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Éducation, formation et jeunesse
ERASMUS, COMENIUS, GRUNDTVIG, LEONARDO DA VINCI et les autres ….
Du bon usage des programmes européens de formation tout au long de la vie selon Karin Pundel
26-11-2010


AneforeA quelques jours de la conférence que ANEFORE, l’Agence nationale en charge de la mise en œuvre du programme européen pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (EFTLV) allait organiser pour fêter le 2000e étudiant Erasmus luxembourgeois, les 15 ans des programmes Leonardo da Vinci et Comenius, les 10 ans du programme Grundtvig  et les 5 ans de eTwinning, Europaforum.lu s’est entretenu avec sa directrice, Karin Pundel pour dresser un bref bilan et discuter des projets de l’agence qu’elle dirige pour 2011.

Autour de 4 000 personnes concernées en 4 ans

Tous programmes confondus, 3 500 à 4 000 personnes ont été impliquées ces derniers 4 ans. Rien qu’ERASMUS, cela fait 450 étudiants envoyés à l’étranger par an, d’autres programmes, ce sont 150 stages à l’étranger, 25 projets aussi qui ont engendré plus de 300 mobilités. L’agence a atteint ses objectifs, mais chaque année est un nouveau chapitre.

Pour 2011, ANEFORE disposera pour les "actions décentralisées" au Luxembourg d’un budget mis à disposition par "Bruxelles" de 2 millions d’euros. Et mis à disposition, "cela veut dire qu’il doit être investi dans des projets en conformité avec les différents programmes, sinon il est perdu", insiste Karin Pundel. Le fonctionnement de l’agence est cofinancé, 400 000 euros venant du budget européen, 180 000 euros du budget national.

Pour 2011 : Mettre un peu plus l’accent particulier sur des actions qui n’ont pas connu autant de succès. Mais pourquoi ?

Quoi de nouveau pour 2011 ? Du côté des programmes en tant que tels, rien de nouveau. ERASMUS a subi un peaufinage qui allège les démarches administratives. Néanmoins,  ANEFORE voudra mettre un peu plus l’accent particulier sur des actions qui n’ont pas connu autant de succès ces dernières années. Car si des dynamiques nouvelles sont parties de Bruxelles, c’est aux agences nationales de les mettre en musique. Encore faut-il trouver les musiciens qui sachent ou veuillent jouer l’instrument.  

Il y a par exemple les projets, "relativement nouveaux", de volontariat des seniors GRUNDTVIG qui permettent à des personnes de 50 +  de réaliser une période de volontariat de 3 à 8 semaines dans une structure d’accueil à l’étranger pour assister, aider dans une formation ou une autre action d’intérêt commun avec le partenaire dans l’autre pays. Karin Pundel explique que ce n’est pas évident de trouver au Luxembourg des personnes de ces catégories d’âge qui seraient prêtes à s’engager pour des périodes de 3 semaines et plus. S’y ajoute que ces projets sont basés sur la réciprocité. Les participants sont donc certes accueillis par le partenaire, ce qui peut encore séduire, "mais rendre la pareille n’est pas encore si enraciné dans notre culture sociale". 

Les projets COMENIUS REGIO portent sur des sujets de l’enseignement scolaire primaire et impliquent plusieurs protagonistes de deux régions  partenaires. Là, c’est un autre problème. Depuis que l’enseignement primaire luxembourgeois n’est plus sous la tutelle des communes, mais de l’Etat, il est devenu difficile de former des synergies de communes, de parents d’élèves, d’enseignants et d’écoles pour formuler vis-à-vis d’un partenaire équivalent dans une autre région des intérêts communs sur lesquels l’on travaillerait.   

Ensuite, il y a le programme pour la mobilité individuelle des élèves COMENIUS  qui permet aux élèves à partir de 14 ans de réaliser un séjour individuel de 3 à 8 mois dans une école partenaire de l’établissement d’envoi. Mais pour être éligible, il faut trouver une école partenaire au sein d’un des 17 pays avec laquelle l’école d’envoi a déjà eu des projets COMENIUS communs.

Il y a aussi peu de stages en entreprise à l’étranger d’étudiants qui étudient à Luxembourg dans le cadre du programme ERASMUS. Non pas que ceux qui étudient au Luxembourg ne fassent pas de stage en entreprise, mais ils le font au pays même, car l’idée dominante semble être qu’on doit "garder les 'bons' ici". D’autre part, la Commission estime qu’un stage doit durer 2 mois minimum pour être utile pour les deux parties impliquées, alors que les formations BTS éligibles au Luxembourg prescrivent des stages moins longs. En même temps, le Luxembourg est un pays d’accueil des placements ERASMUS en entreprise, puisque plus de 150 stagiaires y passent par an, selon les statistiques européennes. "Selon les statistiques, mais nous n’avons pas de contact direct avec eux, puisqu’ils sont sous la tutelle de l’autorité qui les envoie, et donc d’un autre pays de l’UE", ce que regrette Karin Pundel, "car leur témoignage et leur expérience pourraient être précieux pour nous."

Témoigner, échanger

A propos d’expérience et de témoignage, ANEFORE a recueilli les témoignages de plus d’une centaine de personnes qui ont participé et bénéficié des programmes européens que l’agence coordonne. Car c’est en donnant un visage aux programmes et aussi en affichant des résultats que l’on peut mieux faire comprendre qui est visé par les programmes  et attirer de nouveaux talents avec de nouvelles idées pour se lancer dans de nouveaux projets. Un autre aspect est essentiel : faire avec les tenants d’un projet un travail d’évaluation afin de pouvoir mieux s’organiser dans le futur.

Les échanges, par le biais de conférences européennes, avec les promoteurs de projets analogues est une autre approche. A cet égard ANEFORE planifie de réaliser  une conférence sur l’alphabétisation des adultes en 2011 qui devra rassemblerdes personnes de toute l’Europe concernées par  le sujet .  Ou bien, l’on forme les promoteurs aux techniques de la gestion de la qualité d’un projet. Parfois, il faut envisager une formation plus générale des gestionnaires. Tous ces échanges ont pour effet que les personnes se mettent en cause, captent de nouvelles idées, fassent connaissance de bonnes pratiques qu’ils ignoraient mais qui peuvent les aider à progresser.

Combien ça peut coûter ?

Aujourd’hui, certains types de projets conçus dans le cadre du programme européen pour l’éducation et la formation tout au long de la vie sont des projets qui reçoivent un budget forfaitaire pour pouvoir fonctionner. Ce qui importe, c’est le résultat avec un rapport final et un vrai suivi. Avec ces budgets, l’ont peut arriver à faire bouger beaucoup de monde, à être très utile dans le secteur dans lequel l’on a lancé le projet.  Ainsi, un projet doté de 50 000 euros a conduit à l’élaboration d’un manuel destiné aux parents d’enfants dyslexiques. Mais il a aussi conduit à l’organisation d’une conférence de 200 personnes, le déplacement de nombre de ces personnes ayant été fiancé par des associations particulières. L’effet de levier du budget de 50 000 euros était donc très élevé en termes de "mobilités", le terme consacré pour un déplacement dans le cadre de ces projets.

Tourisme pédagogique ? Que nenni !

L’on entend souvent en milieu scolaire le reproche lancé à l’encontre des projets COMENIUS qu’il ne s’agit, sous couvert européen, que d’une forme élaborée de tourisme pédagogique. Nous avons donc posé cette "frequently asked question" qui contrarie Karin Pundel. Sa réponse est une position, un plaidoyer et une idée stratégique : "Je ne suis pas d’accord. L’enseignante ou l’enseignant  qui devient le promoteur d’un tel projet doit s’investir dans le dossier à constituer préalablement, doit nouer des contacts avec des semblables dans d’autres Etats membres, doit coordonner les réunions, activités et déplacements. Cela demande du temps et de la disponibilité. La personne doit préparer les jeunes qui participent, faire un rapport, justifier les dépenses, propager les résultats, faire tout un travail de relations publiques. Elle sacrifie en général une partie de ses vacances, doit rattraper les heures perdues lors de ses mobilités. Pourtant, il y a des 'accros' de COMENIUS, parce que ce programme ouvre des horizons. J’irais plus loin. Pour moi, la participation à COMENIUS devrait faire partie de la stratégie d’établissement de toutes les écoles secondaires luxembourgeoises." Et elle en rajoute : "Nombre de stages de nos écoles primaires à l’étranger, stages à la mer, à la neige, etc., sont très clairement bénéfiques aux enfants, mais ils se passent en vase clos, et non pas en échange avec la population locale. Ne devrait-on pas y réfléchir à y intégrer aussi l’échange ?"

L’Europe dans les projets EFTLV ?

Et l’Europe dans tout ça ? Reste-t-elle une expérience consciente dans ces projets ? Pour Karin Pundel, l’Europe passe par l’expérience de la libre circulation, par la dimension de la diversité culturelle, reconnue et acceptée, par la nécessaire et très européenne recherche du consensus pour aboutir à des décisions communes sur les contenus du projet.

Et quand les partenaires d’un projet se rencontrent au et à Luxembourg, le Kirchberg, les institutions européennes font partie du parcours. Pour Karin Pundel, le fait d’être reçu dans une de ces institutions est pour celles-ci un geste de routine, mais il a aussi un effet qu’il ne faut pas sous-estimer, car l’Europe devient tangible, n’est plus entièrement abstraite et hors d’atteinte : "L’on ne peut pas vraiment savoir ce que les gens retiennent d’une telle démarche après coup. Mais le 'pourquoi européen' de tous nos projets est toujours expliqué, tant pour ce qui est de son noyau que de ses activités plus récréatives."

Une autre conséquence de ces projets est que les préjugés tombent chez les simples citoyens qui en sont les acteurs. Quand on se déplace dans un autre pays de l’Europe dans le cadre des projets de formation tout au long de la vie, "l’on ne se déplace pas en tant que touriste", souligne Karin Pundel, "mais on s’y rend comme hôte et partenaire. On est en contact direct avec un mode de vie différent et dans un vrai échange de réflexion et de travail." Formation tout au long de la vie, leçon de vie ? Karin Pundel en semble convaincue.