A l'occasion de la conférence internationale sur les élections européennes de 2009 qui s'est tenue à Luxembourg les 11 et 12 décembre 2009, Antony Todorov, de la Nouvelle Université Bulgare (NBU), s’est attaché à décrire l’éclatement du système partisan en Bulgarie qu’ont révélé à ses yeux les européennes de 2009. Le système partisan dont il parle, c’est celui qu’il décrit comme typique des régimes postcommunistes, marqué par l’opposition entre ex-communistes et anti-communistes formant une large coalition. Ce système tend à disparaître avec la fin de la transition, et le chercheur se demande si cette transformation est pour autant signe de stabilité.
Dans ce contexte, Antony Todorov note l’influence exercée par les partis européens sur les partis nationaux, car tout parti bulgare a intérêt à affirmer sa légitimité par son affiliation à un parti européen. Cette forme de mimétisme politique produit selon le politologue un effet réel, comme en témoigne l’exemple du parti des ex-communistes que son désir d’être reconnu par les Sociaux et les Démocrates européens a conduit à faire bien des efforts.
Par ailleurs, selon Antony Todorov, le rapport de force observé dans les élections européennes est le même que celui vu dans les législatives. Il n’y a à ses yeux pas de différence structurelle ni de mobilisation particulière pour les européennes pour le moment.
Revenant sur les élections des neuf dernières années, Antony Todorov a tout d’abord souligné que les élections législatives de 2001, remportées par le NDSV de Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, avait marqué la fin du débat entre ex-communistes et anti-communistes. Après des élections européennes organisées en 2007 au moment où la Bulgarie intégrait l’UE et qui se tenaient la même année que des élections locales, les élections européennes de 2009, qui ont eu lieu un mois avant les élections législatives, apparaissent aux yeux du politologue comme des élections non pas "secondaires", mais "intermédiaires" dans un processus de transformation du système bipartisan. En effet, entre 2005 et 2009, il y a eu 5 élections, dont 3 nationales, et c’est sans compter les élections municipales qui, à Sofia, ont eu une importance notable en 2005 avec l’apparition de l’actuel Premier ministre.
Pendant cette période, Antony Todorov note un certain nombre de changements politiques marquants comme l’émergence et l’implantation du nouveau parti populiste GERB de l’ancien maire de Sofia et actuel Premier ministre, qui s’inscrit dans une vague populiste plus large incluant les progrès de partis d’extrême droite comme Ataka ou Ordre, Droit et Justice (RZS). Dans ce contexte est apparu aussi un nouvel axe ethnique opposant les ultranationalistes d’Ataka au parti représentant la minorité turque et musulmane MDL. Le tout sur fond de crise d’identité de la gauche ex-communiste depuis l’adhésion de la Bulgarie à l’UE et de crise de la droite anti-communiste "classique" marquée par l’éclatement de la coalition des Bleus en 2004.
Avec un taux de participation de 38,4 %, les électeurs bulgares s’inscrivent dans la moyenne des autres pays d’Europe centrale et orientale et ils ont été qui plus est plus nombreux à se mobiliser qu’en 2007 où seuls 28 % d’entre eux s’étaient rendus aux urnes. Les deux partis sortis vainqueurs de l’élection sont le GERB, qui avec 24,4 % des voix a obtenu 5 sièges sur 18, et les socialistes dont le parti, le PSB, a obtenu 18,5 % des voix et 4 sièges.
Entre 2007 et 2009, Antony Todorov note une progression électorale du GERB mais il constate aussi que tous les partis, à l’exception du MDL, ont gagné des voix. Autre phénomène observé, qui concerne toutes les élections confondues depuis 2005, c’est ce qu’Antony Todorov appelle la "nouvelle vague populiste", les partis Ataka, RZC et GERB se voyant accorder toujours plus de voix. Le politologue note par ailleurs la crise identitaire de la gauche socialiste qui se reflète par le net déclin électoral du PSB, un parti qui n’arrive plus à être le représentant des perdants de la transition. Enfin, 2009 est marqué par la disparition du mouvement NDSV de Siméon de Saxe-Cobourg qui avait commencé très fort en remportant les législatives de 2001 pour décliner progressivement jusqu’à disparaître. Une trajectoire que suivra peut-être le GERB ? Cette question reste ouverte.
En soumettant à l’auditoire une carte présentant les partis des maires élus en octobre 2007, Antony Todorov a voulu donner à voir qu’aucune majorité n’y est visible, ce qui illustre l’éclatement du système partisan qu’il observe. En effet, les milieux des affaires s’investissent dans la politique par des partis corporatistes et clientélistes tandis que les partis "idéologiques", eux, se marginalisent. Les partis populistes de type "catch all" deviennent la règle. Mais Antony Todorov relève aussi de nouvelles mobilisations citoyennes, comme celle des Verts bulgares.