A l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, John Curtice, de la Strathclyde University, a évoqué les élections européennes sous l’angle de l’impopularité dont souffre l’UE en Grande-Bretagne.
Le système électoral britannique pour les élections européennes - qui n’inclut pas l’Irlande du Nord qui fonctionne sous un statut différent – est divisé en circonscriptions régionales et les résultats sont comptabilisés de manière proportionnelle selon le système d’Hondt.
La participation n’a jamais dépassé les 38 % - 34 % en 2009 - et les gouvernements en place ont, depuis 1984, toujours subi des pertes – normalement entre 8 et 14 % de leurs électeurs, mais 20 % en 2009. Le soutien au partis mineurs – les Verts, les indépendantistes écossais, les partis d’extrême droite British National Party (BNP) et United Kingdom Independent Party (UKIP) – ont fini par attirer sur eux plus d’un tiers des votes en 2004, mais plus de 42 % en 2009. L’électorat britannique est eurosceptique. Les citoyens de l’île sont seulement 22 % à avoir confiance dans l’UE, contre 47 % en moyenne dans l’UE. Ils sont seulement 28 % à penser qu’être membre de l’UE est une bonne chose, contre 53 % des autres Européens. Et ils sont seulement 34 % à penser que leur pays a bénéficié du fait d’être membre de l’UE, contre 56 % des citoyens du reste de l’UE.
Les partis sont allés aux élections européennes avec des postions bien définies. Le parti d’extrême droite BNP est anti-européen et en faveur d’une sortie de l’UE du Royaume Uni, tout comme l’autre parti d’extrême droite, l’UKIP, qui a prôné un référendum sur la question de la sortie de l’UE. Les conservateurs ont demandé un référendum sur le traité de Lisbonne, qui n’était pas encore entré en vigueur en juin 2009, traité qu’ils désapprouvent. Le Labour avait proposé un référendum sur le traité constitutionnel, mais avait à la fin fait passer le traité de Lisbonne au Parlement. Les verts, plutôt pro-européens, ont milité pour un Parlement européen aux pouvoirs renforcés. Les nationalistes écossais sont pro-européens, mais pour un Royaume Uni qui y donne plus de voix. Les libéraux démocrates sont traditionnellement pro-européens mais échaudés, et donc en faveur d’un référendum sur l’adhésion à l’UE.
Les élections de 2009 se sont tenues dans un contexte bien particulier. Le même jour, il y eut des élections locales dans une grande partie de l’Angleterre. La crise financière, qui touchait tous les secteurs de l’économie, battait son plein. Le gouvernement travailliste était profondément impopulaire et, selon les rumeurs qui couraient, le Premier ministre Gordon Brown allait être déposé. Finalement, juste au début de la campagne, le 8 mai 2009, éclatait le scandale sur les dépenses spéciales des députés. Ce scandale eut pour conséquence de déclencher la fureur du public et des médias, qui s’en sont pris à tous les partis, de sorte que la campagne pour les élections européennes n’eut que peu de visibilité, opinion publique et acteurs politiques étant occupés par autre chose.
Ces circonstances étaient le meilleur terrain pour que les partis non représentés au Parlement puissent rafler des voix. Pour la première fois, la confiance dans le Parlement européen, qui n’a jamais dépassé les 35 %, fut, avec 22 %, un taux bien bas, plus forte que la confiance des Britanniques dans leur parlement national, confiance qui chuta à 17 %. Entre janvier et juin 2009, les intentions de vote pour les conservateurs sont tombées de 43 à 38 % et pour les travaillistes de 32 à 21 %. Les intentions de vote pour les libéraux sont passés de 15 à 18 %, et celles pour les autres partis de 10 à 23 %. A la fin, les conservateurs ont remporté 27.7 % (+1.0), l’UKIP 16.5 % (+0.3), le Labour 15.7 % (-6.9), les libéraux démocrates 13.7 % (-1.2), les Verts 8.6 % (+2.4), le BNP 6.2 % (+1.3), les nationalistes écossais 2.9 % (+0.8) et les autres formations 8.7 % (+2.3), mais aucun siège pour ces derniers.
La "petite" formation la plus significative, l’UKIP, a augmenté son électorat auprès des indépendants à faible revenu, et elle a étendu son influence vers le nord de l’Angleterre, où elle a fortement mordu sur les électorats des grands partis.
Conclusion de John Curtice : Les élections européennes ont montré encore plus qu’avant qu’elles étaient des élections de second ordre, et le vote anti-européen paraît refléter, du moins en partie, des considérations de politique intérieure, comme un vote de protestation contre le gouvernement.