Le Parlement européen, réuni en plénière à Strasbourg, a adopté le 18 mai 2010 une résolution de l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling (PPE) portant sur un projet de directive qui a pour objectif l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante.
Cette résolution, adoptée par 592 voix pour, 30 contre et 36 abstentions, propose des amendements au projet de directive qui avait été proposé à l’automne 2008 par la Commission européenne et qui avait été longuement débattu depuis. Ce texte devait modifier et abroger la directive 86/613/CEE datant de 1986.
En effet, en ce qui concerne les travailleurs indépendants et les conjoints de travailleurs indépendants, la directive en vigueur datant de 1986 n'a pas produit beaucoup d'effets et son champ d'application a dû être revu étant donné que la discrimination fondée sur le sexe existe aussi dans d'autres domaines que le travail salarié.
Il s’agissait aussi de traiter des aspects non couverts par les directives 2006/54/CE, 2004/113/CE et 79/7/CEE, en vue d’une mise en œuvre plus efficace du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante ou contribuant à l’exercice de cette activité.
Le Conseil devrait adopter ces amendements le 7 juin prochain, ce qui marquera la fin du processus. Les Etats membres auront ensuite deux ans pour mettre en œuvre toutes ces modifications à la directive ou jusqu'à 4 ans "si les Etats membres ont des difficultés à trouver les moyens de garantir une protection sociale aux femmes exerçant une activité indépendante ou aux conjoints aidants".
Astrid Lulling, qui a été rapporteur sur la révision de la directive, est intervenue dans le débat qui, le 17 mai 2010, a précédé le vote. L’eurodéputée luxembourgeoise a notamment rappelé les étapes du long processus qui a permis d’aboutir à ce texte et elle a d’ailleurs commencé en déclarant, que "la persévérance est une vertu".
"Depuis le début des années 90, je n'ai cessé de revendiquer une réforme de la directive de 1986 relative à l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes aux travailleurs indépendants et à leurs conjoints, parce qu'elle n'a pas atteint son objectif principal, à savoir améliorer le statut du conjoint aidant dans les entreprises familiales, en matière de sécurité sociale et de protection de la maternité", a ainsi expliqué Astrid Lulling.
"En adoptant mon rapport de 1997, le Parlement avait déjà demandé une modification de cette directive au libellé trop timide, alors que le Conseil des ministres n'avait même pas suivi la proposition plus ambitieuse de la Commission européenne de 1984", s’est-elle ensuite souvenue.
C’est ainsi que la Commission a attendu jusqu’en octobre 2008, "malgré les multiples rappels du Parlement européen", comme n’a pas manqué de le souligner Astrid Lulling, pour proposer de remplacer la directive de 1986 par un texte ayant une base juridique plus solide.
Les discussions ont finalement duré six mois au Parlement européen et, après l’adoption en commission du rapport d’Astrid Lulling le 31 mars 2009, des amendements visant à améliorer la proposition de la Commission européenne ont été adoptés en première lecture le 4 mai 2009 par le Parlement réuni en plénière.
"Nous avions notamment considéré qu'une affiliation obligatoire des conjoints et des partenaires reconnus aux systèmes de protection sociale de l'indépendant serait de mise pour créer entre autre un droit propre du conjoint à une pension de vieillesse", a rappelé Astrid Lulling en expliquant que "si l'affiliation est volontaire, trop de conjoints ont tendance à renoncer à se créer des droits et se retrouvent notamment après un divorce, sans protection sociale, même s'ils ont travaillé pendant des dizaines d'années dans l'entreprise familiale et contribué à sa prospérité".
Ce n’est donc pas sans regrets que l’eurodéputée souligne que le Conseil des ministres n’a pu s’entendre sur ce principe de l’affiliation obligatoire. C’est finalement lors du Conseil EPSCO du 8 mars 2010 que les ministres ont pu présenter une position commune.
Astrid Lulling a salué tant "le doigté et la persévérance exceptionnels" dont a fait preuve la présidence espagnole à ce sujet, que le cabinet de la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding. "Grâce à leur compréhension et leur assiduité, nous avons pu arriver à un accord avec le Conseil qui permettra l'entrée en vigueur de la nouvelle directive", s’est-elle félicitée.
Finalement, il appartiendra aux Etats membres de déterminer si cette couverture du conjoint est mise en œuvre à titre obligatoire ou volontaire, selon un amendement de compromis négocié avec le Conseil en deuxième lecture.
Dans tous les cas, une femme enceinte, qu'elle exerce une activité indépendante ou qu'elle soit la conjointe d'un travailleur indépendant, devrait avoir droit à un congé de maternité de 14 semaines, soit le minimum requis selon la législation européenne actuelle sur le congé de maternité. Un progrès souligné par Astrid Lulling.
Il appartiendra aux Etats membres de décider si ce congé est obligatoire ou volontaire. Ils peuvent également prévoir que cette protection sociale "soit proportionnelle à la participation aux activités du travailleurs indépendant".
L'accès à tout service de remplacement temporaire existant permettant d'interrompre les activités professionnelles pour raisons de maternité, pourra constituer une solution de substitution à l'allocation de maternité ou une partie de celle-ci.
L’eurodéputée a souligné que ces avancées respectent le principe de subsidiarité en laissant le choix aux Etats membres d'organiser la protection sociale des conjoints en conformité avec leur droit national et la mise en œuvre à titre obligatoire ou volontaire.
Si elle reconnaît qu’il lui a fallu "mettre de l’eau" dans son vin, Astrid Lulling s’est félicitée d’avoir "bien servi les intérêts des travailleurs indépendants, qui, avec 16 % de la population active, dont 1/3 de femmes, représentent une force considérable en Europe".
"Leurs conjoints, en grande majorité des femmes, qui participent effectivement à l'activité de l'entreprise agricole, artisanale, commerciale ou de profession indépendante, sont trop souvent encore dans certains Etats membres des travailleurs invisibles qui, s'ils étaient affiliés, augmenteraient le taux d'activité et permettraient d'atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020", a plaidé l’eurodéputée.
A ceux qui s’opposent au projet qu’elle a défendu, Astrid Lulling a tenu à opposer l’expérience de ceux qui, au Luxembourg, sont aujourd’hui heureux d’avoir été soumis à l'affiliation obligatoire des conjoints des agriculteurs à la caisse de pension agricole.