Le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, est favorable à un rééquilibrage des "groupes d'experts" qui conseillent la Commission pour ses initiatives en ce domaine, critiqués car ils comptent trop de représentants de cette industrie.
"J'ai entamé avec mes services une réflexion interne", indique-t-il dans une lettre datée du 1er octobre 2010 au collectif anti-corruption d'organisations non gouvernementales "Alter-EU", (Alliance pour une réglementation de transparence et d'éthique en matière de lobbying), qui est un collectif d'ONG préoccupées par l'influence croissante des lobbyistes sur les politiques européennes. Alter-EU a rendue cette lettre publique le 2 novembre 2010.
Cette réflexion vise à "identifier les mesures les plus appropriées pour assurer une représentation adéquate et directe des consommateurs, investisseurs de détail, PME, syndicats et autres représentants de la société civile dans tous les groupes qui conseillent la Commission dans le développement d'initiatives politiques concrètes", précise Michel Barnier dans sa lettre.
Alter-EU avait dénoncé depuis 2009 la prédominance de représentants de l'industrie financière dans les groupes d'experts conseillant la Commission en ce domaine, et dont l'objectivité peut donc être remise en cause. Elle a salué le 2 novembre 2010 "l'ouverture" du commissaire français. ( cliquez ici pour consulter tout le dossier d’Alter-EU)
"Je reste convaincu qu'il faut faire plus pour augmenter la participation active des organisations de la société civile à la définition des politiques du marché intérieur", a encore souligné Michel Barnier dans sa lettre.
"La crise économique et financière a ébranlé significativement la confiance des consommateurs, des investisseurs de détail et des PME envers les régulations qui étaient censées les protéger des failles dans le système financier", a-t-il relevé.
"C'est pourquoi il est plus essentiel que jamais de prendre en compte les inquiétudes des utilisateurs finaux et de ceux ne faisant pas partie du secteur (financier) quand la Commission conçoit des initiatives visant à restaurer la confiance des citoyens dans la solidité du secteur financier", selon lui.
L'influence des lobbyistes à Bruxelles fait débat depuis des années. Un registre des groupes de pression actifs dans la capitale européenne a été créé en 2008, mais il n'est pas obligatoire et comporte d'importantes lacunes, déplorent les ONG.
L’eurodéputé luxembourgeois, le socialiste Robert Goebbels, avait adressé le 20 octobre 2010 une question parlementaire précisément au sujet de ce dossier au commissaire Michel Barnier.
En se référant à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d'échange sur risque de crédit de la Commission européenne du 15 septembre 2010, Robert Goebbels constate que celle-ci "avait demandé 'au groupe européen d'experts des marchés des valeurs mobilières' (ESME), qualifié de groupe "indépendant", de la conseiller en la matière."
Or, constate Robert Goebbels dans sa question, "ce 'groupe indépendant' n'était en fait composé que de représentants de banques, de fonds d'investissements et de représentants d'autres institutions financières, dont des bourses." Il ajoute : "Il n'y avait aucun représentant du monde académique, ni de représentants de petits actionnaires, ou d'experts non-liés au monde financier."
D’où surtout sa question "pour quelle raison la Commission a limité son choix à des personnes dont les employeurs ont tous pratiqué la vente à découvert et qui n'ont d'évidence aucune raison pour aller à l'encontre de pratiques douteuses, mais juteuses pour le monde financier?"
La lettre du commissaire Barnier qui a été publiée le 2 novembre 2010 a amené Robert Goebbels à constater le lendemain que "les groupes consultatifs de la Commission seront désormais moins envahis par les lobbies financiers". Il se félicite de l’intention exprimée par le commissaire Michel Barnier "de tailler dans les groupes consultatifs qui conseillent la Commission sur la législation financière européenne, en réduisant le nombre d'experts venant du monde financier." Cela va dans le sens de sa question parlementaire du 20 octobre et constitue pour lui "un grand pas vers une limitation du pouvoir d'influence des lobbies financiers sur les propositions législatives de la Commission".