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Parlement européen - Economie, finances et monnaie
"Diktat franco-allemand", compromis "de casino" ou encore "perdant-perdant" : les eurodéputés ont eu des mots durs pour critiquer la déclaration franco-allemande de Deauville
Le Parlement européen émet des recommandations en matière de gouvernance économique et de lutte contre la crise financière
20-10-2010


Le 20 octobre 2010, les eurodéputés ont mené un débat qui portait tant sur les préparatifs du sommet du G20 des Olivier Chastel, José Manuel Barroso, Pervenche Bérès et Diogo Feio dans l'hémicycle le 20 octobre : la crise financière est encore au coeur des débats © European Parliament / Pietro Naj-Oleari11 et 12 novembre prochain, que sur les préparatifs du Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010.

Le Parlement s’est aussi penché sur un rapport de l’eurodéputée Pervenche Berès (S&D) sur la crise financière, économique et sociale ainsi que sur un rapport de Diogo Feio (PPE) contenant des recommandations à la Commission sur l’amélioration de la gouvernance économique et du cadre de stabilité de l’Union, en particulier dans la zone euro. Les deux résolutions proposées, qui sont non législatives, ont été adoptées à une très large majorité à l’issue du vote qui a suivi le débat.

Robert Goebbels dénonce les "mini-sommets franco-allemands subis par l’Europe" et appelle la Commission et le Parlement européen à "s'unir pour sauver la mise européenne, pour préserver la méthode communautaire"

L’eurodéputé socialiste Robert Goebbels, qui a participé au débat s’est montré particulièrement sombre, commençant son intervention en lançant "l’Europe va mal, le monde ne va pas mieux". A ses yeux "les actions concrètes font défaut" et il regrette que "de sommet en sommet les grands et les moins grands qui prétendent nous gouverner, mettent en scène leurs grands égos, se gargarisent de mots pompeux, alors que la principale conclusion de chaque sommet est de se réunir à nouveau".

L’eurodéputé socialiste a par ailleurs critiqué "la soi-disant "gouvernance mondiale" que veut incarner le G-20" qui n’a selon lui "aucun fondement dans le droit international, et fonctionne en dehors du système des Nations Unies". Mais Robert Goebbels s’en prend aussi aux sommets européens, évoquant à leur sujet des "paroles vaines jamais suivies d'effets".

Rejoignant sur ce point l’avis exprimé par d’autres eurodéputés, le parlementaire luxembourgeois a dénoncé le fait que "l'Europe subit les mini-sommets franco-allemands où cet étrange couple Merkel-Sarkozy prétend nous montrer la voie". "La Commission et le Parlement européen doivent s'unir pour sauver la mise européenne, pour préserver la méthode communautaire", a ainsi plaidé Robert Goebbels qui faisait référence à la déclaration de Deauville dans laquelle Allemagne et France demandaient, le 18 octobre 2010, une révision des traités en vue de l’établissement d'un mécanisme permanent de gestion de crise et de l’introduction d’une suspension des droits de vote en cas d’infraction du pacte de stabilité et de croissance. Cette déclaration était faite le jour où se réunissait la task force sur la gouvernance économique présidée par Herman Van Rompuy afin de dégager un compromis sur le renforcement de la discipline budgétaire.

L’intervention du socialiste luxembourgeois a fait écho à celle du chef de son groupe politique, Martin Schulz ayant déclaré que "le directoire franco-allemand porte un coup aux institutions européennes". Mais la pluie de critiques est venue de tous bords, y compris de la part des conservateurs. Othmar Karas, coordinateur du groupe PPE sur la crise économique a ainsi dénoncé un "diktat franco-allemand" et il a accusé Paris et Berlin d'avoir "vidé de sa substance le Pacte de stabilité" européen. Le libéral Guy Verhofstadt, a regretté quant à lui que "le caractère semi-automatique des sanctions" ait été "réduit à néant à Deauville". "L'accord est en fait un compromis de casino en vertu duquel les pays pourront simplement continuer à jouer dans la zone euro sans se soucier des conséquences", s'est-il insurgé, jugeant "incompréhensible" l'assentiment de la chancelière allemande. L'élu écologiste Pascal Canfin a de son côté parlé d'un compromis "perdant-perdant" pour l'Europe où Paris et Berlin ont cherché à se neutraliser.

Une résolution adoptée à une large majorité apporte son plein soutien aux propositions législatives de la Commission en matière de gouvernance économique

Dans la résolution sur la gouvernance économique qu’ils ont adoptés sur la base du rapport de Diogo Feio, les eurodéputés affichent leur soutien aux propositions législatives de la Commission et vont même au-delà, proposant entre autres un fonds monétaire européen permanent, des euro-obligations et le besoin de se pencher tant sur les déficits que sur les excédents budgétaires.

La compétitivité au cœur de la gouvernance économique

La résolution sur la gouvernance économique recommande que les ajustements résultant de la future surveillance budgétaire pays par pays ne doivent pas être réservés seulement aux pays ayant de forts déficits mais aussi à ceux affichant un fort excédent. De plus, le système de sanctions pour déficit excessif devrait tenir compte des circonstances spécifiques de chaque pays et permettre de revenir dans les critères du pacte de stabilité selon des calendriers différenciés.

Un fonds monétaire européen permanent

La résolution appelle également à la création d'un fonds monétaire européen sur la base de l'étude réalisée par la Commission, afin de conférer un caractère permanent au fonds européen de stabilité financière. La Commission devrait également produire une étude de faisabilité sur l'éventuelle mise en place d'un système d'euro-obligations.

Le rôle du PE pour légitimer la coordination économique européenne

Enfin, le texte propose un rôle accru pour le Parlement européen dans l'examen des budgets nationaux afin d'encourager le débat publique et d'accroître la prise de conscience, la visibilité et la responsabilité en ce qui concerne ces procédures et la façon dont les institutions ont coordonné les politiques budgétaires et économiques.

Les eurodéputés proposent la création d’un poste de M. ou Mme Euro qu’ils appellent à confier à un membre de la Commission européenne

La résolution sur les mesures et initiatives à prendre pour combattre la crise financière appelle quant à elle à la mise en place d'un système paneuropéen et global de surveillance et de régulation qui ne laisse dans l'ombre aucun marché, instrument ou institutions financiers.

Rendre le pacte de stabilité et de croissance plus efficace

La résolution sur la crise financière souligne l'importance de ramener les déficits des Etats membres sous contrôle, déplore que l'application du pacte de stabilité et de croissance ait été insuffisante et propose la création d'un mécanisme efficace d'incitations et de sanctions relatif à sa mise en œuvre.

Afin de faciliter la reprise, l'UE devrait également mettre en œuvre sa stratégie 2020 et parfaire le marché intérieur. Une attention particulière devra être accordée en particulier aux projets dans des domaines comme l'énergie, la recherche, l'innovation, la santé et l'éducation, indique la résolution.

M. - ou Mme Euro - devrait présider le conseil ECOFIN et l'Eurogroupe

De plus, afin d'assurer la cohérence de l'action économique de l'UE, les députés proposent de confier la responsabilité des questions économiques et monétaires au sein de la Commission européenne à l'un des vice-présidents de celle-ci. Ce "M. ou Mme Euro" devrait présider le Conseil Ecofin et l'Eurogroupe et représenter l'UE dans les instances internationales concernées. Cela permettrait à l'UE de mieux se faire entendre sur la scène internationale, estiment les députés.

Une taxe sur les transactions financières pour limiter la spéculation

La mise en œuvre d'une stratégie efficace de sortie de crise prévoyant les financements nécessaires pour de nombreuses mesures va requérir des ressources appropriées au niveau européen, souligne la résolution. Les députés en appellent ainsi à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières. Cela réduirait la spéculation, améliorerait le fonctionnement du marché intérieur, et le revenu généré par cette taxe pourrait contribuer à financer les biens publics mondiaux et diminuer les déficits publics. Cette taxe devrait être établie sur la base la plus large possible, mais dans un premier temps au niveau de l'Union européenne.

Astrid Lulling juge que le débat n’a pas permis de dégagé de lignes claires ou de recommandations pertinentes sur la crise financière

A la suite de ce long débat, l’eurodéputée Astrid Lulling (PPE), a regretté qu’il n’ait "pas permis de dégager de lignes claires ou de recommandations pertinentes sur la crise financière". "Chacun y est allé de sa propre interprétation personnelle de textes confus et diffus", a-t-elle poursuivi, considérant que tel est "le lot de ces rapports d'initiatives qui rassemblent de larges majorités, mais qui en même temps n'expriment pas grand-chose".

Aux yeux d’Astrid Lulling, le rapport Feio a été discuté "bien trop tardivement", et, alors que la Commission européenne a déjà déposé les directives qui réformeront le pacte de stabilité et la gouvernance de la zone Euro, l’eurodéputée luxembourgeoise se demande à quoi bon présenter à ce stade des recommandations.

L’eurodéputée luxembourgeoise estime que "le Parlement devrait se doter des règles de procédures bien plus rigoureuses et s'y tenir" et elle annonce d’ores et déjà, quand viendra le moment d’analyser les textes législatifs à venir, qu’elle s’attellera alors à ce travail. Car à ses yeux "c’est par un travail sérieux qu'une institution gagne sa légitimité dans l'édifice communautaire, non par des déclarations verbeuses".