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Parlement européen
André Freire - Portugal : Les élections européennes de 2009 au Portugal, des élections primaires ou simplement de second ordre ?
12-12-2009


A l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, André Freire, du Centre de Recherches sociologiques de l’Université de Lisbonne, a posé la question de savoir si les élections européennes ont été des primaires pour un certain nombre de tendances dans le système politique portugais.

Les dernières élections européennes sont intéressantes pour le Portugal parce qu’elles ont eu lieu trois mois avant les législatives de septembre 2009 et les élections locales d’octobre 2009. A cause de la proximité des trois scrutins, les élections européennes ont été considérées comme des sortes de primaires, et ce surtout pour les législatives. C’est dans cette perspective, éclairée par l’idée que les résultats des élections européennes témoigneraient d’un éventuel retour vers la fragmentation du paysage politique – après une longue période de concentration majoritaire -,  qu’André Freire a voulu aborder la question. 

La campagne politique au Portugal a commencé en mars 2009. Un fait marquant a été la désignation par le parti socialiste (PSP) au gouvernement de sa tête de liste, Vital Moreira. Ce faiseur d’opinion, professeur de droit et ancien député communiste fut désigné entre autres pour éviter que le PSP, érodé par ses années passées à la tête du gouvernement, ne perde trop de voix à gauche à un moment où il était en plus perçu dans l’opinion publique comme tendant plus à droite. La popularité de Moreira devait éviter que les élections européennes ne se transforment en vote sanction.  

Plus tard, en mai, le PSD (droite) présenta un candidat tête de liste jeune et brillant, Paulo Rangel, par lequel il indiquait son renouvellement. Politiquement, il a joué sur les divisions au sein du PSP, sur le soutien accordé à José Manuel Barroso comme président de la Commission et il a misé sur un scrutin qui allait punir les socialistes au gouvernement. Le Parti communiste (PCP) comme le parti de droite CDS ont misé sur la veine nationaliste et, comme les autres partis d’opposition, sur la sanction du gouvernement qui avait perdu deux élections, l’une locale, en 2005, et l’autre présidentielle, en 2006, et qui se trouvait sous la forte pression des syndicats de gauche. Les sondages montraient une érosion de la popularité du Premier ministre José Socrates et, dans un climat de montée du chômage et de crise économique, une migration des intentions de vote socialistes vers les partis à gauche du PSP.

A l’issue des élections européennes, le PSP a perdu 20 % des voix, passant de 46 à 26 %. Le PSD et le CDS avaient remporté ensemble en 2004 35 % des voix. En 2009, le PSF a remporté 32 % et le CD 8 % des voix. Le grand gagnant à gauche a été le Bloc de la gauche (BE), passé de 5 à 10 %, tandis que le PCP a gagné presque 3 % avec 11 % des voix. Jamais, depuis 1987, il n’y a eu selon André Freire un tel déplacement de votes, et une telle accentuation de la fragmentation du paysage politique. Jamais non plus, depuis 1987, un gouvernement n’avait été autant sanctionné à travers des élections européennes.

La question soulevée par le politiste de Lisbonne a été ensuite celle de vérifier si cette sanction a été reconduite aux législatives de septembre 2009, soit 3 mois plus tard. Aux législatives, le PSP a perdu 8,5 % de voix par rapport aux législatives de 2005, donc beaucoup moins que lors des européennes. Le PSD a stagné à 29 %. Le CDS est passé de 7 à 10 %, le BE a gagné 3,5 %, passant à presque 10 %, et le PCP est passé de 7,5 à 8 %. Bref, les élections européennes n’ont pas été des primaires pour les élections législatives en termes de sanction, et le gouvernement a été moins sanctionné aux législatives que les européennes ne le laissaient prévoir.

Les deux grands partis portugais ont toujours fait mieux aux législatives qu’aux européennes, et cette tendance s’accentue depuis 1999. Les deux partis moyens, CDS et PCP, ont au contraire toujours fait mieux aux européennes qu’aux législatives, mais cette tendance s’affaiblit depuis 1999. Les petits partis ont toujours fait mieux aux européennes qu’aux législatives. Entretemps, le petit parti BE est devenu le 3e parti portugais. Ceci dit, les très petits partis continuent de croître. Cette tendance est aussi confirmée par les législatives.

Les élections européennes ont surtout inauguré une inversion de la tendance de l’électorat portugais à concentrer ses voix sur les deux grands partis. Le résultat des législatives montre que les voix des électeurs se sont largement reportées sur d’autres partis, renforçant deux partis moyens, le PCP et le CDS, et faisant accéder un petit parti, le BE, au rang de 3e parti comme le plus fort des partis moyens. En cela, elles ont été des primaires.

Les conclusions d’André Freire :

Le gouvernement a été sanctionné comme jamais avant aux élections européennes. Les sondages d’opinion, qui prévoyaient une sanction moins importante, qui ne prédisaient pas de victoire du PSD et qui annonçaient la disparition du CDS ont tous été démentis. Le nombre des votes blancs ou nuls montre une défiance croissante vis-à-vis de la classe politique. L’augmentation des abstentions par contre semble avant tout due à des problèmes de registre électoral. La fragmentation du paysage politique aux européennes s’est répétée aux législatives. La sanction du gouvernement a par contre été moindre. Les élections européennes ont cependant été des primaires dans la mesure où la fragmentation du paysage politique a été confirmée par les législatives. Les élections locales d’octobre n’ont par contre pas confirmé cette tendance. Pour André Freire, les deux scrutins ont constitué une réaction négative de l’électorat à l’idée qu’un seul parti ne dispose de la majorité absolue, ce qui a été le cas du PSP pour une certaine période marquée par le style autoritaire des dirigeants socialistes. Finalement, jamais, aux législatives portugaises, le soutien au parti vainqueur n’a été si faible, et jamais les deux grands partis n’ont rassemblé aussi peu de voix.