Une accusation lourde a été avancée le 14 septembre 2010 par les Verts contre le gouvernement luxembourgeois et son ministre délégué au Développement durable, Marc Schank lors d’une conférence de presse menée par l’eurodéputé vert Claude Turmes, et le député vert Camille Gira.
Les Verts reprochent au gouvernement d’avoir "intentionnellement" violé le droit européen, en l’occurrence la directive européenne 92/43 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
Ils reprochent au gouvernement d’avoir publié le 17 novembre 2009 un règlement grand-ducal sur la désignation des zones spéciales de conservation qui modifie le plan d’une zone de conservation dites zone d’habitat dans le cadre du réseau européen Natura 2000. Il s’agit en l’occurrence d’un site dénommé LU0001027 "Sanem - Groussebesch / Schouweiler – Bitchenheck", d’une surface de 275,59 ha, qui est situé sur les territoires des communes de Bascharage, de Dippach, de Reckange sur Mess et de Sanem au sud-ouest du Luxembourg.
Ce site est présenté dans l’annexe cartographique du règlement comme devant être traversé par un contournement qu’il est envisagé de construire à Bascharage et a été, par rapport à des documents cartographiques précédents fournis par le gouvernement, diminué de certaines surfaces.
Claude Turmes a affirmé que des fonctionnaires de la Commission européenne auraient analysé à sa demande le règlement grand-ducal et constaté que "cette manipulation est clairement illégale". Et selon les informations obtenues par les Verts, le gouvernement luxembourgeois n’aurait jamais informé la Commission de cette modification.
Selon les informations disponibles sur les sites de la Commission, une désignation des zones spéciales de conservation se fait en trois étapes. Suivant les critères établis dans les annexes de la directive, chaque État membre compose une liste de sites abritant des habitats naturels et des espèces animales et végétales sauvages. Sur la base de ces listes nationales et en accord avec les États membres, la Commission arrête une liste des sites d’importance communautaire pour chacune des neuf régions biogéographiques de l’UE, (la région alpine, la région atlantique, la région de la mer Noire, la région boréale, la région continentale, la région macaronésienne, la région méditerranéenne, la région pannonienne et la région steppique). Dans un délai maximal de six ans suivant la sélection d’un site comme site d’importance communautaire, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation.
Première étape : Le Luxembourg, qui est situé dans la région continentale, a désigné le site de Bascharage pour la liste de ses sites à protéger comme site d’importance communautaire supplémentaire afin de remédier aux insuffisances de ses propositions initiales faites dans le cadre de la mise en œuvre de la directive Habitats. Cela ressort en tout cas du rapport du Ministère de l’Environnement de 2006 publié en 2007. Ces insuffisances avaient été constatées selon ce même rapport lors du séminaire de la région continentale de Potsdam en 2002 et concernaient la représentation inadéquate du réseau Natura 2000 des prairies maigres de fauche et des prairies à molinies.
La carte du site ainsi désigné en 2006 et sa fiche ne montrent effectivement pas de tracé de route, comme les Verts l’ont souligné au cours de la conférence de presse. La même chose vaut pour la carte globale du Luxembourg publiée par la Commission en 2006.
Deuxième étape : Une liste de sites, qui comporte le site de Bascharage, a été arrêtée par la Commission et sa décision publiée le 12 décembre 2008 dans le Journal officiel de l’UE.
Or, la directive dit au paragraphe 2 que "dès qu'un site est inscrit sur une telle liste, il est soumis aux dispositions de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la directive". Cela veut dire concrètement que :
Le député Camille Gira a récusé l’hypothèse de mesures compensatoires pour la forêt sur le site LU0001027 concerné, arguant que l’on n’ampute pas non plus une cathédrale d’un de ses chœurs latéraux pour l’ériger autre part.
Troisième étape : le règlement grand-ducal de novembre 2009 désigne toute une série de sites d'importance communautaire en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2 de la directive. Son matériel cartographique ne représente pas le site LU0001027 comme sur les fiches remises par le gouvernement luxembourgeois à la Commission en 2006.
Les Verts, qui disent qu’ils sont en train d’analyser le règlement grand-ducal de 2009 dans le détail, pensent que le cas du site de Bascharage n’est pas le seul. Un autre cas est supputé dans le Gréngewald, où une zone a été amputée d’une part de terrains afin qu’un dépôt pour le nouveau tramway traversant la ville de Luxembourg puisse y être construit.
Les Verts veulent que la commission du développement durable de la Chambre des députés, dont Camille Gira est le vice-président, se réunisse pour traiter la question afin d’éviter "qu’un nouveau coup soit porté contre la biodiversité".
Par ailleurs, l’eurodéputé Claude Turmes a adressé une question parlementaire à la Commission au sujet de la transposition de la directive "habitat" dans laquelle il pose cinq questions. Dans la première il demande si la Commission peut confirmer que les zones spéciales désignées par le règlement grand-ducal de novembre 2009 ne correspondent pas à celles désignées à la Commission avant, ce qui signifierait que le règlement irait contre les dispositions de la directive. Par la deuxième, Claude Turmes voudrait savoir combien de zones d’habitat désignées ont été modifiées "illégalement". Par la troisième, il veut savoir si la Commission a demandé au Luxembourg de prendre position sur ces discordances. Puis, Claude Turmes demande ce que la Commission entend faire pour que "ces irrégularités" soient annulées et quelles sont les procédures à suivre pour le gouvernement luxembourgeois. Enfin, il s’intéresse à l’évaluation générale de la Commission de l’état et de l’évolution de la biodiversité au Luxembourg.