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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
A peine publié, le Livre vert de la Commission sur l’avenir des retraites déclenche des discussions
08-07-2010


Le Livre vert sur la réforme des régimes de retraite vient, au lendemain de sa publication, de déclencher une vague d'inquiétude du côté des syndicats qui visent dans un premier temps un des aspects de la discussion sur les systèmes de retraite : l’âge de départ à la retraite.

Partant du fait que "ces cinquante dernières années, l’espérance de vie dans l’Union européenne s’est accrue d’environ cinq ans" et que  « les dernières prévisions démographiques annoncent une nouvelle augmentation d’environ sept ans d’ici 2060", la Commission prévoit "un bouleversement de la pyramide des âges". Une des conséquences est que "le rapport de dépendance économique des personnes âgées doublera". Bref, "si l’on compte actuellement quatre personnes en âge de travailler pour chaque personne de plus de 65 ans, elles ne seront plus que deux pour une d’ici 2060." Le texte du Livre vert renvoie ensuite à un graphique dans les annexes pour corroborer sa thèse.

Or, c’est le commentaire du graphique auquel renvoie le texte qui déclenche les interrogations, car il contient une nouvelle thèse. Il dit en effet, en anglais, alors que le reste du texte est en français : "In 2010, when it is assumed that people leave the labour market on average at age 60, the dependency ratio, i.e. the number of people of working age relative to the number of people above age 60, amounts to 5 to 2. If by 2040 people were to remain until 67 the corresponding ratio would stay constant and the increase by 2060 would far less dramatic than at lower exit ages. There would be no increase if the exit age would increase another 3 years between 2040 and 2060." ( "En 2010, en partant de l’hypothèse que les gens quittent le marché du travail en moyenne à l’âge de 60 ans, le ratio de dépendance, c’est-à-dire le nombre de personnes en âge de travailler par rapport au nombre de personnes âgées de plus de 60 ans est de 5 à 2. Si vers 2040 les gens travaillent jusqu’à 67 ans, ce ratio resterait le même, et son augmentation autour de 2060 serait moins dramatique que si les gens quittaient le marché du travail plus tôt. Il n’y aurait pas d’augmentation de ce ratio si l’on ajoutait encore 3 ans entre 2040 et 2060." trad. Europaforum.lu) Certains y voient la volonté de relever à terme l’âge de départ à la retraite à 67 ans, puis à 70 ans.

Un passage à la page 12 du Livre vert énonce une thèse qui va également dans ce sens. "Prolonger la vie active de manière à refléter la progression continue de l’espérance de vie serait doublement bénéfique: cela assurerait des niveaux de vie plus élevés et des retraites plus durables." Et les auteurs ajoutent, alors que le chômage des jeunes en Europe dépasse depuis plusieurs années les 20 % : "Pour améliorer la viabilité et l’adéquation des retraites, il est important que les travailleurs, et très souvent les plus jeunes, occupent plus longtemps des emplois assortis d’un salaire et d’un temps de travail leur donnant des droits à pension."

A partir de ces thèses, le Livre vert pose des questions. Une de ces questions se lit ainsi : "Comment parvenir à relever l’âge effectif de départ à la retraite et comment l’augmentation de l’âge ouvrant droit aux prestations de retraite pourrait-elle y contribuer? Faut-il introduire dans les systèmes de retraite des mécanismes d’ajustement automatique à l’évolution démographique en vue d’équilibrer le temps passé au travail et le temps passé à la retraite? Quel rôle l’UE pourrait-elle jouer à cet égard? "

En fait, la Commission semble vouloir pousser vers une coordination voire une réglementation coordonnée des politiques nationales de retraite. A la page 20 du Livre vert, on peut lire : "Si l’Union veut soutenir adéquatement les efforts de réforme nationaux, le cadre de coordination stratégique doit reposer sur une approche intégrée reflétant la complexité croissante des systèmes de retraite. En outre, compte tenu de l’intégration économique et financière de plus en plus poussée, le cadre réglementaire de l’UE et la bonne coordination des politiques européennes et nationales revêtent une importance grandissante."

Autre passage de cette même page : "La politique des retraites est une préoccupation commune des autorités publiques, des partenaires sociaux, du secteur et de la société civile aux niveaux national et européen. Une plate-forme commune qui permettrait de suivre tous les aspects de la politique et de la réglementation des retraites de manière intégrée et de réunir toutes les parties prenantes pourrait contribuer à l’obtention et au maintien de retraites adéquates, viables et sûres. La Commission tient donc à examiner la meilleure manière de parvenir à un tel résultat, pour appuyer les objectifs économiques et sociaux plus larges de l’Union européenne."

La Commission voudrait donc savoir si le cadre de coordination stratégique au niveau de l’UE devrait être renforcé. "Si oui, quels éléments devraient être renforcés pour améliorer la conception et l’application de la politique des retraites selon une approche intégrée? La création d’une plate-forme de suivi intégré de l’ensemble des aspects de la politique des retraites constituerait-elle un élément de la solution?" Il n'y pas de question qui commence avec "si non, ..."

Les syndicats inquiets

Le président de l’OGBL, Jean-Claude Reding, dont les propos sont rapportés par le Tageblatt du 8 juillet 2020, reproche à la Commission d’utiliser un "facteur objectif, le développement démographique, pour traiter d’autres dossiers." La Commission veut que des mesures structurelles soient prises qui améliorent la situation financière des Etats membres. Une de ces mesures serait de mettre le frein aux dépenses pour les retraites. Pour Jean-Claude Reding, la Commission ne veut pas analyser l’impact social et économique d’une population vieillissante, mais il s’agit de pratiquer le plus rapidement possible des réductions budgétaires et de la dette publique. Le chef de l’OGBL voit dans cette approche le danger d’une politique récessive dans la zone euro alors qu’il faudrait une approche plus différenciée et qui mise sur la solidarité entre les Etats membres.

La Confédération européenne des syndicats (CES) a de son côté, dans un communiqué publié le 8 juillet 2010, également marqué son inquiétude au sujet du Livre vert. S’adressant aux ministres de l’Emploi et des Affaires sociales réunis le même jour à Bruxelles au sein d’un Conseil EPSCO informel, la CES les a appelés "à reconnaître le principe de solidarité aussi bien dans les régimes publics que dans les régimes complémentaires ou professionnels afin d’assurer un droit à une vie digne et indépendante aux retraités, comme le garantit la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne."

Pour la CES, "la Commission se trompe d’enjeu. L’enjeu est de garantir l’adéquation et la pérennité des systèmes de pension et non d’allonger l’âge du départ à la retraite". D’autant que "les employeurs ne permettent pas de maintenir dans l’emploi les travailleurs jusqu’à l’âge légal actuel de la retraite et ne créent pas de conditions de nouvelles embauches pour les jeunes", comme l’ajoute la CES.

Pour la CES, "les principes fondamentaux des systèmes de retraite sont que l’essentiel des revenus de la retraite doivent reposer sur des systèmes fondés sur la solidarité à l’intérieur et entre les générations et garantis par les pouvoirs publics, conformément à la convention 102 de l’Organisation internationale du Travail (OIT). En effet, pour la CES, la finalité des systèmes de pension n’est pas d’alimenter les marchés financiers mais bien de garantir des revenus décents et pérennes aux retraités."

John Monks, le secrétaire général de la CES, avait déjà déclaré dans un premier temps: "Où est la preuve que les employeurs veulent garder les travailleurs plus âgés au travail ? Nous savons que l’espérance de vie augmente mais rien ne prouve que l’augmentation de l’âge de la retraite conduise les employeurs à créer des lieux de travail encourageant les travailleurs plus âgés à rester au travail. En effet, de trop nombreux employeurs estiment que les travailleurs plus âgés tiennent trop à leurs habitudes pour pouvoir s’adapter à des environnements de travail qui évoluent rapidement, et qu’ils devraient être incités à prendre leur retraite anticipée, bien avant l’âge légal de la retraite. La vision de la Commission concernant l’augmentation de l’âge de la retraite apparaît dès lors totalement irréaliste. Il serait plus utile qu’elle indique que les travailleurs peuvent conserver leur emploi jusqu’à l’âge légal de la retraite."