Pour les 60 ans de la Déclaration Schuman, les organisateurs traditionnels de la Fête de l’Europe – institutions européennes, gouvernement luxembourgeois, ville de Luxembourg, mais aussi l’université, et bien sûr Europaforum.lu – avaient opté pour un programme d’une grande diversité. Colloque au Parlement européen, Fête de l’Europe et portes ouvertes à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), exposition de photos au Grand Théâtre, match de football avec Zinédine Zidane et Luis Figo, pour ne parler que d’eux, au stade Josy Barthel. Plus de 12 000 personnes ont participé aux différentes manifestations.
Inauguré par une conférence du vicomte Davignon, le colloque, dont il sera encore question sur ce site, a approfondi l’héritage schumanien et tracé des ponts entre les premiers moments d’une gouvernance européenne qui s’inventait en trouvant des solutions aux problèmes qu’elle devait affronter, avec des pouvoirs communautaires sur lesquels l’Union européenne d’aujourd’hui, est, d’un constat unanime, sur le recul.
Réalisée en coopération entre la Photothèque de la Ville de Luxembourg, Europaforum.lu (Ministère des Affaires étrangères) et le Centre d'études et de recherches européennes Robert Schuman (Ministère d'État), l'exposition "Quand l'Europe emménageait à Luxembourg" célèbre à sa façon le 60e anniversaire de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950.
La série de 84 photographies anciennes extraites entre autres des fonds de Tony Krier, de Pol Aschman, de Théo Mey et d'Edouard Kutter essaie en effet d'illustrer l'impact de l'implantation de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), puis de la Communauté Économique Européenne (CEE) sur le Grand-Duché et ses habitants. À commencer par les retombées du défilé des célébrités politiques étrangères venues très nombreuses pour rendre hommage aux nouvelles institutions communautaires et, du coup, pour saluer le pays qui les a accueillies. Sont aussi illustrés le débarquement des fonctionnaires européens, leur installation dans des bâtiments parfois réquisitionnés, l'aménagement du plateau du Kirchberg en "centre européen", l’extension des quartiers périphériques du Limpertsberg, de Belair et de Merl, la construction d'appartements pour faire face à la demande de plus en plus pressante de logements suscitée par le développement constant des services communautaires, la modernisation des infrastructures routières, ferroviaires, aériennes et téléphoniques.
Charles Barthel, du CERE, et une des chevilles ouvrières de l’exposition, dit dans un article: "Abstraction faite de ces mutations visibles du tissu urbain, l'exposition tente également de faire découvrir au spectateur le changement de mentalités déclenché autrefois par les "envahisseurs venus d'un autre monde" (dixit: Jean Monnet). Sous l'influence des gens de la CECA, beaucoup de Luxembourgeois commencèrent peu à peu à échanger leur mode de vie plutôt traditionnaliste – pour ne pas dire provincial – contre une certaine mondanité inconnue auparavant. Les thés-dansants, les défilés de mode, les concerts symphoniques patronnés par les fédéralistes européens, le bazar international, … et le grand prix Eurovision de la chanson étaient soudain très en vogue. À l'inverse, beaucoup de fonctionnaires de la CECA respectivement de la CEE décident de s'installer durablement dans leur nouvelle patrie. L'Europe a ainsi largement contribué à l'éclosion de notre société multiculturelle d'aujourd'hui."
L'exposition placée sous le haut patronage du Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères, de la Représentation de la Commission européenne et du Bureau d'information du Parlement européen à Luxembourg a lieu au foyer du Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg (Rondpoint Schuman). Elle est ouverte tous les jours du 8 mai au 2 juillet 2010 de 11h00 à 20h00. L'entrée est libre. Une brochure gratuite est à la disposition des visiteurs.
Le samedi 8 mai, un des rendez-vous était la Fête de l’Europe sur le parvis de la CJUE. Les tentes des stands des institutions et des Etats membres ainsi que la tribune de la Ville de Luxembourg qui d’habitude remplit une place paraissaient minuscules et un peu perdues avant que la foule n’envahisse les lieux autour de midi, tant les bâtiments de la CJUE sont immenses. La porte ouverte de la Cour fut un franc succès. 1700 visiteurs ont été comptés pour déambuler dans la grande salle d’audience, la salle de délibérés, jamais ouverte au public, avec sa baie vitrée panoramique qui s’ouvre sur la ville, pour arpenter la galerie qui mesure plusieurs centaines de mètres, et où restaurant, cafétéria, services bancaires, librairie, et bibliothèque s’alignent, grand lieux de rendez-vous des fonctionnaires de la Cour. Devant de tels volumes, les impressionnantes galeries du palais d’Auguste ou des thermes de Caracalla sont tout compte fait des édifices modestes.
Quand Astrid Lulling, la doyenne des eurodéputés luxembourgeois, a inauguré la fête, elle a admis qu’"à l’heure actuelle (...), où l’Europe semble désemparée, la célébration de l’anniversaire de la Déclaration Schuman peut faire débat". Pourtant, ni Schuman ni Monnet ne sont pour elle dépassés. Les difficultés de l’Europe de 2010 lui semblent à elle, qui avait 21 ans en 1950, moins graves que celles d’un continent meurtri par six années de guerre mondiale.
Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, a évoqué Robert Schuman, né à quelques centaines de mètres du lieu de la fête. Les bâtiments du Kirchberg permettent selon lui de mesurer tout le parcours de l’UE depuis 60 ans. Elle fut lancée par un homme timide et discret, un homme à convictions, qui vécut dans une situation différente de la nôtre."Il fallait, après la guerre, un homme qui ouvre les fenêtres et montre que la réconciliation et une vision différente de l’avenir étaient possibles." Aujourd’hui, "ce n’est plus Staline qui est l’adversaire, mais d’autres menaces, qui attaquent le fondement de nos sociétés: des gens anonymes qui spéculent, qui accomplissent des gestes irresponsables dont les conséquences sont des pertes d’emploi et des atteintes au bien-être des populations." Contre ces menaces-là, l’Europe de la justice, de la paix et de la confiance doit être consolidée. "Le 9 mai, en allant à la fête de l’Europe, nous montrons que nous sommes Européens et prêts à nous engager pour ces valeurs", a-t-il conclu.
L’on passa à la découpe du gâteau du Parlement européen. Les concerts se suivirent. La pluie bouda heureusement le Kirchberg jusqu’au soir. L’humeur fut bonne et confiante. Au stade, 8 000 autres spectateurs ont suivi le match de football. L’Europe des citoyens peinait moins que celle des argentiers.