Le 18 mai 2010, l’autorité allemande des marchés financiers (BaFin) a annoncé l'interdiction de certaines ventes à découvert portant notamment sur les emprunts d'Etats de la zone euro, et ce jusqu'au 31 mars 2011. Les ventes dites à découvert permettent à des opérateurs de marchés boursiers, grâce à des mécanismes financiers sophistiqués, de vendre des titres qu'ils ne possèdent pas encore, avec l'espoir de les racheter à un moindre prix. Ce type de transactions a souvent été montré du doigt depuis le début de la crise financière comme un facteur de volatilité des marchés et a été suspendu, ou limité, à plusieurs reprises dans les grandes places financières mondiales.
La décision allemande a été prise le même jour que les ministres des Finances de l'Union européenne ont trouvé un accord sur un texte visant à mieux encadrer les "hedge funds". La commission des Affaires économiques du Parlement européen a en parallèle adopté un rapport qui prévoit de nouvelles règles pour les gestionnaires des fonds spéculatifs, et notamment l’interdiction de la vente à découvert.
En visite de travail au Japon, le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, s'est dit le 20 mai 2010 "surpris" par la décision unilatérale de l'Allemagne d'interdire certaines ventes à découvert, sans concertation avec ses partenaires européens. "La décision allemande m'a surpris puisqu'elle ne fut pas préalablement discutée avec les autres membres de l'Eurogroupe", a déclaré Jean-Claude Juncker lors d'un entretien à l'AFP en marge d'une conférence à Tokyo.
"Je persiste à croire qu'une bonne coordination des politiques économiques aurait voulu que nous nous entretenions préalablement à la prise de décision. Et donc demain à Bruxelles elle sera sans aucun doute à l'ordre du jour", a-t-il ajouté en faisant référence à une réunion des ministres des Finances de l'Union européenne prévue pour le 21 mai 2010.
Le Premier ministre a par ailleurs expliqué que les responsables de l'Eurogroupe discutaient "de ce genre d'interdiction depuis des mois" et qu’il aurait "voulu que nous terminions d'abord un débat avant de le clore par une décision unilatérale de l'Allemagne". Il a toutefois tenu à préciser qu’il "ne critique pas pour autant la décision allemande", mais qu’il aurait "voulu qu'elle soit prise dans de bonnes conditions de coordination".
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a en revanche apporté un soutien appuyé à la décision de la BaFin, se disant "d'accord avec l'Allemagne sur la nécessité de freiner l'utilisation abusive des ventes à découvert".
Lors de son passage à Tokyo, Jean-Claude Juncker s'est par ailleurs dit "inquiet par la rapidité de la baisse du taux de change" de l'euro, mais il ne croit pas "que cela soit de nature à réclamer une action immédiate", a-t-il néanmoins ajouté. "Le taux de change actuel de l'euro est sans nul doute bon pour la partie de l'économie européenne tournée vers les exportations, (...) mais ce n'est pas une raison pour faire encore baisser la devise européenne", a précisé le Premier ministre.
Quant à l’eurodéputé socialiste luxembourgeois Robert Goebbels, qui a été le rapporteur fictif pour son groupe parlementaire S&D de la proposition de directive sur les gestionnaires de fonds d'investissements alternatifs AIFM, et qui avait déjà proposé au Parlement européen d’intégrer dans ce texte l’interdiction de la vente à découvert à nu, il a salué la décision du gouvernement allemand.
Robert Goebbels aurait préféré que cette interdiction eût été une action concertée européenne, mais vu que "trop de gouvernements européens plient devant leurs lobbys financiers nationaux, l’action solitaire des Allemands est tout à fait défendable." Il a ajouté que "l’interdiction des ventes à découvert est depuis longtemps incontournable. Cet interdit ne fera certes pas disparaître les spéculations par des ventes à découvert, - ce commerce se déplacera dans d’autres pays – mais la symbolique derrière une telle décision est d’une grande portée."
C’est pour cela qu’il "salue expressément" la décision du gouvernement allemand d’agir "contre cette spéculation dénuée de toute raison économique, qui ne fait qu’enrichir quelques gestionnaires tout en poussant dans l’abîme des économies entières." Ceux qui critiquent le cavalier seul des autorités allemandes pourront selon Robert Goebbels "se réjouir de la directive européenne sur les 'hedge funds' qui est en gestation" et qui prévoit elle-aussi l’interdiction des ventes à découvert.