A l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, Tõnis Saarts, de l’Institut de science politique et d’administration publique de l’Université de Tallinn, a tenu à montrer dans son intervention les différences qui existent entre les trois Etats baltes en termes de systèmes politiques, soulignant que ces différences devraient tendre à s’accentuer encore à l’avenir.
Ce que les trois pays ont en commun, c’est un système de partis typiquement postcommuniste. Le système de partis y est plus fragmenté encore qu’en Europe centrale et il est plutôt instable. Les clivages politiques, à l’exception de la Lituanie, sont peu basés sur des questions socio-économiques tandis que la volatilité électorale est assez élevée.
Quant à savoir s’il existe une "exception balte", qui concernerait l’Estonie et la Lettonie, le chercheur met en avant le fait qu’il n’y a dans ces deux pays pas de partis ayant succédé aux partis communistes, que les partis sociaux-démocrates y sont soit absents, soit très faibles et enfin que le clivage clérical-anticlérical est aussi absent.
En Estonie, les 3 plus grands partis réunissaient en 1992 57 % des voix, et, en 2007, ils avaient l’assentiment de 76 % des votants. Tõnis Saarts souligne ainsi, depuis 2004, une consolidation et une stabilisation du système dans lequel dominent aujourd’hui le Parti de la Réforme, qu’il classe comme néolibéral et conservateur et qui réunit entre 20 et 25 % des suffrages, le Parti du Centre, situé au centre gauche, qui rassemble 25 % des voix, et le parti nationaliste et conservateur IRL, qui compte sur 10 à 20 % des électeurs. Plusieurs autres partis, plus petits, existent aussi, comme les sociaux-démocrates, les verts ou les agrariens. Pour le chercheur, les clivages idéologiques et socio-économiques sont faibles. Il note une tendance à la droitisation qui va de pair avec une faiblesse des sociaux-démocrates. Enfin, il souligne que depuis 2003, les partis russes ne sont plus représentés au Parlement.
Au cours des dernières élections nationales, Tõnis Saarts a constaté en Estonie une tendance à la stabilisation et il s’attend à une consolidation après 2011, estiment que les verts et les agrariens pourraient être amenés à disparaître. Quant aux élections européennes, le succès d’un candidat indépendant s’explique selon le politologue plutôt comme un signe de protestation contre l’introduction de listes bloquées. Le taux de participation était en hausse tant pour les élections nationales que pour les européennes.
Pour Tõnis Saarts, la Lettonie a le système de partis le plus instable de toute l’UE. Après chaque élection, de nouveaux venus se lancent en effet dans l’arène politique. Il s’agit d’un système très fragmenté à 6 ou 7 partis dans lequel aucun parti n’arrive en général à rassembler plus de 20 % des suffrages. Les partis russes sont en revanche puissants et forts, ils recueillent en effet 20 % des voix. La droitisation est forte, et il n’y a pas de sociaux-démocrates. Le clivage ethnique est important mais les partis sont, d’après Tõnis Saarts, plutôt manipulés par des oligarques. La situation en Lettonie est, à ses yeux, plus proche de la Russie du temps d’Eltsine ou de l’Ukraine.
Au cours des élections nationales de 2006, le chercheur a relevé des signes d’une stabilisation qu’il juge cepedant temporaire. Tõnis Saarts note en effet que la crise a fait perdre aux vieux partis en légitimité tandis que de nouveaux partis ont émergé. Au cours des élections européennes de 2009, les partis gouvernementaux ont échoué tandis que les partis russes sont apparus comme la seule partie stable du système. Ce sont en effet, une fois de plus, de nouveaux partis qui ont gagné les élections. Le taux de participation, s’il a connu une baisse aux élections nationales, a connu une hausse importante aux européennes.
La Lituanie se caractérisait dans les années 90’ par un système bipartisan assez stable. Deux forces continuent de dominer la scène politique, à savoir les conservateurs de l’Union patriotique et les socialistes, anciens communistes et socio-démocrates. Plusieurs petits partis à tendance populiste réunissent par ailleurs environ 10 % des suffrages. En 2000, Tõnis Saarts évoque un bouleversement majeur avec l’émergence de plusieurs populistes au centre. Une tendance qui s’est confirmée en 2004 et 2008 avec une nouvelle envolée de nouveaux venus populistes. Cependant, les clivages idéologiques et socio-économiques sont importants en Lituanie où la situation est, pour le chercheur, plutôt comparable à la Pologne qu’aux deux autres Etats baltes.
Lors des élections nationales de 2008, les deux partis majoritaires ont rencontré un certain succès tandis que les nouveaux partis populistes, s’ils étaient présents, n’ont pas connu des résultats exceptionnels. Quant aux élections européennes de 2009, les deux partis majoritaires ont gagné tandis que les populistes ont, selon le chercheur, plutôt échoué. Pour Tõnis Saarts, ces deux élections, et surtout les européennes, ont donc donné l’espoir d’une consolidation même si la poussée populiste reste assez forte. Le taux de participation a connu une baisse importante pour les européennes et était particulièrement bas.
Pour conclure son exposé, Tõnis Saarts s’est demandé s’il y avait dans les pays baltes une convergence avec l’Europe occidentale. A ses yeux, la Lettonie est un cas très particulier au sein de l’UE, l’Estonie, même si son système se consolide, reste encore très différente, tandis que la Lituanie, qui offre un modèle plus proche de l’Europe centrale, laisse quelques espoirs.