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Énergie - Environnement
Les frais de construction du réacteur à fusion ITER explosent – Le député vert Henri Kox interpelle le gouvernement
26-05-2010


ITERLe député des Verts Henri Kox a adressé le 21 mai 2010 une question parlementaire urgente (n° 665) au ministre de l’Economie, Jeannot Krecké, au sujet du financement du réacteur à fusion ITER. François Biltgen, ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, lui a répondu le 25 mai 2010.

Henri Kox aborde dans sa question le surcoût de ce projet, auquel l’Europe participe à raison de 45 % (contre 9 %  pour chacun des six autres partenaires (Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, Inde, Japon et Russie), par rapport à son budget prévu initialement.

Selon Henri Kox, qui se base sur des informations en provenance de la Commission européenne et du Conseil saisis en urgence de la question, le budget serait passé de 4,6 milliards d'euros, dont 2,7 milliards pour l’Europe, pour les dix ans de construction et de 4,8 milliards d'euros pour les vingt ans d'exploitation à 7,2 milliards d’euros, "en raison de l'évolution de la conception du réacteur et du renchérissement des matériaux".

Cela représente un surcoût de 4,5 milliards d'euros, dont 1,4 milliard à trouver en 2012 et 2013. Le Conseil Compétitivité du 26 mai 2010 devrait discuter de l'opportunité d'une contribution accrue des Etats membres ou du budget européen.

Selon les informations de Henri Kox, "aucune délégation ne s'est formellement opposée à une augmentation de la contribution financière ni n’a mis en doute l'opportunité politique d'un tel projet."

D’où sa question sur la position du Luxembourg "sur les contributions accrues des Etats membres ou du budget européen". Henri Kox voudrait savoir si "ce projet est devenu ingérable au niveau du coût financier et inacceptable au niveau politique dans une situation de crise financière et d'austérité budgétaire". Aussi voudrait-il savoir si "le Luxembourg ne devrait pas s'opposer fermement au financement national ou européen des coûts supplémentaires" et investir "cet argent dans la recherche autour des énergies renouvelables qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre le changement climatique".

La réponse de François Biltgen

Dans sa réponse, François Biltgen défend la fusion nucléaire comme "une des rares sources d'énergie durable que l'humanité puisse envisager à long terme". Elle est selon lui "sûre", elle "a un impact minimum sur l'environnement et ne comporte aucune contrainte de disponibilité ni de répartition géographique de combustible".

Par ailleurs, il attire l’attention sur le fait que les travaux de recherche en matière de fusion ont démarré au début des années 70 et que l'Europe s'est affirmée sur le devant de la scène, principalement en raison de l'intégration des programmes nationaux relatifs à la fusion dans un seul programme de recherche coordonnée au niveau d'Euratom et financé par les Programmes cadre de R&D communautaires successifs. Et d'ajouter: "Grâce aux progrès accomplis au cours des dernières années, la R&D sur l'énergie de fusion a atteint un point où un progrès effectif vers la démonstration de la production d'énergie durable à partir de la fusion nucléaire paraît envisageable."

Pour François Biltgen, l'objectif à long terme du programme européen relatif à la fusion est la création conjointe de réacteurs de démonstration économiquement viables. Cette stratégie comprend, en première priorité, la construction et l'exploitation d'ITER (Réacteur thermonucléaire expérimental International), une installation expérimentale d'envergure conçue pour démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la fusion en tant que source d'énergie à grande échelle aux caractéristiques favorables en termes de sûreté et d'environnement. Et il ajoute : "Le projet ITER pourrait être suivi d'un réacteur de démonstration, en prélude à une exploitation commerciale de l'énergie de fusion."

D’un point de vue institutionnel, "la contribution d'Euratom à ITER est gérée par l'entreprise commune européenne pour ITER, 'Fusion For Energy' (F4E), l'agence domestique européenne instituée par le Conseil en mars 2007 et basée à Barcelone. Les membres de F4E, à savoir Euratom, les 27 Etats membres et la Suisse, sont tous représentés dans ses structures de gestion. La contribution de l'UE à la construction d'ITER consiste essentiellement à fournir ‘en nature’ à l'organisation ITER, par l'intermédiaire de F4E, des systèmes et composants essentiels d'ITER. Il appartient au Parlement européen de donner la décharge budgétaire à l'entreprise commune européenne pour ITER.

Quant aux coûts, selon l'estimation de 2001, François Biltgen expose que "le coût total de la construction d'ITER devait s'élever à 5,9 milliards d'euros. La contribution d'Euratom s'établissait à 2,7 milliards d'euros (environ 45 %), soit 1 735 millions d'euros pour les composants/systèmes à fournir 'en nature' et 945 millions d'euros à fournir 'en numéraire' à l'organisation ITER. A cette contribution il faut ajouter les frais de fonctionnement de l'agence domestique européenne F4E de quelques 650 millions d'euros qui n'étaient pas encore prévus en 2001. Par conséquent le coût total d'Euratom s'établissait à 3,35 milliards d'euros (en prenant en compte ce coût total, la contribution d'Euratom s'élèverait à 2,8 milliards d'euros et la charge supportée par la France à 550 millions d'euros)."

Confirmant les informations de Henri Kox, le ministre continue : "Selon les estimations actuelles de F4E pour la phase de construction (pour l'Europe uniquement), actualisées en fonction du calendrier proposé (2007-2020) et présentées au conseil de direction de F4E en mars 2010, le coût s'élève désormais à 7,25 milliards d'euros : 6,6 milliards d'euros en ce qui concerne la contribution à la construction d'ITER et 650 millions d'euros en ce qui concerne frais de fonctionnement de F4E. Sur la base de ces estimations, la contribution d'Euratom s'élèverait à 5,9 milliards d'euros et la charge supportée par la France, à 1,3 milliard d'euros. Par conséquent, le surcoût de la contribution d'Euratom (financée par le budget européen) s'élèverait à 3,1 milliards d'euros (c'est-à-dire 5,9 milliards d'EUR au lieu de 2,8 milliards d'EUR). Chaque partie s'est engagée à apporter les contributions convenues en nature indépendamment du coût final d'acquisition et de fourniture des composants."

Ainsi que l’a souligné le ministre, les surcoûts de 3,1 milliards d'euros sont liés principalement aux évolutions du projet (sept partenaires au lieu de trois partenaires qui est lié à des frais de coordination beaucoup plus élevés, l'évolution du design, de l'ingénierie du réacteur et des bâtiments) et aux surcoûts des matières premières et du travail.

Lors du Conseil Affaires générales et relations extérieures du 16 novembre 2010, le Conseil a confirmé le soutien au projet ITER, pour autant que les conditions limites fixées par la Commission, telles que des évaluations crédibles en matière de coûts, des niveaux de dépense acceptables et maîtrisés, un calendrier réaliste et une gestion saine du projet à tous les niveaux, puissent finalement être remplies. Le Conseil a demandé que les changements nécessaires soient apportés à la gestion du projet et qu'une politique déterminée soit menée en matière de contrôle budgétaire ainsi que de réduction et de maîtrise des coûts.

La source des dépassements de coûts n’a pas laissé indifférentes les institutions européennes et "a fait l'objet d'une analyse par des experts, dont il ressort qu'une série de problèmes devraient être réglés d'urgence dans la gouvernance de l'agence domestique européenne F4E et de l'organisation internationale ITER. (...) L'agence domestique européenne F4E est en cours de restructuration et un nouveau directeur est en train de réorganiser les méthodes de maîtrise des coûts", ce qui devrait déboucher sur une réduction des coûts de construction globaux pour l'Europe d'un montant de 600 millions d'euros.

En ce qui concerne l'organisation internationale ITER, "les problèmes d'escalade des coûts concernent les ressources de conception et de gestion. (...) Le Conseil ITER mettra en œuvre les aspects essentiels du rapport d'évaluation de la gestion, parmi lesquels le remplacement de l'actuel Directeur Général de l'organisation ITER pour le mois de juin 2010", selon François Biltgen.

Contrairement aux informations de Henri Kox, aucun accord n’a encore été trouvé en amont du Conseil Compétitivité du 26 mai 2010 qui est censé donner des orientations à la Commission concernant l'état d'avancement d'ITER et le financement de la contribution européenne du projet ITER.

Et le ministre de déclarer : "A l'heure actuelle, la position du Luxembourg en vue du Conseil Compétitivité du 26 mai 2010 est guidée par le souci de fixer les besoins de financement supplémentaires dans les limites du cadre des perspectives financières actuelles (2007-2013). Le Luxembourg insiste en outre sur le fait que cette solution ne devrait pas impliquer ni de nouvelles contributions financières collectives des Etats membres, ni une augmentation nette du plafond global prévu par le cadre financier 2007-2013."

Le Luxembourg fait sienne la recommandation du conseil de direction de F4E "de réduire les coûts de construction globaux pour l'Europe d'un montant de 600 millions d'euros. Par conséquent le Luxembourg se rallie au plafonnement de la contribution européenne à un montant maximal de 6,6 milliards d'euros. Le Luxembourg demandera à la Commission de soumettre dès que possible une proposition pour le financement de la contribution européenne du projet ITER pour les années 2012-2013." Un abandon du projet n’est pas envisageable, car il aurait un coût considérable sur le plan politique et sur le plan financier.

"Selon les premières estimations de la Commission un abandon du projet ITER aura un coût considérable sur le plan politique et sur le plan financier. La construction d'ITER a été identifiée dans le plan SET (European Strategic Energy Technology Plan) comme un des défis majeurs de la technologie pour les dix prochaines années afin de répondre à la vision 2050 qui a pour but de réduire les émissions da gaz à effet de serre de 60 % à 80 %", a souligné François Biltgen.

Dans le cadre du 7e Programme cadre R&D de la Communauté européenne (2007-2013), le budget prévu pour les énergies renouvelables s'élève à 1,6 milliards d'euros tandis que le budget prévu pour le projet ITER s'élève à 1,6 milliards d'euros.

Dans sa communication du 3 mars 2010 "Europe 2020: Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusiv", la Commission a présenté parmi les sept initiatives phares "une Europe efficace dans l'utilisation des ressources" qui vise à découpler la croissance économique de l'utilisation des ressources, à favoriser le passage vers une économie à faible émission de carbone, à accroître l'utilisation des sources d'énergie renouvelable à moderniser notre secteur des transports et à promouvoir l'efficacité énergétique.

Les grandes lignes ont été approuvées par le Conseil européen des 25 et 26 mars 2010. Pour agir dans le domaine des ressources énergétiques, d'après la communication de la Commission, il sera nécessaire de mettre en œuvre nos engagements en matière de réduction des émissions de manière à optimiser les bénéfices et réduire les coûts, y compris en diffusant des solutions innovantes sur le plan technologique, ainsi que l’a tenu à souligner le ministre.

De plus, François Biltgen a expliqué que l’UE devra essayer de découpler croissance et consommation d'énergie afin de devenir une économie plus efficace dans l'utilisation des ressources. Cela donnerait non seulement à l'Europe un avantage compétitif, mais réduirait aussi sa dépendance face aux matières premières et aux produits de base provenant de l'étranger. A l'échelon de l’UE, la Commission s'efforcera d'achever le marché intérieur de l'énergie et mettre en œuvre le plan SET. La promotion de sources d'énergie renouvelable dans le marché unique sera également une priorité.

Finalement, François Biltgen a tenu à informer Henri Kox que depuis septembre 2009 les dossiers (y inclus le dossier ITER) des différents Conseils Compétitivité sont exposés par mes services dans la commission de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, des Media et des Communications de la Chambre des députés et que le dossier lTER figurera de nouveau à l'ordre du jour de la prochaine commission prévue pour le 16 juin 2010.