Dans le cadre des discussions consacrées à la Turquie et à la Serbie lors de la réunion informelle des ministres européens des Affaires étrangères, vendredi 10 et samedi 11 septembre 2010 à Bruxelles, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a plaidé pour l'entrée de la Turquie et de la Serbie I'UE.
Jean Asselborn reconnaît que l’adhésion de la Turquie est un sujet de débat en France et en Allemagne, deux pays qui préféreraient qu’il y ait un partenariat stratégique entre l’UE et la Turquie, plutôt qu’une adhésion complète à l’UE. Mais il n'exclut pas une évolution. Il a déclaré au journal La Voix qu’il "ne faut pas perdre la Turquie". Et il a ajouté : "Elle doit devenir membre de l'Union européenne, elle ne doit pas tourner le dos à l'Europe."
Pour le ministre, "Chypre est bien sûr la question-clé". Ce conflit, qui dure depuis juillet 1974, date à laquelle les troupes turques ont occupé le nord de l’île toujours divisée mais entretemps membre de l’UE, est la principale pierre d’achoppement. Depuis 2006, la Turquie refuse de ratifier le protocole d’Ankara, qui ouvrirait ses ports et aéroports aux navires et avions de la partie sud de l’île, une condition sine qua non pour ouvrir 8 chapitres de la négociation d’adhésion, entretemps gelés par l’UE. D’autre part, Jean Asselborn a pointé vers la nécessité de continuer les réformes en Turquie, mettant l’accent sur les droits civils, la liberté d’opinion et les droits des minorités. Finalement, il a espéré que le processus en cours améliorera les relations gréco-turques au sein de l’OTAN, ce qui devrait par ricochet avoir un effet positif sur les relations entre l’OTAN et l’UE.
Jean Asselborn, qui est un fervent partisan de l’adhésion à terme des pays des Balkans occidentaux à l’UE, s’est réjoui de l’évolution de la position serbe sur le Kosovo depuis l’adoption, jeudi 9 septembre 2010, par l’Assemblée générale des Nations Unies, d'une résolution appelant Belgrade et Pristina au "dialogue". "Une très bonne chose pour tous les Balkans, qui pourrait donner une impulsion nouvelle à tous, alors que la Croatie est sur la dernière ligne droite", a commenté Jean Asselborn.
Pour la première fois en effet depuis la proclamation d'indépendance du Kosovo, en février 2008, la Serbie se déclare prête à discuter avec le gouvernement du Kosovo sans évoquer la question du statut de son ex-province méridionale, dont la sécession a été jugée légale en juillet par la Cour internationale de Justice. La Voix rapporte que Jean Asselborn a insisté pour qu'on ne perde pas ce "momentum", cela d’autant plus que l’Allemagne a demandé que la candidature serbe à I'UE soit officiellement prise en considération. "Nous aurons peut-être une position commune ce lundi", a dit le ministre, "sinon au prochain conseil à Luxembourg en octobre".
Les ministres avaient également évoqué la situation au Pakistan suite aux inondations qui ont frappé ce pays. Pour Jean Asselborn, cité par le Tageblatt, il existe une grande disponibilité en UE pour aider ce pays. L’aide humanitaire est en place, des facilités pour les échanges commerciaux devraient aussi pouvoir être aménagés au sein du système de préférence généralisé (SPG). Mais il faudrait selon lui demander à d’autres pays comme l’Inde et la Chine de procéder de manière analogue.
Jean Asselborn s’est montré en revanche déçu du débat sur la Chine. L'Union européenne reste en effet divisée sur la question d'une levée de l'embargo sur les armes à la Chine, l’'idée de conditionner un tel geste à des critères stricts ne faisant pas consensus. Jean Asselborn regrette que l’UE ne soit pas encore prête à la faire. "On aurait pu proposer un échange aux Chinois: nous levons l'embargo, et vous vous ratifiez la convention sur les droits civils et politiques", a-t-il déclaré, ajoutant : "Pousser les Chinois à ratifier cette convention aurait vraiment donné un coup de pouce aux droits de l'homme en Chine". L'embargo sur les armes à la Chine avait été imposé au lendemain de la répression des manifestations de 1989 place Tiananmen. L'UE s'est mise il y a plusieurs années d'accord pour "revoir" cette décision, mais sans résultat à ce jour.