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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
En réponse à une question parlementaire, François Biltgen a déclaré que les critiques formulées à l'égard de la loi allemande sur la conservation des données ne sont pas transposables au projet de loi luxembourgeois
22-04-2010


Logo de la Commission nationale pour la protection des donnéesLe 29 mars 2010, le député libéral Eugène Berger a adressé une question parlementaire (n° 545) au ministre des Communications et des Médias, François Biltgen, dans laquelle il a abordé la renégociation au niveau européen de la question de la conservation des données des communications électroniques. Le député a rappelé que la Cour constitutionnelle allemande a rendu un jugement le 2 mars 2010 concernant la loi de 2008 autorisant la conservation des données téléphoniques ou internet pendant six mois dans le cadre d'enquêtes criminelles. La plus haute instance allemande a estimé que cette loi constituait une grave atteinte au droit à la protection de la vie privée et a jugé qu’elle violait le droit constitutionnel à la correspondance privée.

Cette loi est une transposition de la directive 2006/24/CE sur la conservation des données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications. Selon Eugène Berger, suite au jugement de sa Cour constitutionnelle, l'Allemagne viserait à renégocier au niveau européen la question de la rétention des données téléphoniques ou internet dans le cadre d'enquêtes criminelles.

"Monsieur le Ministre a déposé en date du 10 février dernier le projet de loi n° 6113 portant modification des articles 5 et 9 de la loi modifiée du 30 mai 2005 concernant la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et de l'article 67-1 du Code d'instruction criminelle, projet de loi qui vise à transposer en droit luxembourgeois certains éléments de la directive 2006/24/CE", a expliqué par ailleurs Eugène Berger.

Dans ce contexte, le député a posé les questions suivantes au ministre des Communications et des Médias :

  • Quelle sera l'attitude du Luxembourg en cas de renégociation au niveau européen de la question de la rétention des données téléphoniques ou internet dans le cadre d'enquêtes criminelles ?

  • Monsieur le Ministre des Communications et des Médias envisage-t-il de revoir le projet de loi n° 6113 à la lumière du jugement de la cour constitutionnelle fédérale allemande?

La réponse du ministre des Communications et des Médias

Le 13 avril 2010, François Biltgen a adressé sa réponse au député libéral dans laquelle il a déclaré qu’à sa connaissance, il n'y aura pas de renégociation de la directive 2006/24/CE "conservation des données". Il a d'ailleurs tenu à préciser dans ce contexte que, conformément au droit communautaire, toute initiative pour amender ladite directive reviendrait exclusivement à la Commission et non pas à un Etat membre. Et d’ajouter qu’à ce jour, la Commission n'a pris aucune initiative à ce sujet.

Concernant la deuxième question, le ministre des Communications et des Médias a délivré les éléments de réponse suivants, qu’il avait déjà exposés le jour même de l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande.

François Biltgen a tout d'abord tenu à préciser que la décision allemande est prise sur base du droit constitutionnel allemand qui n'est pas identique à celui de notre pays. Ensuite, il a souligné qu’elle ne vise pas la directive elle-même mais bien les modalités de transposition de celle-ci en droit allemand.

Pour le ministre, il est évident que le principe de proportionnalité est un principe de droit général qui a également guidé les auteurs du projet de loi 6113. Il estime que bien que l'interprétation de ce principe faite par les juges suprêmes allemands ne soit pas transférable telle quelle au Luxembourg, il peut néanmoins être intéressant de voir les reproches concrets formulés à l'égard de la loi allemande. "Selon notre projet sur la conservation des données et l'accès des autorités aux données conservées par les opérateurs, la protection de la vie privée sera la règle et les exceptions à cette règle ne seront possibles que pour prévenir et combattre des infractions d'une gravité certaine", a-t-il souligné. Et d’ajouter que le principe de proportionnalité est donc clairement sous-jacent.

Concernant la durée de conservation, François Biltgen a précisé que les données devront être effacées, tant au Luxembourg qu’en Allemagne, après un délai de six mois. Ce délai de six mois est d'ailleurs le délai le plus court que la directive permet de fixer et donc, selon le ministre, le plus protecteur pour la vie privée. D’après lui, la Cour suprême allemande ne conteste pas cette durée, mais les conditions dans lesquelles sont conservées et traitées les données. "Nous avons au contraire prévu dans ce domaine que la Commission nationale pour la protection des données (CNPD) aura la mission de contrôler si les données sont conservées de manière sécurisée et si l'accès à ces données sensibles est organisé de manière à respecter le cadre légal strict mis en place", a-t-il expliqué. Par ailleurs le projet de loi prévoit que "seules les autorités judiciaires auront accès aux données".

Selon le ministre, la directive prévoit par ailleurs que les données retenues ne peuvent être utilisées que pour la poursuite d'infractions pénales graves. "La Cour suprême allemande a jugé que la loi allemande ne remplit pas cette condition. Le projet de loi 6113 prévoit clairement qu'il ne peut s'agir que d'infractions emportant une peine égale ou supérieure à un an d'emprisonnement", a précisé François Biltgen.

D’après le ministre des Communications et des Médias, une révision du projet de loi n° 6113 n'est dès lors pas envisagée par le gouvernement puisque les critiques formulées à l'égard de la loi allemande ne sont pas transposables telles quelles au projet de loi luxembourgeois. Il a cependant assuré Eugène Berger que le gouvernement portera une grande attention aux avis de la Commission nationale pour la protection des données et de la Commission consultative des droits de l'Homme qui seront joints aux documents parlementaires dès leur réception. Il est convaincu que de cette manière le projet de loi luxembourgeois, tel qu'il sera finalisé par la Chambre des députés, sera parfaitement conforme aux exigences de la protection de la vie privée auxquelles François Biltgen attache "une grande importance".