A l’issue d’un Conseil ECOFIN du 8 juin 2010 qu’il a jugé "important pour l’UE et le Luxembourg", le ministre des Finances, Luc Frieden, a donné des précisions sur le rôle et le fonctionnement de l’European Financial Stability Facility. Il s’agit là de la nouvelle société anonyme de droit luxembourgeois qui permettra à des pays de la zone euro d’emprunter en cas de difficultés des capitaux sur les marchés avec la garantie des autres Etats membres de la zone euro. Luc Frieden a également commenté les discussions de la taskforce chargée de dégager sous la direction du Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, des pistes en faveur du renforcement de la gouvernance économique dans l’Union européenne. Finalement il a résumé et commenté les travaux du Conseil au sujet de l’adoption de l’euro par l’Estonie début 2011 et sur la question de la réglementation des services financiers suite à la communication de la Commission européenne du 2 juin 2010.
La nouvelle société, dont les statuts ont été publiés à Luxembourg le 8 juin 2010, doit garantir une capacité d’emprunt des pays de la zone euro de 440 milliards en cas de "défaillance" d’un Etat membre qui devra pouvoir ainsi emprunter de nouveau sur les marchés. Luc Frieden a cependant bien précisé "qu’aucun pays de la zone euro n’a actuellement besoin d’une telle aide". L’engagement des garanties des différents pays à travers cette société se fera à travers la clé de participation au capital de la Banque centrale européenne (BCE). De cette manière, le Luxembourg garantira, en fonction de sa clé de 0,17 % 750 millions d’euros, si les 27 sont concernés, mais 1,1 milliards d’euros, s’il s’agit de la seule zone euro. Un projet de loi a été déposé à ce sujet. L’avis du Conseil d’Etat était attendu le 8 juin. La Commission des Finances sera saisie entre le 14 et le 18 juin. Le projet devrait être voté à la Chambre des députés avant la fin du mois de juin.
Ce 8 juin 2010, seul le Luxembourg était actionnaire de la nouvelle société anonyme. Dans les prochains jours, les autres Etats de la zone euro devraient le devenir aussi. Par ailleurs, Luc Frieden a interprété le choix du Luxembourg comme siège de l'EFSF comme un hommage au droit financier luxembourgeois.
Un rôle-clé ira à la Commission européenne qui sera l’instance qui conseillera le recours au mécanisme de stabilisation qu’est l’European Financial Stability Facility. La gestion des émissions d’emprunts sera confiée à la Deutsche Finanzagentur. Par ce mécanisme, l’Europe montre qu’elle est selon Luc Frieden "une communauté de solidarité", mais que celle-ci ne s’exerce pas sans conditions. Le pays qui devra recourir à ce mécanisme d’emprunt garanti devra en même temps présenter son programme de réduction des déficits.
Le soir du 8 juin, Klaus Regling, qui avait été directeur général de la DG Affaires économiques et financières de la Commission européenne entre 2001 et 2008, a déjà été nommé directeur de la nouvelle société.
Pour Luc Frieden, les travaux de la taskforce sous la direction de Herman Van Rompuy on avancé sur la question de la présentation des grandes orientations budgétaires des Etats membres au Conseil et à la Commission. "Cette procédure sera utile pour les gouvernements et permettra d’éviter certains développements comme ceux qu’on vient de connaître. Il ne s’agit pas d’un diktat, mais nous nous sommes tous ensemble dans une union monétaire. Cela comporte des obligations. Un budget national n’est de ce fait pas exclusivement national", a conclu le ministre.
Luc Frieden a également approuvé l’idée d’un système de carte orange en cas de déficits budgétaires excessifs et de sanctions automatiques indépendantes de la taille ou de l’influence d’un pays, ce qui renforcera l’égalité de traitement au sein de l’UE.
Le dossier de l’European Financial Stability Facility et l’objet de la taskforce de Herman Van Rompuy sont liés pour le ministre Frieden. A chacun de ces niveaux, il s’agit de renforcer la dimension préventive du pacte de stabilité et de croissance et d’éviter des changements dans le traité européen, car toute initiative d’amender le traité serait actuellement vouée à l’échec.
Luc Frieden s’est réjoui des décisions sur la possibilité d’aller vérifier sur place le fonctionnement de la collecte de données comparables dans les Etats membres. Il a salué l’entrée de l’Estonie dans la zone euro le 1er janvier 2011 : "La décision de l’Estonie montre que l’euro est perçu comme un avantage, malgré le contexte actuel. L’Estonie est un pays sérieux, dont la dette publique n’est pas plus grande que celle du Luxembourg. Le taux d’inflation y est bas."
La discussion sur la communication de la Commission européenne sur la réglementation des marchés financiers a porté sur la nécessité de rendre certaines transactions sur des produits dérivés plus transparentes. Les ministres ont marqué leur accord pour la création des trois autorités européennes de surveillance des banques, des marchés financiers et des assurances. La solidité des banques dépend selon Luc Frieden de l’évolution des discussions autour de Bâle III, notamment en ce qui concerne les normes dans le domaine des capitaux propres. Mais ici, le ministre pense que l’Europe ne peut pas faire cavalier seul, mais doit trouver une solution de concert avec les Etats-Unis.
La protection des consommateurs devra également être renforcée, et le Luxembourg est déjà en train de préparer un projet de loi qui permettra la création d’un Fonds alimenté par la communauté bancaire, Fonds qui remboursera les clients d’une banque en difficulté.
Le dernier point a été la taxe bancaire internationale, un sujet qui occupera également le G20. La position luxembourgeoise est que la discussion actuelle est assez confuse. S’il y a un certain consensus pour renforcer le contrôle su secteur financier, Luc Frieden est d’avis qu’il faut néanmoins savoir pourquoi l’on percevrait une taxe. Est-ce pour soutenir des banques en difficultés ? Est-ce pour rendre plus difficiles des transactions très risquées ? Ou est-ce pour disposer de plus de recettes budgétaires ? Le Luxembourg est très clairement pour la deuxième raison. Mais la discussion ne vient que de commencer.