Dès le 8 juillet 2010, la sénatrice belge Dominique Tilmans, qui préside la fédération MR Luxembourg, adressait à François Biltgen un courrier au sujet du projet de loi 6148 visant à supprimer, pour les jeunes âgés de plus de 18 ans, les allocations familiales pour les remplacer par une aide financière de l’Etat pour études supérieures. Pour la sénatrice, le fait que cette aide financière ne soit reversée qu’aux étudiants résidant au Grand-Duché depuis plus de cinq ans "priverait les frontaliers d’une allocation d’études conséquentes".
Dans son courrier au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche luxembourgeois, Dominique Tilmans relevait "qu’un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes pourrait mettre en doute la conformité du projet de loi au regard du droit communautaire". A ses yeux, il pourrait en effet être plaidé que "le bénéfice des prestations sociales est exportable dès qu’un ressortissant travaille dans un pays européen (Lex Laboris)".
Dans un communiqué daté du 23 août, Dominique Tilmans réagit à la réponse que lui a adressée le ministre François Biltgen. Selon ce dernier, la loi en question, qui a entre temps été votée à la Chambre des Députés le 13 juillet 2010, ne va pas à l’encontre du droit européen. Le 15 juillet 2010, le ministre présentait à la presse les modalités pratiques d'obtention de ces nouvelles aides financières pour études supérieures mises en place pour la rentrée 2010/2011.
Comme elle l’écrit dans son communiqué, la sénatrice "n’entend pas en rester là", et elle a d’ores et déjà répondu au ministre. Pour Dominique Tilmans, le Luxembourg se doit, en tant que pays fondateur de l’UE, de "veiller à maintenir une certaine cohérence dans l’idée de la construction Européenne, y compris dans ses aspects sociaux", et ce malgré la crise. Or, elle constate que "les décisions prises et leurs effets collatéraux entraîneront l’existence de deux catégories de travailleurs aux droits sociaux distincts suivant le critère de leur lieu de résidence". Ainsi qu’elle l’a déclarée au micro de RTL Radio Lëtzebuerg, le Luxembourg est à ses yeux "en train de détricoter le droit social européen".
Dominique Tilmans, qui souligne dans son communiqué l’importance des frontaliers pour le bon fonctionnement de l’économie luxembourgeoise, regrette que le Grand-Duché ne se soit pas concerté au préalable avec les 27 Etats membres de l’UE. Et comme elle s’inquiète "de la possible duplication d’une telle situation et du risque de voir émerger un droit social européen à deux vitesses", Dominique Tilmans s’est adressée à la ministre belge de l’Emploi et de l’Égalité des chances, Joëlle Milquet, afin de lui suggérer d’inscrire cette problématique, qui touche quelques 137 000 travailleurs frontaliers, à l’ordre du jour de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne.
Au Luxembourg, ce projet de loi "dont le contenu a été fortement critiqué et contesté" comme l’indique le site même de la Chambre des Députés, a fait réagir les différents syndicats qui ont appelé à une manifestation de protestation prévue le 16 septembre 2010. Les syndicats dénoncent une "politique à deux vitesses menaçant l’égalité de traitement des salariés du Grand-Duché" et ils critiquent le "potentiel discriminatoire" de ces mesures.
L’OGBL, syndicat qui est à l’initiative de cette action, avait annoncé dès le 28 juillet 2010 par voie de communiqué son intention de déposer une plainte auprès de la Commission européenne pour non-respect du droit communautaire. C’est désormais chose faite comme le rapporte David Marques dans un article paru dans le Quotidien daté du 4 août 2010 : "Une réponse sur la recevabilité de la plainte devrait tomber dans les deux semaines. Si la Commission juge que la plainte est fondée, le Luxembourg sera appelé à revoir sa législation sur les allocations familiales. Un délai d'une année sera alors fixé au gouvernement. En cas de refus de légiférer, la Cour de Justice européenne sera saisie."