jean Asselborn, "à remettre la Belgique sur les rails, ce qui est une des tâches politiques les plus difficiles en Europe" :
"Notre Union appartient à chacun d’entre nous. Elle n’est pas un jeu à somme nulle. L’Europe doit bénéficier à chaque Etat membre. Ce principe cardinal m’amène à une double ligne de conduite :
On a beaucoup débattu sur le profil du futur président des réunions du Conseil, mais il n’y a qu’un profil possible, celui du dialogue, de l’unité et de l’action. L’image du Conseil se construit par les résultats obtenus."
Pour Jean-Claude Juncker, le Premier ministre suédois Reinfeldt a proposé Herman Van Rompuy parce qu’il "rassemblait le plus grand consensus et qu’elle ne rencontrait aucun blocage". Il y aurait bien eu des avis contraires à la proposition suédoise, mais quand Jean-Claude Juncker a déclaré qu’en aucun cas il ne se présenterait contre son homologue belge, parce que "cela ne se fait pas entre amis et voisins", le débat fut clos, et la voie ouverte au consensus.
Jean-Claude Juncker, qui a été pour beaucoup un favori pour le poste de président du Conseil européen, a répondu avec détachement quand on lui a demandé s’il était déçu : "Quand on fait de la politique, il faut savoir que l’on peut rencontrer l’opposition de personnes, parfois de peu de personnes, mais précisément de celles qui comptent, et quand on est actif comme moi en Europe, on a à porter des responsabilités et à prendre des positions qui ne plaisent pas à tout le monde. Le vrai test en politique, ce sont d’ailleurs les élections. Et des élections, je n’en ai jamais perdues." Jean-Claude Juncker restera président de l’Eurogroupe jusqu’à la fin de son mandat et il restera un partisan toujours aussi fervent de l’UE.
Pour le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, Herman Van Rompuy " voit l’UE comme nous", et, "bien qu’il s’agisse d’un homme à l’apparence timide, il joue sur la finesse". Il a rappelé que les pays du Benelux ne voulaient pas d’un président du Conseil européen qui domine l’UE. "Beaucoup verront qu’il n’est pas juste d’aborder Herman Van Rompuy avec des préjugés. Ses qualités vont se révéler", a-t-il ajouté.
Une manière de s’inscrire en faux contre les critiques qui fusent et se surpassent dans la presse nationale et internationale. En témoigne la presse luxembourgeoise, où l’éditorialiste du Wort, Marc Glesener estime qu’une "chance a été ratée", tandis que, pour l’éditorialiste du Tageblatt, Danièle Fonck, "le perdant est l’Europe", et que pour Fabien Grasser, du Quotidien, la nomination de Herman Van Rompuy "risque de sonner le glas d’une Europe à laquelle les citoyens pourraient enfin s’identifier".
Jean Asselborn a néanmoins regretté que Jean-Claude Juncker n’ait pas été nommé, expliquant que "beaucoup étaient pour Juncker, mais certains étaient radicalement contre lui, alors que peu étaient pour Van Rompuy mais personne vraiment contre lui, et c’est ainsi que la décision l’a emporté". Le blocage de la France surtout aurait été "véhément". Ce qui a conduit Jean Asselborn à déclarer que ni le Président du Conseil européen ni le Haut représentant pour la politique étrangère n'allaient changer quelque chose au rapport de forces dans l’UE avant de conclure : "Si les grands pays sont décidés de refuser quelqu’un, ils imposent leur vision des choses. Elle nous désole un peu, cette Europe où dominent les grands et où il devient difficile de défendre nos positions".
La surprise fut la nomination de Catherine Ashton au poste de Haut représentant à la politique étrangère. "Je ne la connais pas, comme la plupart de mes collègues", a déclaré Jean Asselborn, "mais elle a fait du bon travail et je me réjouis de travailler avec elle".
Après avoir joué la carte Blair jusqu’au bout, les Britanniques ont réussi, par un spectaculaire revirement, à mettre d’accord les chefs de gouvernement sociaux-démocrates, qui revendiquaient ce poste pour leur sensibilité politique, sur le nom de l’actuelle commissaire européenne en charge des questions commerciales. Catherine Ashton, qui sera à la fois au service du Conseil dont elle présidera le Conseil "Relations extérieures" et vice-présidente de la Commission européenne, a déclaré que "travailler à la fois pour le Conseil et la Commission sera un défi, et être la première à ce poste est aussi un défi. J’ai été la première commissaire européenne du Royaume Uni, ensuite la première commissaire en charge des questions commerciales, et maintenant la première femme à ce poste".
Catherine Ashton, qui est économiste de métier, est membre de la Chambre de Lords britannique où elle représente le parti travailliste. Catherine Ashton a été présidente de la Chambre des Lords pour laquelle elle a été responsable de l’examen du Traité de Lisbonne. Elle est née en 1956 à Upholland en Grande-Bretagne et porte le titre de Baronne de Upholland.