Le Conseil européen du 11 février 2010, convoqué par son nouveau président élu pour deux ans et demi, Herman Van Rompuy, devait dans un premier temps aborder les questions d’une stratégie de sortie de crise et de croissance durable pour l’Union européenne. Une "gouvernance économique", et même l’idée d'un "gouvernement économique" de l'UE pour mieux coordonner les politiques nationales, des concepts rejetés dans un premier temps par l’Allemagne notamment, seront au programme du Conseil. S’est ajoutée à l’ordre du jour initial de ce sommet la question de la dette publique de la Grèce qui comporte des risques de déstabilisation de la zone euro et qui rend encore plus urgente la coordination des politiques économiques des Etats membres.
Dans un entretien avec le Wort, Jean-Claude Juncker a exposé ses positions pour ce Conseil européen jugé important par les observateurs de la politique européenne qui scrutent la capacité des dirigeants européens à faire face ensemble à la crise.
Un premier constat de Jean-Claude Juncker est que la stratégie de Lisbonne qui devait déclencher en Europe des réformes qui en auraient fait l’économie la plus forte du monde, parce que basée sur les connaissances et la compétitivité, a été un échec, parce que "les années de croissance élevée n’ont pas été mis à profit pour entamer des réformes structurelles". D’où la nécessité de mettre à profit la situation actuelle, de crise, "pour poser les jalons qu’il faut".
Jean-Claude Juncker voudrait que les stimulants de croissance budgétaire soient retirés du cycle économique, mais de manière prudente, afin que le moteur de l’économie ne cale pas. "Il s’agit d’abord de ne plus accumuler de dettes publiques. Cela vaut pour tous les pays de la zone euro, y compris pour le Luxembourg. Je ne peux que secouer la tête quand je vois que certains partenaires qui négocient avec le gouvernement ont tendance à temporiser sur la gravité de la situation financière du pays." Le grand objectif des années à venir sera donc "d’épargner, mais d’épargner de manière intelligente".
Au niveau européen, l’autre objectif sera l’obligation de coordonner les politiques économiques des Etats et d’impliquer l’Eurogroupe dans la formulation des décisions détaillées pour la mise en œuvre des décisions du Conseil européen.
Un autre facteur d’échec de la stratégie de Lisbonne a été selon Jean-Claude Juncker le nombre élevé de priorités. D’où pour lui la nécessité de réduire ces priorités de 24 à 5 dans le cadre de la nouvelle stratégie EU2020, des priorités qui devraient être fixées lors du Conseil du 11 février. Parmi les options qui circulent déjà, figurent, selon des sources de la Commission, l’innovation et le savoir, la lutte contre l’exclusion, une croissance verte et l’Europe digitale.
Pour le Premier ministre, chaque pays aurait donc à mettre en œuvre 5 priorités nationales qui correspondent à sa situation spécifique. Le Luxembourg par exemple investira encore plus dans le R&D et dans le taux d’emploi, mais n’aura pas à s’investir autant que d’autres Etats membres dans la lutte contre la pauvreté. Mais, pense Jean-Claude Juncker, "nous aurons besoin d’une pression collective de la Commission et des gouvernements des pays partenaires sur le gouvernement qui ne s’en tiendra pas à la substance et à la vitesse de mise en œuvre des accords passés." Ce qui impliquera une obligation de rapporter et de se justifier.
L’OCDE prévoit pour l’instant une croissance moyenne de 0,6 % par an pour les années à venir. Une telle croissance ne permettra pas de maintenir le modèle social européen ni de créer suffisamment d’emplois ni d’assurer le financement des systèmes de retraite. Pour Jean-Claude Juncker, "l’augmentation de notre potentiel de croissance doit être au centre de tous nos efforts", dans l’UE comme au Luxembourg, "dont le potentiel de croissance a été gravement lésé par la crise économique et financière". Dans chaque pays, il faudra donc réfléchir aux facteurs qui freinent la croissance, qui sont différents de pays à pays.
Pour ce qui est de la Grèce, Jean-Claude Juncker a, avant le Conseil européen, "mené de nombreuses conversations afin que nous puissions définir une réponse qui convainque les marchés financiers". L’Eurogroupe présentera jeudi une proposition dans ce sens.