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Parlement européen
Léonard Matala-Tala - Le Parlement européen, une assemblée qui peine à s’affirmer dans le système décisionnel européen
11-12-2009


Léonard Matala-TalaA l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, Léonard Matala-Tala, maître de conférences en droit public à l’Université de Nancy 2, a dressé un bilan de la place du Parlement européen dans le système décisionnel européen de 1979, date de la première élection des eurodéputés au suffrage universel direct, à 2009.  Tout au long de son exposé, le juriste s’est demandé si l’influence du Parlement européen s’était accrue ou non au cours de ces trente années.

Une assemblée aux pouvoirs limités au départ et qui peine à s'affirmer malgré l'extension progressive de ses pouvoirs

Pour répondre à cette question, Léonard Matala-Tala est revenu aux origines du Parlement européen et à ses pouvoirs limités au départ, expliquant que, dans le "triangle isocèle" qu’elle formait avec la Haute Autorité, qui avait l’initiative, et le Conseil, qui avait le pouvoir décisionnel, l’assemblée de la CECA avait un rôle consultatif. Le rôle de contrôle politique du Parlement est, pour le juriste nancéen, resté ineffectif jusqu’en mars 1999, date à laquelle la Commission Santer a été forcée de démissionner.

Léonard Matala-Tala a alors retracé les différentes étapes qui ont marqué l’extension progressive de pouvoir du Parlement européen par rapport à ce qui était prévu dans le Traité de Rome. De l’accroissement de son pouvoir budgétaire en 1970, en passant par l’acquisition du droit de rejet du budget utilisé dès 1978, ou encore par l’introduction en 1987 de la procédure de coopération qui a fait du Parlement européen un "agenda setter" dont l’avis devait être pris en compte par le Conseil, le triangle isocèle qui définissait les relations entre les trois institutions européennes est devenu peu à peu "équilatéral". Le processus s’est poursuivi en effet avec les traités de Maastricht, avec lequel le Parlement a en quelque sorte gagné son droit de veto, puis avec le traité de Nice qui a introduit la procédure de codécision et enfin le traité de Lisbonne qui attribue au Parlement le rôle de colégislateur.

Pourtant, en établissant un tableau comparant les pouvoirs décisionnels du Conseil et du Parlement européen, Léonard Matala-Tala a montré comment, parallèlement à son extension progressive de pouvoir, le Parlement européen a, jusqu’en 1987, peu influé sur les décisions du Conseil, 72 % d’entre elles ayant en effet été prises sans sa participation. Et de 2004 à 2009, malgré la procédure de codécision, le Parlement européen n’intervient pas encore, selon le chercheur, en tant que colégislateur.

Il est alors revenu sur les principales initiatives politiques du Parlement européen, qui, pour la plupart d’entre elles, n’ont pas été directement confirmées. Et le chercheur de citer pour exemple les projets Spinelli, Herman, Colombo ou encore Duhamel. Finalement, la seule initiative réussie à ses yeux, c’est le précédent créé par l’affaire Buttiglione en 2004 qui fait que le Parlement européen a pu d’une certaine façon influer sur l’investiture individuelle d’un commissaire.

La faiblesse originelle du Parlement européen est liée à la légitimité de ses membres

Pour Léonard Matala-Tala, si cette assemblée peine à s’affirmer, c’est en raison d’une faiblesse originelle liée à la légitimité de ses membres.

En effet, le mode de scrutin est encore, aux yeux du chercheur, qui considère que l’acte de 1976 n’est pas encore vraiment mis en pratique, un scrutin national. La faible homogénéité et représentativité des parlementaires européens pose de ce fait problème. Et les partis nationaux, qui constituent les listes en vue des élections, restent très influents. Léonard Matala-Tala a certes relevé l’élan donné en 2008 par le rapport Duff qui propose la création de listes transnationales. Autre atteinte à la légitimité des eurodéputés, le fait que le taux de participation ne cesse de baisser.

Léonard Matala-Tala a souligné par ailleurs que le statut des membres du Parlement européen, adopté en 2005 et entré en vigueur en 2009, est très récent.

Enfin, le juriste note l’absence de "vrais partis politiques européens", et ce malgré le règlement de 2003 suite auquel 6 partis se sont déclarés en 2004. Pour Léonard Matala-Tala en effet, aux yeux des citoyens, ces partis ne sont pas identifiés en tant que partis européens.

Dans sa conclusion le chercheur a estimé que le Parlement européen devrait faire des efforts pour que les citoyens l’identifient en tant que colégislateur pour pouvoir mieux asseoir son pouvoir. Pour lui, le Parlement européen devrait devenir le centre de l’esprit politique européen, le forum politique de l’UE et pour ce faire, il faudrait, en plus de se faire mieux connaître de citoyens, qu’il apaise aussi les craintes des Parlements nationaux.