Principaux portails publics  |     | 

Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Accord à Luxembourg sur un paquet de prévention des crises dans l’UE qui prévoit aussi des sanctions politiques et financières
La proposition franco-allemande de réviser les traités européens pour permettre une suspension du droit de vote d’un pays sanctionné et la création d’un mécanisme permanent pour le traitement des crises ne suscite pas l’enthousiasme de Juncker
18-10-2010


Le 18 octobre 2010, les ministres des Finances de l'UE réunis à Luxembourg dans le cadre de la task force présidée par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ont conclu un accord de principe pour mettre en œuvre le renforcement de leur discipline budgétaire commune, afin de tirer les leçons de la crise de la Grèce. Ce compromis est le résultat de plusieurs mois de tractations. Il ne porte encore toutefois que sur les grandes lignes et doit être finalisé lors d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE la semaine prochaine à Bruxelles.

Il prévoit le principe de nouvelles sanctions contre les pays affichant des niveaux de déficits ou de dette trop Jean-Claude Juncker et le ministre italien des Finances, Giulio Tremonti importants, qui s'appliqueront de manière plus automatique que jusqu'à présent. Actuellement, il revient aux Etats de décider eux-mêmes de se punir. Ce qui ne s'est jamais produit, rendant de facto caduc le Pacte de stabilité.

"L'Union européenne a fait aujourd'hui un grand pas en avant pour sa gouvernance économique", a commenté son président, Herman Van Rompuy, dans un communiqué. Il s'agira, lors de l'accord final, "de la réforme la plus importante de l'Union monétaire", a-t-il ajouté.

L’accord porte sur cinq volets:

  1. une surveillance macro-économique plus large, basée sur un système d’alerte précoce visant les bulles immobilières, les menaces pesant sur les balances de paiement, ou les écarts de compétitivité, donc une surveillance qui va au-delà du critère budgétaire pour garantir une croissance durable dans l’UEM ;
  2. une plus grande discipline budgétaire, un renforcement du Pacte de stabilité et de croissance, assorti de sanctions financières et politiques précoces en cas de dette excessive prévisible, des sanctions prises sur proposition de la Commission qui ne peuvent être rejetées par le Conseil qu’à la majorité qualifiée ;
  3. une coordination plus large et approfondie à travers le “semestre européen” dès 2011 ;
  4. un cadre renforcé pour la gestion des crises, pour éviter les effets de contagion sur lequel du travail est encore nécessaire ;
  5. des institutions de prévision et d’analyse économique plus indépendantes et plus fortes au niveau national ;

Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, est resté lui plus prudent: "le diable est dans les détails" et les tractations vont se poursuivre pour peaufiner le dispositif.

Le compromis a été très difficile à obtenir du fait de divergences entre les pays partisans d'une grande fermeté et d'une automaticité des sanctions, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, et ceux plaidant pour plus de souplesse, comme la France ou l'Italie.

La France et l’Allemagne demandent une révision des traités, Jean-Claude Juncker n’est guère enthousiaste

Reste que l’Allemagne voudrait voir dans un deuxième temps un renforcement supplémentaire de la discipline budgétaire, et elle est revenue à la charge avec la suspension du droit de vote d’un pays après avoir concédé à la France que des sanctions ne pourraient être prises que si elles ont passé le cap de l’épreuve de la majorité qualifiée et en acceptant la création d’un Fonds de sauvetage pour les pays de la zone euro qui connaîtraient de graves difficultés financières au-delà des trois ans actuels pour lesquels l’European Financial Stability Facility (EFSF) a été prévu.

Une déclaration franco-allemande publiée le 18 octobre 2010 à Deauville estime ainsi "qu'il est nécessaire de réviser le traité et qu'il devrait être demandé au président du Conseil européen de présenter, en étroit contact avec les membres du Conseil européen, des options concrètes permettant l'établissement d'un mécanisme robuste de résolution des crises avant la réunion de mars 2011.

Pour la France et l’Allemagne, « La révision des traités sera limitée aux points suivants :

  • L'établissement d'un mécanisme permanent et robuste pour assurer un traitement ordonné des crises dans le futur, comprenant les arrangements nécessaires pour une participation adéquate du secteur privé et permettant aux Etats membres de prendre les mesures coordonnées appropriées pour préserver la stabilité financière dans la zone euro.
  • Dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire, et suivant les procédures appropriées, la suspension des droits de vote de l'État concerné.

Les amendements nécessaires devraient être adoptés et ratifiés par les Etats membres en accord avec leurs règles constitutionnelles respectives, en temps utile avant 2013."

Ceci doit permettre d'une part de priver les Etats trop laxistes de leurs droits de vote lors des prises de décisions au sein de l'UE, une demande de Berlin. Et d'autre part de pérenniser un Fonds de sauvetage pour les pays de la zone euro qui connaîtraient de graves difficultés financières, une demande de Paris que la chancelière Angela Merkel refusait il y a encore peu. Un tel filet de sécurité avait été créé au printemps mais seulement pour trois ans.

Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a pris ses distances avec la proposition franco-allemande. "Pour avoir assisté à tant de révisions des traités, mon goût pour reprendre cet exercice est assez limité", a-t-il déclaré. "Nous sommes convenus (..) que le travail sur la mise en place d'un mécanisme permanent de résolution des crises devrait être continué et qu'il se pourrait que sa mise en place demande un changement des traités", a dit M. Juncker. Et dans l'éventualité d'un changement de traité, "on pourrait évoquer l'interdiction faite à un Etat membre (de l'UE) à prendre part au vote", a-t-il ajouté.

"On n’exclut pas une révision des traités, mais on en est pas à dire que le traité devrait être révisé", a-t-il tenu à souligner. Cette idée "ne figure pas à l'ordre du jour."