A l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, Pascal Delwit, professeur en science politique de l’Université libre de Belgique, s’est attaché pour sa part à dresser le bilan d’une élection européenne délaissée en Belgique.
Dans un premier temps, il a pris soin de présenter le contexte institutionnel belge où le vote est obligatoire, où le scrutin, comme pour toutes les élections belges, se fait à la proportionnelle, et où les listes sont semi-ouvertes, ce qui permet aux électeurs de choisir les candidats au sein de la liste.
Par ailleurs, la spécificité du paysage politique belge fait qu’il n’y a pas de partis nationaux et qu’il n’y a pas une élection européenne, mais trois élections qui correspondent aux trois collèges électoraux – flamand, francophone et germanophone – répartis dans les 4 circonscriptions électorales du royaume.
En 2009, le nombre de sièges à pourvoir était en diminution et la nouvelle répartition des sièges était la suivante : 13 (- 1) pour le collège flamand, 8 (- 1) pour le collège francophone et 1, comme auparavant, pour le collège germanophone. Pour Pascal Delwit, la situation est paradoxale car il y a à la fois un gros enjeu pour les sièges et en même temps une quasi absence d’enjeu dans la mesure où de toute façon un parti pourra obtenir entre 2 et 4 sièges maximum et que les changements possibles sont de l’ordre de 1 siège.
Le contexte politique des élections européennes de juin 2009 était lui aussi particulier puisque le scrutin régional, qui a focalisé toute l’attention au point qu’on n’a pas parlé des européennes même le soir des résultats, était concomitant. Pascal Delwit a aussi évoqué une législature fédérale agitée ainsi que la crispation communautaire sur l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde.
Par ailleurs, si le scrutin a suscité l’intérêt en Flandre car il était fortement personnalisé – il opposait en effet les figures de Jean-Luc Dehaene et de Guy Verhofstadt -, il n’en fut rien dans le collège francophone où le scrutin était faiblement personnalisé, ce qui signifiait cependant aussi que les têtes de listes seraient en mesure de siéger au Parlement européen. Autre caractéristique de ce scrutin, l’absence de partis eurosceptiques principiels, c’est-à-dire hostiles au principe même de l’UE.
Le taux de participation a dépassé les 90 %, un chiffre "sans surprise" dans un pays où le vote est obligatoire comme l’a souligné Pascal Delwit, tandis que le taux de blancs et de nuls, assimilé à une forme d’abstentionnisme, atteignait 6,7 %, un taux qui est dans la moyenne habituelle, située entre 5 et 15 % pour les européennes.
Les résultats montrent, selon le professeur, que les deux familles politiques dominantes sont en cours d’érosion, socialistes (19,61 % des voix, 5 sièges) et démocrates chrétiens (19,62 % des voix, 5 sièges) n’arrivant pas à eux deux à rassembler 50 % des voix. Les libéraux ont eux aussi obtenu, avec 22,61 % des voix, 5 sièges. L’extrême droite, avec 11,18 % des voix et 2 sièges, a connu une défaite selon Pascal Delwit tandis que les Verts ont eux progressé, atteignant 13,05 % des voix et obtenant 3 sièges.
L’enjeu de l’élection dans le collège francophone était la compétition pour obtenir le statut de "premier parti", qui est finalement revenu au parti socialiste. Pascal Delwit a souligné l’excellente performance des Verts qui ont obtenu 22 % des voix auprès de ce collège. Dans le collège néerlandophone, les résultats des deux grands partis classiques étaient proches tandis que dans le collège germanophone, l’unique siège est revenu comme à l’accoutumée aux démocrates chrétiens, une situation qui ne pourrait changer que si les autres partis arrivaient à constituer un cartel électoral.
Au vu de l’analyse de la dynamique des voix de préférence accordées aux têtes de liste en 2004 et 2009, Pascal Delwit a relevé, côté francophone, que la tête de liste des démocrates chrétiens avait obtenu en 2009 nettement moins de voix qu’en 2004 alors que chez les Verts, a contrario, Isabelle Durant avait recueilli un bien plus grand nombre de voix que la tête de liste de 2004. Dans le collège électoral néerlandophone, le politiste a relevé la nette percée de la figure de Guy Verhofstadt par rapport à 2004 et, inversement, le recul du nombre de voix de préférence accordées à Jean-Luc Dehaene.
Pour Pascal Delwit, quand on compare les résultats des différents partis aux différentes élections, à savoir les fédérales de 2007, les européennes et les régionales de 2009, on se rend compte que les partis du pouvoir ne sont aucunement sanctionnés aux européennes, mais que la sanction est faite par les électeurs aux régionales. Et le politiste en conclut que les européennes ne sont de ce fait pas des élections de second ordre.
Certes les élections européennes sont passées inaperçues auprès des électeurs, des acteurs économiques et sociaux et des médias, même s’ils ont fait l’effort de se montrer pédagogues sur les questions européennes estime Pascal Delwit. Elles n’en sont pour autant pas des élections de second ordre, d’une part car le vote est obligatoire, et d’autre part car on n’observe pas de sanction à l’égard des partis au pouvoir, un phénomène qui s’observe plus souvent dans les pays où le pouvoir connaît une forte alternance.