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Parlement européen
Ramona Coman et Cristina Stanculescu - Roumanie : des élections européennes marquées par un certain désenchantement démocratique
12-12-2009


Cristina Stanculescu, Ramona Coman et Jean-Michel De WaeleA l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, Ramona Coman et Cristina Stanculescu, de l’Université Libre de Belgique, se sont pour leur part attachées à analyser les discours des partis politiques lors des élections roumaines en Roumanie.

L’objectif des deux politologues ? Observer la dimension européenne du scrutin en repérant les références à l’Europe et mesurer l’influence du contexte national sur le contenu des débats. Leur constat : l’Europe est présente, mais les attitudes des partis politiques à son égard sont façonnées par leur perception des difficultés de la démocratie roumaine. Et dans ce contexte, l’Europe apparaît comme la solution aux problèmes nationaux.

Les deux jeunes politologues ont analysé programmes et discours des quatre principaux partis qui avaient présenté un programme pour les élections européennes, ainsi que la presse écrite qui apparaît à la fois comme une arène, un espace de légitimation du politique, et comme un acteur dans la construction d’une matrice cognitive sur la place de la Roumanie en Europe. Leur démarche visait à analyser les "frames" des partis politiques, vus comme des "administrateurs de sens", sur l’Europe. Les "frames" permettent de comprendre les déterminants de l’action publique en suivant un processus d’attribution de sens en 4 étapes : définition d’un problème, identification de ses causes, élaboration de ses solutions et enfin attachement aux valeurs.

Pour Ramona Coman et Cristina Stanculescu, la campagne a été européenne, les trois quarts des sujets abordés ayant une connotation européenne. Cependant, elles notent l’absence de débats passionnés et le fait que le registre était plutôt informatif et pédagogique. L’explication qu’elles proposent ? Ces élections avait valeur de test électoral pour les partis et les analystes puisque les présidentielles étaient prévues quelques mois plus tard, et elles ont par ailleurs été marquées par des querelles politiques entre têtes de liste, des débats très personnalisés et des suspicions de fraude.

Les images de l’Europe qui ressortent de l’analyse menée par les deux politologues sont communes dans les discours des quatre partis étudiés. Ce qui prime, c’est tout d’abord l’idée, quelque peu idyllique, que l’Europe est une source de ressources financières illimitées, mais aussi une opportunité pour promouvoir des normes. Enfin, la fierté d’être roumain au sein de l’UE apparaît partout aussi, liée au sentiment de ses ressortissants d’être considérés comme des "citoyens de seconde zone". Par ailleurs, les élites politiques ne se perçoivent pas comme partie prenante du processus de prise de décision européen quand il s’agit de se prononcer sur l’avenir de la construction européenne, mais ils se représentent comme des acteurs importants quand ils promettent aux électeurs de promouvoir les intérêts de la Roumanie.

Finalement, l’Europe n’est pas perçue comme un "problème", mais comme la solution à de nombreux problèmes nationaux. Ainsi, le discours positif dur l’Europe est-il ancré dans un discours national plus large qui est marqué par une crise "généralisée". Pour montrer comment la dimension nationale s’imbrique dans les discours sur l’Europe, les deux chercheuses ont présenté le "frame" dominant pendant la campagne. Le problème défini, c’était l’état de l’Etat et de la démocratie, la cause identifiée, c’était la classe politique tandis que la solution, c’était l’Europe. Les valeurs qui en ressortaient c’étaient enfin le destin européen de la Roumanie et le changement. Une analyse qui conduit les deux politologues à parler de désenchantement démocratique.

Le discours sur l’Europe fut donc marqué par un certain décalage entre la Roumanie et l’Europe des anciens Etats membres, mais aussi par la défense d’intérêts économiques nationaux plutôt que par des modèles d’intégration européenne. Les deux politologues ont aussi relevé l’absence d’un modèle roumain de gouvernance qui serait menacé par l’intégration européenne. Ainsi, le soutien inconditionnel à l’Europe s’inscrit dans le contexte de la multiplication des lectures négatives sur le fonctionnement du régime politique roumain.