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Emploi et politique sociale
La nouvelle réglementation européenne en matière de sécurité sociale est entrée en vigueur le 1er mai 2010 : quels sont les changements apportés ?
31-05-2010


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Tous les documents utiles sur les nouvelles règles sont disponibles sur le site de la DG Emploi et Affaires sociales de la Commission européenne

Pour tout savoir sur la nouvelle réglementation sur le site de la DG Emploi


Le règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 et ses règlements d’exécution portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale des Etats Membres sont entrés en vigueur le 1er mai 2010.

Quelles modifications ces règlements communautaires entraînent-ils pour les employeurs, les salariés et les indépendants actifs sur le territoire de plusieurs Etats Membres ? Quelle législation est applicable en matière notamment d’affiliation lorsque des travailleurs, salariés ou indépendants, ou des étudiants exercent une activité professionnelle dans un ou plusieurs pays de l'Espace Economique Européen (EEE) ? A quels enjeux les entreprises et les particuliers concernés doivent-ils faire face ? L’entrée en vigueur de cette nouvelle règlementation soulève de nombreuses questions.

La Chambre de Commerce et la Luxembourg School for Commerce (LSC), ont donc organisé, en collaboration avec l’Association des Banques et Banquiers, Luxembourg (ABBL), la Confédération Luxembourgeoise du Commerce (clc) et la Fedil, une conférence sur le sujet qu’a tenue, le 27 mai 2010, Joëlle Lyaudet, associée chez Deloitte S.A.

Les grands principes de la réglementation communautaire en matière de sécurité sociale

Avant de présenter les changements apportés par la nouvelle réglementation, Joëlle Lyaudet a tenu à rappeler les Joëlle Lyaudetprincipes communautaires en matière de sécurité sociale qui remontent au premier règlement en la matière qui date de 1971 (1408/71). A la base, préside le principe de libre circulation des personnes inscrit dans les traités. Quant à la méthode choisie, ce ne fut pas celle de l’harmonisation mais bien d’une coordination des différentes législations.

Deux grands principes caractérisent la règlementation en matière de sécurité sociale à savoir, d’une part la sauvegarde des droits en cas de déplacement dans l’UE et, d’autre part, le principe de l’affiliation dans un seul Etat membre en sachant que, en règle générale, priorité est accordée à l’Etat où l’activité professionnelle est exercée. Deux grands principes qui valent toujours avec la nouvelle règlementation.

Un processus de simplification nécessaire qui a pris de longues années

La complexification des règles au fil des années, les évolutions d’un environnement économique marqué par l’apparition de nouvelles habitudes de mobilité des travailleurs, mais aussi les difficultés d’application liées aux adaptations de la législation aux élargissements successifs rendaient depuis longtemps nécessaire la révision du règlement de 1971. C’est donc une simplification de la rédaction et de la structure du texte, ainsi qu’une harmonisation des dispositions similaires, qui vont finalement être les plus grands changements apportés par ce nouveau texte.

La première initiative pour modifier le règlement de 1971 remonte ainsi à 1992, un premier texte a ensuite été soumis au Parlement européen en 1998. Les négociations ont alors tant duré que le nouveau règlement date finalement de 2004. Et il a encore fallu attendre l’adoption, en octobre 2009, de son règlement d’applicationLe guide pratique de la Commission européenne sur la nouvelle réglementation s'appliquant aux travailleurs (987/2009) pour que le règlement 883/2004 entre en vigueur et soit applicable. Ce qui est le cas depuis le 1er mai 2010.

Le détachement des travailleurs

En matière de détachement des travailleurs, l’ancienne réglementation prévoyait deux périodes, à savoir un détachement initial et sa possible extension, ou prolongation. Avec la nouvelle réglementation, ces deux étapes ont été supprimées, ce qui a fait l’objet de nombreuses discussions entre Parlement européen et Commission. Car si tous s’entendaient pour supprimer le système des prolongations, il a fallu trouver un accord sur la durée limite d’un détachement.

Finalement, un individu qui travaille dans un Etat membre pour le compte d’un employeur peut désormais être détaché afin d’effectuer un travail pour le compte de son employeur dans un autre Etat membre pour une durée n’excédant pas 24 mois. Et ce tant qu’il n’est pas envoyé dans cet autre Etat membre en remplacement d’une autre personne. Il est alors possible de bénéficier de la sécurité sociale de l’Etat membre d’origine, à savoir celui du siège de l’employeur.

En pratique, comme l’a précisé le Centre commun de la sécurité sociale (CCSS) qui est en pleine phase d’analyse et d’interprétation de la nouvelle réglementation, l’employeur pourra demander, au sein de cette période de 24 mois,  plusieurs renouvellements en fonction de l’évolution des missions. Sinon, il sera possible de demander un détachement d’une période maximale de 24 mois et de prévenir ensuite le CCSS si le travailleur détaché termine sa mission plus tôt.

Pour ce qui est des "détachements longs", permis auparavant par l’article 17 du règlement à condition de l’octroi d’une autorisation spéciale à demander au Ministère de la Sécurité sociale, ils seront encore possibles en vertu de l’article 16 du nouveau règlement. Joëlle Lyaudet précise que, d’expérience, ces autorisations spéciales ne dépassent en général pas cinq ans.

Pour ce qui est de la possibilité d’une embauche en vue d’un détachement, une question pouvant se poser fréquemment au Luxembourg, le règlement antérieur ne donnait pas de précision. La Commission a désormais précisé qu’une période d’activité d’un mois au minium devait être prévue dans le pays d’origine avant le détachement. Et le CCSS a d’ores et déjà précisé que toute demande de détachement faite avant l’expiration de ce délai minimal dans le cas d’un travailleur non-résident serait transmise directement aux autorités nationales du pays de résidence du salarié.

La Commission européenne a aussi introduit un délai de carence entre deux détachements. Si le travailleur est détaché à nouveau dans le même pays que précédemment, ce délai est de deux mois. Si le travailleur est détaché dans un autre pays, ce délai est alors d’un mois.

Enfin un des éléments essentiels dans le détachement consiste dans le fait que le travail effectué dans un autre Etat membre doit être réalisé "pour le compte de l’employeur". Une décision de la Commission précise qu’un lien privilégié doit être conservé avec l’employeur qui doit rester responsable du contrat, mais aussi conserver le pouvoir décisionnel concernant la rémunération et l’autorité sur la nature du travail effectué.

En pratique, un nouveau formulaire A1, qui est en train d’être préparé par le CCSS, va remplacer peu à peu le formulaire E101. Ces certificats de couvertures seront ensuite transmis directement aux pays de détachement par le CCSS qui a par ailleurs précisé que la possibilité de prolonger de 12 mois tous les détachements en cours au 1er mai serait ouverte.

Activité dans plusieurs Etats membres

Pour les employés travaillant pour un seul employeur dans plusieurs Etats membres, y compris leur Etat de résidence, la principale modification consiste dans l’introduction de la notion de "partie substantielle de l’activité".

En effet, dans la réglementation antérieure, il n’y avait pas de règle minimum concernant l’activité exercée dans le pays de résidence et il pouvait donc arriver qu’un employé travaillant de façon très ponctuelle dans son pays de résidence doive quand même s’affilier à la sécurité sociale de son pays de résidence.

Ce sera désormais le cas seulement en cas d’activité dite substantielle, à savoir 25 % au moins du temps de travail et/ou de la rémunération. Ainsi, si l’activité dans le pays de résidence est inférieure à cette limite, l’employé sera affilié à la sécurité sociale de l’Etat membre du siège de son employeur.

Cette nouvelle disposition devrait donc permettre de faciliter par exemple le travail à domicile de certains frontaliers. En pratique, le Centre commun a précisé que l’évaluation de cette "partie substantielle de l’activité" relèverait de la responsabilité de l’employeur. Les formulaires en cours de préparation contiendront les éléments nécessaires à cette évaluation qui se fera sur les 12 mois à venir. Des contrôles seront prévus seulement dans les cas de soupçon de sociétés boîte à lettres.

En revanche, rien n’a changé pour les employés qui travaillent dans plusieurs Etats membres pour différents employeurs : ils doivent toujours s’affilier, qu’ils y travaillent ou non, dans leur pays de résidence.

Activité salariée et non salariée dans différents Etats membres

Dans l’ancienne réglementation, le principe selon lequel une personne exerçant dans un pays une activité salariée et dans un autre une activité non salariée devait s’affilier dans le pays de son activité salarié pouvait faire l’objet d’une exception dans le cadre de l’annexe 7. Une double affiliation était alors possible, ce qui présentait un certains nombre d’avantages pour certains en raison des différences de coûts des régimes des indépendants d’un pays à l’autre.

Désormais, l’annexe 7 ayant été tout bonnement supprimée, il n’y aura plus de double affiliation, ce qui représente une importante simplification administrative, même si, sur le plan financier, cela peut présenter quelques inconvénients pour certains. Mais Joëlle Lyandet précise à leur intention que, tant que leur situation ne change pas, ils pourront bénéficier de la période transitoire fixée à 10 ans et prendre le temps de voir venir.

La fin du régime spécifique pour les entreprises de transports internationaux

Un des plus grands changements introduits par la nouvelle réglementation va concerner les entreprises de transports internationaux qui bénéficiaient jusqu’alors d’un régime spécifique pour leur personnel roulant. Ainsi, si le principe était d’affilier les employés dans l’Etat membre du siège de l’employeur, le régime spécifique prévoyait deux exceptions. En cas d’occupation du salarié par une succursale ou une représentation permanente de l’employeur dans un autre Etat membre que celui du siège, le salarié était affilié dans l’Etat membre de la succursale. Par ailleurs, en cas d’activité prépondérante – c’est-à-dire supérieure à 50 % - dans l’Etat membre de résidence, c’est là que devait être affilié le salarié.

Désormais, le régime spécifique ayant été supprimé, ce sont les règles de droit commun qui vont devoir s’appliquer, ce qui va notamment modifier grandement la situation des employés ayant une activité "substantielle", c’est-à-dire de l’ordre de 25 %, dans leur Etat de résidence. Il leur faudra en effet s’affilier alors dans l’Etat de résidence.

Le CCSS a indiqué que, lorsqu’une entreprise luxembourgeoise affilierait du personnel non résident, il présumerait qu’il n’y a pas d’activité substantielle exercée dans l’Etat de résidence.

Par ailleurs, la Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants a proposé une méthode de calcul alternative de l’activité substantielle adaptée au cas particulier des employés du secteur. Elle serait basée sur les "working elements", à savoir le nombre de chargements et de déchargements effectués ou encore le nombre de nuitées passées dans un pays pour les routiers. Pour le personnel du transport aérien il s’agirait plutôt de comptabiliser les check-in et les check-out. Une simple proposition pour le moment qu’il s’agira cependant de suivre.

Les prestations pour les frontaliers

En matière de prestations pour les frontaliers, la nouvelle réglementation introduit assez peu de changements. Désormais, un membre de la famille d’un travailleur frontalier pourra bénéficier de prestations en nature tant dans son pays de résidence que dans le pays d’affiliation. Cela ne changera certes pas grand-chose pour les frontaliers de la Grande Région en raison d’accords bilatéraux existant à ce sujet entre le Luxembourg et ses voisins, mais cela modifiera la vie de nombreuses autres personnes en Europe.

Par ailleurs, en ce qui concerne les droits au chômage, les discussions concernant l’ouverture de droits à des prestations dans le pays d’affiliation ont été houleuses. Finalement, et Joëlle Lyaudet ne manque pas d’expliquer que le Luxembourg a fait feu de tout bois pour bloquer cette idée, les travailleurs frontaliers ne pourront pas bénéficier de prestations dans le pays d’affiliation mais seulement dans le pays de résidence.

En revanche, en matière d’inscription, il sera désormais possible de s’inscrire aussi, pour une durée limitée à trois mois et éventuellement six mois, auprès de l’administration de l’emploi dans le pays d’affiliation. Auparavant, l’inscription ne se faisait qu’auprès de l’administration du pays de résidence. Une période transitoire a cependant été demandée par le Luxembourg afin de se préparer à cette nouvelle disposition.

Les dispositions transitoires

Le règlement d’application de 2009 prévoit l’introduction d’une période transitoire afin d’éviter des difficultés liées à des changements administratifs trop brusques. Ainsi, tant qu’il n’y a pas de changement intervenant dans la situation des personnes éventuellement concernées par les modifications introduites par les nouvelles règles, la période transitoire peut durer jusqu’à dix ans. Selon le CCSS, les "changements" pris en compte pour que le nouveau règlement soit applicable concerneront soit l’employeur, soit le lieu de résidence, soit la durée de l’activité dans les différents Etats membres. Mais il est aussi possible de demander l’application des dispositions du nouveau règlement.

Pour le moment, en attendant l’adoption d’un règlement spécifique, les ressortissants des Etats tiers ne sont pas concernés par la nouvelle réglementation. De même, en attendant la signature de traités correspondants, les ressortissants de la Norvège, de l’Islande, du Liechtenstein et de la Suisse continueront de se voir appliquer les dispositions du règlement de 1971.