Réunis à Luxembourg sous la présidence de Jean-Claude Juncker, les ministres des Finances de la zone euro ont finalisé le 7 juin 2010 le mécanisme européen de stabilité sur lequel ils s’étaient entendus le 9 mai 2010 et dont ils avaient discuté à nouveau le 17 mai dernier.
Le mécanisme européen de stabilisation prévoyant la création d’un fonds d’urgence à hauteur de 440 milliards d’euros a ainsi été créé à l’occasion de cette réunion.
Comme l’expliquait Luc Frieden dans un entretien publié par le Temps le 7 juin 2010, "le travail technique nécessaire pour créer cette "Facilité de stabilité financière européenne" (European financial stability facility, EFSF) [était] en effet terminé".
L’entité ad hoc dont l’acte de naissance a été signé est prévue pour avoir une durée de vie de trois ans, et, selon Luc Frieden, "il s'agira d'une société anonyme de droit luxembourgeois dont l'activité, en cas de "défaillance" d'un Etat membre doté de la monnaie unique, consistera à emprunter des capitaux avec la garantie de tous les Etats de la zone euro, qui seront ses actionnaires à proportion de leur participation au capital de la Banque centrale européenne".
Pour Luc Frieden, il s’agira donc d’un "mécanisme intergouvememental opérationnel, à objet précis : venir en aide à un Etat membre confronté à un besoin urgent de financement, comme cela fut le cas pour la Grèce". Bien entendu, il y aura des règles, la première étant que "cette capacité d'emprunt de 440 milliards d'euros, garantie par les pays de l'Eurogroupe, ne sera activée qu'en deuxième ligne, si l'autre mécanisme européen mis en place, à savoir la facilité d'ajustement à la balance des paiements de 60 milliards d'euros confiée à la Commission, ne suffit pas". "La seconde règle est que l'Etat demandeur présente un programme de redressement crédible et rigoureux", a ajouté Luc Frieden.
Au cours des négociations concernant les modalités techniques de fonctionnement de cet instrument, il a été question un temps d’une garantie solidaire de tous les Etats pour l’intégralité des prêts. Mais cette solution a été écartée et finalement, chaque pays ne garantira que sa part de contribution dans les prêts octroyés.
"Le système de garanties est un système de garanties individuelles des États membres et, afin de faciliter la notation la plus haute possible, il y a une certaine somme additionnelle par pays", un montant "supplémentaire de 20%", a ainsi expliqué le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion.
"Pour accélérer le processus, le Luxembourg est le premier actionnaire, et transférera les actions rapidement aux autres États membres de la zone euro", a précisé Jean-Claude Juncker à l’issue de la réunion et il n’a pas manqué d’ajouter que la structure serait "opérationnelle dès que des pays représentant 90 % de l'actionnariat auront terminé leurs procédures nationales, ce qui est attendu courant juin".
Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international (FMI) qui était présent à Luxembourg et avait rencontré Jean-Claude Juncker quelques heures avant la réunion de l’Eurogroupe au cours de laquelle il est intervenu, a salué cette décision qu’il voit comme une "réaction européenne forte, puissante, organisée". "Le fonds qui a été mis en place est aujourd'hui matérialisé, il a fallu évidemment du temps mais c'est un sujet technique compliqué et je pense que les marchés vont maintenant - ça prendra aussi un petit peu de temps - réagir plus sereinement en regardant les chiffres européens de façon non passionnée", a-t-il encore ajouté.
Dominique Strauss-Kahn a déclaré s'attendre désormais à une attitude des marchés "plus sereine" et ce alors que la monnaie unique est tombée dans le courant de la journée du 7 juin en dessous de 1,19 dollar et que les inquiétudes sur la situation budgétaire de la Hongrie semblent agiter les marchés.
Tous se sont voulus rassurants au sujet de la Hongrie, dont tous se sont refusés à comparer la situation budgétaire avec celle de la Grèce, et Jean-Claude Juncker a répété ne pas être "préoccupé par l'euro". "Lorsqu'on regarde par exemple les ratios de dette, les déficits extérieurs, les déficits publics, il ne sont pas immensément supérieurs en Europe au reste du monde", a par ailleurs déclaré Dominique Strauss-Kahn.
Les ministres des Finances de la zone euro ont examiné la recommandation de la Commission européenne concernant l’adhésion de l’Estonie à la zone euro au 1er janvier 2011. Ils ont reconnu les progrès significatifs réalisés par l’Estonie. Jean-Claude Juncker a ainsi annoncé que l’Estonie serait le 17e membre de la zone euro. La décision formelle devrait être prise à l’occasion de l’Ecofin du 8 juin 2010 puis elle devra être validée à l’occasion du Conseil européen.
Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, avait saisi l’occasion de la présence des ministres des Finances de l’UE à Luxembourg pour y convoquer, à la suite de la réunion de l’Eurogroupe, la deuxième réunion du groupe de travail qu’il préside et qui est chargé de dégager des pistes en faveur du renforcement de la gouvernance économique dans l’Union européenne. Luc Frieden et Jean-Claude Juncker y participaient. La première réunion de ce groupe de travail avait eu lieu le 21 mai 2010 et avait permis de fixer les objectifs de cette task force.
Les membres du groupe de travail se sont concentrés sur deux des objectifs déterminés le 21 mai à savoir, d’une part le renforcement du pacte de stabilité et d’autre part la réduction des écarts de compétitivité.
"Nous allons améliorer le Pacte de stabilité européen en créant davantage de sanctions intervenant plus tôt", a ainsi annoncé Herman Van Rompuy à l’issue de la réunion.
Parmi les mesures évoquées pour durcir la discipline budgétaire, Herman Van Rompuy a dans un premier temps cité ce qu’il appelle le "semestre européen". C’est à au printemps effet que les orientations budgétaires nationales seront présentées à la Commission et autres Etats membres de l’UE, un principe accepté par les ministres.
Cet examen porterait sur "les grandes hypothèses de travail" des projets de budgets, comme par exemple les taux de croissance et d’inflation ou encore les revenus totaux, les dépenses totales et les objectifs de déficit. "Un gouvernement qui présenterait un budget avec un déficit élevé devrait se justifier devant ses pairs et comme cela se passerait au printemps il y aurait encore suffisamment de temps pour faire des ajustements avant le budget final", a expliqué Herman Van Rompuy en soulignant bien qu’il ne s’agirait en aucun cas d’un examen détaillé par les institutions européennes, ce qui reste une prérogative des parlements nationaux. Le président du Conseil de l’UE a aussi insisté sur le fait que cet examen permettrait au parlement national de juger des orientations budgétaires du gouvernement en connaissant sa crédibilité.
L'accord trouvé par les ministres envisage en second lieu la possibilité de sanctions même lorsque la limite actuelle de 3 % du PIB fixée par le Pacte pour les déficits publics n'est pas encore dépassée, si un pays ne tient pas compte de mises en garde ou laisse sa dette s'envoler.
Ces sanctions, qui restent à définir mais qui devraient être plus progressives, pourraient être décidées si un pays n'a pas tenu compte de mises en garde de ses partenaires sur la dérive de ses comptes publics, ou si le niveau global de sa dette gonfle trop vite. Les ministres ont ainsi demandé à la Commission européenne de faire des propositions pour définir de nouvelles sanctions.
Par ailleurs, l’accent devrait être mis sur la surveillance de la dette globale, qui ne devrait pas dépasser 60 % du PIB, et non plus seulement sur le contrôle des déficits annuels. L’idée maîtresse est de pouvoir déclencher des procédures pour déficit excessif plus tôt pour les pays dont la dette ne recule pas assez rapidement.
Enfin, les ministres ont aussi soutenu la nécessité de garantir l’indépendance des offices nationaux de statistiques pour qu’ils puissant livrer des données indépendamment de toute influence politique.
En matière de surveillance des écarts de compétitivité, les ministres ont demandé à la Commission de développer des indicateurs de compétitivité qui devraient permettre de mettre en place un mécanisme d’alerte.