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Parlement européen
Patrick Dumont et Astrid Spreitzer - Luxembourg : Divergence électorale entre législatives et européennes
11-12-2009


A l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009, qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, Patrick Dumont et Astrid Spreitzer, de l’Université de Luxembourg, ont évoqué la divergence électorale entre élections législatives et européennes au Luxembourg.

Plusieurs éléments caractérisent les élections européennes au Luxembourg. Depuis le début de leur tenue en 1979, elles ont eu lieu au Luxembourg en même temps que les élections législatives. Si quelqu’un voulait donc punir le gouvernement, il recourrait plutôt au scrutin européen pour s’exprimer. Au Luxembourg, le vote est obligatoire, une règle qui n’existe dans aucun autre pays de l’UE, sauf la Belgique. Alors que les législatives se déroulent dans quatre circonscriptions régionales, les européennes sont des élections à circonscription unique. Pour les élections de 2009, les conditions de participation des non-nationaux de l’UE avaient été changées. Deux ans de résidence au lieu de cinq étant désormais suffisants pour s’inscrire sur les listes électorales et ce seulement 3 mois avant le scrutin, au lieu d’un an. 7 % de non-nationaux. 50 % de plus de non-nationaux ont ainsi participé aux élections européennes par rapport au scrutin de 2004. Autre innovation : les listes de candidats ne comportaient plus que 6 candidats, pour 6 postes, au lieu de 12. Les grands partis – CSV, LSAP, DP et Verts - s’étaient accordés par ailleurs à ne pas présenter des candidats aux européennes qui couraient aussi pour les législatives.

Pour Patrick Dumont et Astrid Speitzer, le référendum sur le traité constitutionnel de juillet 2005 a constitué un traumatisme pour la classe politique luxembourgeoise, ce qui l’a conduit à valoriser la dimension européenne de la politique luxembourgeoise et à miser sur une plus grande attractivité des élections pour le Parlement européen. Mais, malgré cette approche, les budgets de campagne électorale ont été plutôt modestes. De même la couverture de presse des élections, qui était consacrée à 73 % aux élections nationales, à 19 % aux élections européennes et pour le reste aux deux élections ensemble.         

Les quatre grands partis en lice étaient perçus par les électeurs comme étant favorables à l’unification européenne (entre 6,8 et 5,2 points sur une échelle de 10 points), les petits partis de gauche et de droite comme opposés à cette unification (entre 3,3, et 2,3). Les chercheurs ont cependant constaté que les membres des quatre grands partis pensent beaucoup plus que leurs électeurs que leur parti est pro-européen. Des divergences entre le résultat national et le résultat européen d’un parti étaient donc inévitables. Le CSV, qui a fait 38 % aux nationales, avec à sa tête le Premier ministre Jean-Claude Juncker, n’a eu que 31 % aux européennes, avec en tête de liste la commissaire européenne Viviane Reding. Le LSAP a eu 21,6 % aux nationales  et 19,5 % aux européennes. Le DP par contre a fait avec 18,7 % aux européennes, mieux qu’aux nationales, où il est arrivé à 15 % seulement. Les Verts aussi ont dépassé, avec 16,8 % aux européennes, de loin leurs résultats aux nationales (11, 7 %).

Pourquoi ces divergences ? Une première hypothèse est que les électeurs ont punis les deux partis gouvernementaux CSV et LSAP. Mais les élections avaient lieu simultanément. Une deuxième hypothèse est que les électeurs ont considéré les élections européennes comme étant moins importantes, ce qui leur aurait permis de s’exprimer aux européennes de manière plus "sincère", en votant pour un parti plus proche de leurs convictions, alors que leur vote aux nationales a été plus conditionné par des considérations "stratégiques".  Les Verts et le DP ont eu seulement 55 respectivement 60 % d’électeurs "loyaux", tandis que le LSAP avec 92 % et le CSV avec 90 % affichent des électorats plus stables. Mais les électeurs des Verts sont considérés comme "sincères" alors que les électeurs du CSV et du LSAP sont plutôt considérés comme "stratégiques". En gros, les 20 % d’électeurs qui ont voté autrement aux nationales et aux européennes l’ont fait de manière "sincère". Les électeurs loyaux par contre s’intéressent plus à la politique et trouvent le parti pour lequel ils ont voté plus compétent que les autres.