Les gouvernements de l'UE ont échoué, en raison d'une querelle linguistique, à se mettre d'accord sur la création d'un brevet commun aux 27 pays afin de réduire leurs coûts de protection de l'innovation, dix fois supérieurs à ceux des Etats-Unis. Lors d'une réunion extraordinaire des ministres européens de l'Industrie et de la Recherche à Bruxelles, l'Espagne et l'Italie ont rejeté une proposition de compromis limitant le nombre de traductions nécessaires dans l'UE pour permettre à un brevet d'être valable sur l'ensemble du territoire de l'Union.
La Commission européenne avait proposé un régime basé sur trois langues officielles de l'UE: anglais, français et allemand. Le brevet industriel serait enregistré dans l'une des trois et un résumé traduit dans les deux autres, ce qui ramènerait les coûts de traduction à environ 680 euros.
Dans ce contexte, le Luxembourg penchait en faveur de quelque compromis que ce soit, donc autant pour l’option basée sur trois langues que sur l’option de l’anglais seul comme langue dans laquelle le brevet serait enregistré, pourvu que les industries et les PME luxembourgeoises puissent déposer un brevet qui soit immédiatement applicable au niveau de l’UE.
Madrid et Rome ont jugé le 10 novembre 2010 "discriminatoire" que leurs langues nationales ne soient pas reconnues au même titre pour valider ce document. Or, l'unanimité des 27 pays est requise sur ce dossier sensible. Pour la Présidence belge du Conseil, qui a déclaré "ne pas avoir oublié de retourner une seule pierre", cette unanimité a "été manquée de peu". Elle "réfléchira maintenant à la manière de capitaliser la dynamique issue des délégations".
La déception est grande au sein de la Commission européenne. Le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier a déclaré que "cet échec des discussions est lourd de conséquences", et que "l'absence de brevet européen entrave notre compétitivité, entrave l'innovation européenne, la recherche et le développement. En pleine crise économique, ce n'est pas un bon signal."
Une des manières de capitaliser la dynamique existante et un statu quo que Michel Barnier ne veut laisser durer serait qu'un groupe limité de pays européens tente, face au blocage, de conclure un accord entre eux sur un brevet commun, en vertu d'une possibilité dite de "coopération renforcée" rendue possible par le traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre 2009. Mais cette perspective semble bien aléatoire, car pour que des Etats membres de l’Union puissent aller vers une coopération renforcée, les autres Etats membres doivent lui ouvrir le chemin de manière unanime. Et il ne semble pas que l’Espagne et l’Italie soient prêtes à faire ce genre de concession.
Actuellement, un brevet en Europe doit être validé pays par pays, avec à chaque fois une traduction dans la langue nationale concernée. Il faut compter jusqu'à 20 000 euros, dont 14 000 euros de traduction, pour valider un brevet dans seulement la moitié des pays de l'UE. Aux Etats-Unis, environ 1850 euros suffisent. Vu le coût, certaines entreprises renoncent à protéger leurs inventions dans toute l'UE. Ce qui pénalise en particulier les petites et moyennes entreprises.