A l'occasion du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, le Bureau d'Information de Luxembourg du Parlement européen a organisé le 9 novembre 2009 une conférence-débat avec le député européen Charles Goerens à l'Athénée de Luxembourg. 130 élèves des classes de 2e et leurs professeurs ont assisté à la conférence qui s’est articulé autour de la question "La chute du mur de Berlin, quelle Europe 20 ans après?".
Après que les élèves ont regardé un film de la Commission européenne sur la chute du Mur de Berlin, c’est le directeur de l’Athénée, Jos Salentiny, qui a fait une introduction du sujet. Il a parlé de la chute du Mur comme d’un moment magnifique auquel personne ne s’attendait et dont personne n’avait cru qu’il arriverait si vite. Si ses élèves n’étaient pas encore nés en 1989, Jos Salentiny pense que les personnes qui ont vécu ce moment s’en souviennent très bien. Mais qu’est-ce qui reste aujourd’hui de cette grande euphorie ? L’Allemagne a-t-elle surmonté les évènements de 1989 ? Qu’en est-il des attentes et de la nouvelle liberté ? Et comment gère-t-elle les différences qui persistent entre Est et Ouest ? Tant de questions auxquelles Charles Goerens a essayé d’apporter des éléments de réponse.
En guise d’introduction, Charles Goerens a fait le récapitulatif des événements d’après-guerre jusqu’en 1989. Un monde divisé en deux blocs par le rideau de fer, l’Ouest sous l’influence des Etats-Unis, l’Est sous celle de l’Union soviétique. Berlin, la capitale allemande, elle-aussi divisée, mais en quatre secteurs et, à partir de 1961, sillonnée par un mur. Charles Goerens juge la Guerre froide et la course aux armements qui l’accompagnait de "totalement absurde". Le député européen a également abordé la coexistence pacifique, qui "connaissait de légers progrès et de grands reculs". En parallèle, il a cité les noms de personnes qui ont joué un rôle important dans ce contexte : Winston Churchill, Willy Brandt, Walter Scheel, Leonid Brejnev, Mikhaïl Gorbatchev.
Après la chute du Mur de Berlin, c’était une Europe d’une logique différente. Une Europe euphorique. Mais qu’est-qui se passerait avec Berlin ? Avec l’Allemagne ? Avec l’Europe ? Selon Charles Goerens, le président de la Commission européenne de l’époque, Jacques Delors, aurait très vite signalé au chancelier allemand Helmut Kohl sa volonté d’intégrer la République démocratique allemande dans la Communauté européenne. Mais lorsque l’Allemagne s’est réunifiée en octobre 1990, elle a dû faire face non seulement à une euphorie effrénée, mais aussi au scepticisme. "Les gens n’avaient pas de bons souvenirs de la Deuxième guerre mondiale", a expliqué Charles Goerens, "et ils redoutaient une Allemagne trop forte", notamment le Premier ministre britannique Margaret Thatcher et le président français François Mitterrand. En faisant allusion aux aspects intergouvernementaux et supranationaux qui caractérisent l’Union européenne depuis lors, Charles Goerens a expliqué que l’Allemagne voulait une Europe forte, une Europe fédérale, mais elle s’est heurtée entre autres à la résistance de la Grande-Bretagne.
Le député européen a souligné que "nous avons besoin de l’Europe pour assurer la paix qui n’était pas une évidence jusqu’en 1945 et qui a coûté la vie à plus de 100 millions de personnes au 20e siècle". Pour lui, l’acquis de l’Europe est la paix et la sécurité. Si on dit donc "plus jamais ça !", il faut aussi en assumer les conséquences, c’est –à-dire accepter l’existence d’une Union européenne dans laquelle tous les pays ont le même poids politique et sont considérés au même titre, "ce qui n’a pas été le cas auparavant".
Abordant l’émergence de la Chine comme puissance économique mondiale, Charles Goerens estime que les Etats membres de l’Union européenne doivent agir comme partenaires unis pour pouvoir affronter la concurrence sur le marché mondial. En parallèle, il pense que les systèmes économiques de tous les pays devraient être basés sur une économie sociale de marché, qui permet de maîtriser les dérives du capitalisme sauvage. Il pense qu’avec le nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama, il y a une chance réelle de limiter le "capitalisme brutal". Pour lui, il revient aux Etats-Unis et à l’Union européenne de s’en charger.
En tant qu’"acteur politique", Charles Goerens a d’ailleurs tenu à souligner que le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil ont raté l’occasion de faire du lobbying auprès de Barack Obama entre la date de son élection et celle de son entrée en fonction pour influencer ses décisions dans différents domaines.
Pour Charles Goerens, ce qui reste à faire 20 ans après la chute du Mur de Berlin, c’est avant tout d’essayer à éliminer les écarts sociaux de toute sorte et veiller à ce que les droits fondamentaux soient respectés. Et de conclure que "ceux, qui ont qualifié 1989 comme la fin de l’histoire, se sont trompés parce que l’histoire est là et elle a vraiment commencé en 1989."
A la question d’un élève comment l’Union européenne pourrait agir en tant qu’entité alors que certains pays veulent toujours défendre leurs intérêts nationaux, Charles Goerens a déclaré qu’il se considère comme un adepte de la méthode communautaire. Il pense que si certains pays ne veulent pas mettre en œuvre telle ou telle mesure, les autres pays doivent pouvoir continuer tout en laissant aux autres la possibilité de les joindre plus tard. Il a expliqué que cela compte notamment pour la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark en ce qui concerne l’adoption de l’euro. La coopération structurée, appelée encore coopération intégrée, prévue par les traités de l’UE, permettrait d’ailleurs à un groupe de pays d’aller plus loin dans certains domaines que les autres pays. Et de conclure que "si on attend à ce que chacun participe, on ne fait pas grande chose".
Expliquant que la méthode communautaire a été inventée en quelque sorte par Jean Monnet et Robert Schuman, Charles Goerens a souligné que cette méthode veut que tous les Etats membres prennent les décisions ensemble, et non pas seulement une partie d’entre eux.
En répondant à la question ce qu’on peut faire concrètement pour mettre en pratique cette méthode, le député européen a déclaré qu’il souhaite que Jean-Claude Juncker devienne le président du Conseil européen, parce qu’en tant qu’ "adepte de la méthode communautaire, il intégrerait tous les Etats membres de l’UE dans le processus décisionnel".
Abordant la question de la lutte contre le terrorisme et la traite des êtres humains, Charles Goerens a expliqué que l’Union européenne coopère très étroitement en matière de justice et d’affaire intérieures. Il a notamment cité le Système d’information Schengen (SIS), ainsi que l’acquis communautaire en matière des droits de l’Homme que tous les pays doivent accepter s’ils veulent adhérer à l’Union européenne. Il pense que la coopération dans ces domaines devient de plus en plus systématique, que beaucoup se passe en matière de justice et des affaires intérieures et que le dispositif s’améliore tous les jours. En matière de cyber-crime, il pense que l’éducation est le meilleur moyen pour apprendre à manier ce média et pour se protéger contre des abus. Il pense aussi qu’il revient aux décideurs politiques de surveiller, reconnaître des dangers et prendre des précautions en cette matière.
En faisant référence au massacre de Srebrenica de 1995, le député européen estime que l’Union européenne n’était pas prête pour réagir de façon adéquate. Mais il pense que l’UE a été une partie de la solution parce qu’elle a donné à la Hongrie, à la Bulgarie et à la Roumanie la perspective d’adhérer à l’UE, ce qui a permis d’éviter une situation de crise dans cette région de l’Europe de l’Est. Abordant l’année 1914, où un conflit aux Balkans a déclenché la Première guerre mondiale, il a conclu que "cette fois-ci, c’était donc bien que l’Union européenne était là" pour qu’une telle chose a pu être évitée.